La Tunisie a beau se targuer de son statut de premier pays arabe en termes des droits et des libertés accordés à la femme, la réalité est tout autre. Les chiffres sont là pour le confirmer. En dépit de toutes les avancées législatives, les mentalités ont du mal à évoluer. La société tunisienne demeure dans sa totalité patriarcale et claustrée dans les dogmes d'antan. Dans cette guerre d'émancipation, la femme tunisienne livre un combat acharné pour s'affranchir de certaines lois répressives et archaïques. Au lendemain de la révolution, les nouvelles tendances ont ébranlé les acquis du Code de Statut Personnel. Sur la ligne de mire, la femme tunisienne s'est vite rendu compte d'une volonté rétrograde qui commençait à être propagée par une partie de la société et par le pouvoir en place. Une vague d'obscurantisme ciblait directement la femme. Une tendance qui présentait une réelle menace sur les droits de la femme tunisienne, selon les experts. La lutte pour la sauvegarde de ses droits s'est engagée dans la rue et sous l'hémicycle du Parlement. La lutte a, également, investi les plateaux télévisés et les bureaux des partis politiques. La femme et malgré toutes les compétences dont elle jouit, n'a toujours pas accès aux postes de décision tous les domaines confondus. Qu'il s'agisse de la sphère publique ou politique, les contraintes et les sabotages sont multiples. Autocensure et un héritage social sexiste Selon la dernière étude effectuée par la sociologue Dorra Mahfoudh, plusieurs facteurs vont à l'encontre de l'accès aux postes de décisions de la femme tunisienne. Les obligations alléguées depuis des lustres à la femme font que le familial empiète inlassablement le professionnel. D'où une vraie difficulté à concilier travail et famille. En effet, toujours selon l'experte du genre, Mme Dorra Mahfoudh, la femme tunisienne consacre en moyenne 6 fois plus de temps à son ménage et aux personnes âgées que l'homme. Rien que pour la nourriture, la Tunisienne passe au minimum 2 heures par jour contre 39 minutes pour le mari. Quant au reste des préoccupations et des besoins du ménage, la femme tunisienne a 8 fois plus de charge que la femme européenne et y met 2 fois plus de temps que l'homme. Cette répartition inégale des responsabilités familiales et des tâches domestiques au sein d'un foyer empiète lourdement sur l'épanouissement personnel et le succès professionnel de la femme. Les facteurs de la discrimination sont encore nombreux. Ceux d'ordre social sont palpables comme «la violence de genre et le harcèlement sexuel sur le lieu du travail» précise la sociologue Dorra Mahfoudhou ou encore la perception des postes de commande en tant que fonction masculine. Une femme, abstraction faite de son degré de compétences ou de charisme, doit rester une subalterne. Il s'agit encore une fois d'un héritage social ancré dans une société réticente à l'ouverture. Sur le plan professionnel cela prend la forme d'une discrimination sexiste patente. Les femmes sont tout bonnement écartées des postes de responsabilité, des postes de décision et très souvent des promotions. Le système de travail en interne leur confie automatiquement les postes les moins valorisants. Force est de constater aussi que selon les récentes révélations des Tunisiennes, une certaine catégorie des femmes refusent la parité et fuient par habitude les postes de décisions tous les domaines confondus. Il conviendrait de rappeler dans ce contexte, les positions alarmantes de certaines politiques qui voyaient du même œil la notion du statut de la femme tel qu'il doit être selon quelques anciens parlementaires séculaires. Il faut se l'avouer, d'ailleurs, sur le terrain certaines femmes ont cette tendance de déclarer «qu'en raison de leurs responsabilités de mères et d'épouses, elles ont refusé des déplacements professionnels en Tunisie, des missions à l'étranger, des stages de formation» combien même sont leurs ambitions professionnelles.» Disparité professionnelle par secteur et par type de responsabilité Ce déséquilibre professionnel s'illustre par les chiffres. En effet, en 2013, la population active compte 2 495000 hommes et à peine 846 mille femmes. L'absence de parité dans les postes de décisions dans la fonction publique se fait également en fonction du type du poste occupé. Si l'on se base sur les dernières enquêtes effectuées, en 2012, les chiffres sont très variables : pharmaciennes (55%), enseignement supérieur (48.2%), avocates (43.5%), médecins (42%), juges (33%), ingénieurs (30%). Quant au secteur agricole, c'est le secteur qui connaît le plus faible taux d'équilibre avec tout juste 28% de femmes. La disparité est encore plus frappante quand il s'agit du poste occupé. Plus celui-ci est supérieur, plus le taux des femmes est faible voire inexistants. Rien que dans la fonction publique, les chiffres parlent d'eux-mêmes : Secrétaire générale (4.4%), directrice générale (23%), directrice (22.2%), sous-directrice (37.4%), chef de service (32.5%) et 0% attachée de cabinet. Au total, uniquement 29% des femmes tunisiennes occupent des postes de décision dans le secteur public. En termes de chômage des diplômés, 43.5% sont des femmes, ce qui ne réduit aucunement l'écart de genre. Face à cette discrimination sociale et machiste, la femme se bat vaillament pour palier un système de travail qui va à l'encontre de son statut de mère et d'épouse. La sociologue Dorra Mahfoudh parle de «stratégies diverses et ingénieuses dans le but de remédier à l'insuffisances des services publics en faveur des couples bi-actifs et des femmes qui travaillent.» Sur le plan politique, la nouvelle Assemblée du peuple compte uniquement 68 femmes sur 217 parlementaires. L'accès au pouvoir est aussi rudimentaire. Dans le nouveau gouvernement Essid, sur les 27 ministres, il n'y a que 3 femmes ministres et parmi les 14 Secrétaires d'Etat, il y a uniquement 5 femmes. Pourtant, le principe de parité dans la législation tunisienne a été inscrit dans l'article 46 où l'Etat s'engage à «protéger les droits des femmes et de les protéger, L'Etat garantit l'égalité des chances entre la femme et l'homme pour assumer les différentes responsabilités et dans tous les domaines. L'Etat œuvre à réaliser la parité entre la femme et l'homme dans les conseils élus. L'Etat prend les mesures nécessaires afin d'éradiquer la violence contre la femme.» La ratification de plusieurs conventions et la nouvelle Constitution tunisienne garantissent certes l'égalité de droits. Or, sur terrain, la discrimination est toujours de mise. Le système professionnel viole les textes constitutionnels. Leur absence des postes de décision tous les domaines confondus en est la preuve. Dans son étude sur cette question, la sociologue Dorra Mahfoudh parle d'une parité politique très limité et incapable «à changer les rapports de genre vers plus d'égalité. D'ailleurs, elle recommande «l'adoption de lois qui donnent les mêmes chances dans tous les domaines (formation, recrutement, promotion, évolution dans la carrière). Une politique publique volontariste» et une politique professionnelle plus sensible au quotidien de la femme active et mère de foyer «la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle». Elle insiste également sur la mise en place de mesures de lutte contre le harcèlement sexuel et la violence dans le milieu du travail.