« Django » était connue dans toute cette ville du Nord-Ouest tunisien, réputée pour être essentiellement agricole. Il ne quittait jamais la tenue de cow-boy qu'il commença à porter très jeune et même en été où la chaleur était torride dans cette ville, il n'enlevait jamais le brodequins qu'il avait aux pieds et le gros chapeau de cuir qu'il mettait sur la tête. « Django » fut toujours fasciné par ces personnages des films du Far-West tels que John Wayne, Lee Van Cleef, Guiliano Gemma et tous ceux qui ont marqué la période de ce qu'on a appelé « les Westerns Spaghettis ». Ils l'impressionnaient tellement qu'il essayait sans cesse de les imiter dans leur façon de s'habiller ou de marcher. Il allait même jusqu'à prétendre que certains d'entre ces acteurs étaient d'origine arabe comme Guiliano Gemma ou Lee Van Cleef qu'il trouvait à consonance arabe (Jilani Ben Jemaâ et Ali Ben Khlifa). Ses amis avaient fini pour cette raison par le nommer Django. Il n'avait pas poussé très loin ses études bien qu'il ne fût pas tout à fait un cancre. Il était bon en calcul et à l'examen d'entrée en sixième à l'époque, c'est-à-dire la première année du secondaire il se distingua pour avoir fait zéro fautes en dictée, et parvint à trouver la colle dans le problème de math qui n'était pas à la portée de tous les élèves. Son père, agriculteur bien connu dans la région avait égorgé six moutons pour fêter sa réussite à cet examen. Il lui offrit même une motocyclette flambant neuve, de marque Solex, qui était en vogue dans le temps. Toutefois, il fit vite de quitter le collège dès la troisième année après avoir raté le brevet des études secondaires. Il se tourna vers l'agriculture et son père l'intéressa au travail de la terre en lui achetant un nouveau tracteur, qu'il commanda spécialement de Tunis. A quarante ans, il prit en main la ferme que lui céda son père de son vivant, alors que la fille unique, sœur de Django hérita de la villa, que le défunt acheta à Tunis à l'aube de l'indépendance de chez Paoletti un colon corse pressé de retourner chez lui. Django ne s'était pas encore marié et de ce fait il fit appel à sa sœur installée à Tunis, depuis son mariage, de venir lui tenir compagnie à la ferme avec Si El Béchir, son mari. Ce ne fut pas de refus de la part de sa sœur, qui était en bon terme avec lui et ne pouvait de ce fait rien lui refuser. Quant au beau frère, il ne portait pas Django dans son cœur surtout depuis qu'il apprit que la ferme lui a été cédé à lui seul et ne cessait de rabâcher à son épouse qu'elle était à moitié déshéritée. Il consentit toutefois à venir accompagner sa sœur pour passer quelques jours dans la ferme. Django était féru de chasse. Il allait régulièrement à la forêt d'Aïn Draham, pour chasser le sanglier. Le jour du drame il invita son beau-frère, ainsi que deux autres amis pour une partie de chasse. Ils se rendirent tôt dans la matinée, dans la vaste forêt d'Aïn Draham et passèrent une journée merveilleuse. A la tombée du jour, et quand le soleil était encore au crépuscule Django qui avait remarqué un sanglier s'arma de son fusil de chasse à double canon. Il s'apprêta à tirer quand il reçut une balle perdue, en plein dans la tempe. Les amis ainsi que le beau-frère accoururent à son secours, mais il était déjà passé de vie à trépas. Ce fut la mort subite provoquée par cette balle perdue. Les compagnons de Django firent part tant de leur consternation que de leur étonnement. A quel arme appartenait cette balle perdue ? Arrêtés les compagnons de Django, y compris le beau frère étaient soupçonnés d'homicide du moins involontaire sur la personne de « Django ». L'enquête s'annonça difficile, d'autant plus que le service de la balistique n'arriva pas à déterminer d'une manière indubitable de quelle arme provenait la balle perdue. Les fusils de chasse de chacun des compagnons de Django se ressemblaient et ayant fonctionné durant cette journée où le drame eut lieu. Il y avait toutefois une très forte présomption du côté du beau-frère de Django qui en voulait à celui-ci et avait intérêt à l'éliminer. En effet, la sœur de Django était sa seule héritière, puisqu'il n'avait pas laissé d'enfants. Mais ce n'était que des supputations et le mystère resta à jamais entier quant au caractère de ce meurtre et à ses causes profondes.