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«Nous vivons aujourd'hui, une crise de confiance et un moment critique de notre histoire»
Publié dans Le Temps le 02 - 05 - 2015

La morosité régnante, les décalages entre le temps politique (celui des politiciens), le temps économique ( les délais nécessaires pour que les décisions économiques se concrétisent), et le temps social très court où les Tunisiens ou ceux qui débrayent veulent tout et immédiatement, font qu'il faut être un grand Amiral pour pouvoir naviguer en haute mer tout en tenant compte de ces trois dimensions et avancer sans regarder derrière, pour conduire le navire Tunisie, à bon port, c'est-à-dire vers la réalisation des espoirs exprimés aux dernières élections. Tout le monde est, aujourd'hui, confronté à l'amère réalité. Mais, il faut impérativement traverser avec succès cette période délicate. Il y va de l'invulnérabilité du pays. Et c'est l'affaire de tous, gouvernants et gouvernés, partis politiques au pouvoir ou dans l'opposition et société civile qui a eu l'honneur de conduire le pays le lendemain de la Révolution jusqu'aux élections de 2011. Les critiques fusent de partout. La douloureuse désaffection des partis politiques auprès de l'opinion publique est un fait. Mais avec qui va-t-on construire notre démocratie qui est à ses premiers pas, si ce n'est avec les partis politiques puissantes machines d'encadrement de la société et de fabrication de têtes pensantes qui conduiront le pays ??? Pour éviter les emportées euphoriques des leaders des partis politiques, un spécialiste du suivi des frémissements de l'opinion publique, donc totalement en dehors de la vie politique, nous éclaire. M. Nabil Belaâm, DG d'Emrohd Consulting, expose ses pensées à nos lecteurs. Interview.
Le Temps : Y-a-t-il un décalage entre l'Offre des partis politiques et l'intérêt du citoyens à la politique ?
Nabil Belaâm : Il est bien sûr évident de constater que face à l'impuissance des pouvoirs publics et à l'incapacité apparente des partis politiques (toutes tendances confondues) à trouver des solutions concrètes aux vrais problèmes quotidiens, le citoyen déserte de plus en plus la politique et sa participation à toute forme d'activité politique ou citoyenne.
La situation est certes difficile et complexe. Car c'est justement cette phase qui va déterminer le model économique et social que va emprunter le pays pour une longue période. Celle qui va, aussi, mettre en place des institutions capables de garantir les fondamentaux d'une démocratie propre à nous.
Aujourd'hui les partis, surtout au pouvoir, n'ont rien pu offrir aux citoyens qui témoignent d'une grande méfiance à leurs égards. Car avec le manque de clarté dans les programmes, l'absence de décisions fermes et concrètes pour entamer les grands projets, le retard dans l'engagement des réformes et de reconstruction, le simple citoyen ne voit rien venir et sa situation économique et sociale est de plus en plus difficile. Il devient donc de plus en plus impatient, de plus en plus revendicatif et de plus en plus pessimiste.
D'où le grand fossé qui s'installe entre les citoyens et les partis politiques.
Cela est dû à quoi à votre avis ?
Il y a plusieurs facteurs.
D'abord il y un problème de perception négative à l'égard d'une bonne majorité d'acteurs politiques. Aujourd'hui, le Tunisien pense que les responsables politiques au sein des partis ne se mêlent pas du quotidien des citoyens. Ils sont seulement motivés par leurs simples intérêts personnels. Qu'ils sont loin de la réalité du terrain et qu'ils ignorent les priorités et les vrais problèmes que rencontrent les gens tous les jours.
Ensuite, nous savons tous que la première condition qui garantit l'adéquation de l'offre politique à la demande du citoyen c'est l'existence d'un véritable climat d'entente et de cohésion entre les diverses composantes politico - sociales du pays. Ceci exige, bien entendu, qu'il y ait de la patience, des concessions et un long souffle pour bien mener des négociations.
Malheureusement, ce climat se trouve aujourd'hui entravé par une cascade de conflits sociaux et une situation économique de plus en plus précaire.
De plus, en l'absence d'un Etat fort et de partis politiques quasiment absents de la scène politique, la situation ne peut qu'empirer.
Cet état d'esprit a, malheureusement, permis de créer un sentiment de cynisme du citoyen envers la politique et une perte de confiance à l'égard des responsables.
Alors, effectivement, où sont-ils passés les partis politiques aujourd'hui ?
Il faut d'abord préciser que nous assistons aujourd'hui à un paysage politique qui se présente sous un nouveau visage : absence totale des partis de l'opposition, faible présence des partis au pouvoir dans les prises de positions dans l'actualité, et surtout une détermination forte et farouche de la centrale syndicale à prendre en main le « destin social » du pays. Tout ça dans une absence inquiétante de la décision politique au sein de l'exécutif.
Malgré les fortes attentes des citoyens, les résultats du gouvernement sont maigres en termes de propositions. Tout le monde a l'impression que Habib Essid et ses coéquipiers sont livrés à eux-mêmes dans un environnement si complexe et incertain. Lorsqu'on avait posé la question « pourquoi avez – vous voté pour tel parti ? », lors de nos sondages post- électoraux, les deux premières priorités qui ont été évoquées par les sondés sont, par ordre de priorité décroissante, l'amélioration de la situation économique, le rétablissement de la sécurité et l'éradication de la menace terroriste. Or si on regardait de près les résultats de notre dernier baromètre politique (Avril 2015), nous remarquons une baisse de 19 points pour l'indice de l'espoir économique et une hausse de 8 points pour l'indice de la menace terroriste.
Le Tunisien ne voit pas de changements concrets et aucune amélioration des conditions de vie.
En dehors des multiples apparitions sur le terrain, sans résultats tangibles, le citoyen ne voit pas une amélioration. Pour lui le superficiel et l'apparence l'emportent sur l'enjeu.
Le même baromètre nous montre une défiance marquées des Tunisiens envers les partis politiques.
Y-a-t-il un risque pour notre transition démocratique ?
Le lien entre la transition démocratique et les partis politique est fondamental.
On ne peu pas parler de réussite d'un système démocratique sans l'existence de forces politiques organisées et dynamiques.
On ne peut pas parler, non plus, de construction d'une société ayant des institutions fortes s'il n'y a pas de partis politiques structurés et bien encadrés. Dans toutes les démocraties, les partis politiques constituent un réservoir de compétences et un vivier des ressources humaines. Or notre réalité d'aujourd'hui montre qu'on est, malheureusement, loin d'une telle configuration.
Aujourd'hui nous vivons dans une situation où la démocratie au sein même de nos partis politiques est malade !
Il y a, par ailleurs, un problème dans le comportement et les attitudes de nos responsables politiques. Il suffit de revenir sur tous ces conflits, querelles et disputes qui ont enflammé la scène politique ces derniers temps pour constater l'immaturité de certains acteurs. Entre les dénigrements et les accusations mutuelles, même entre les membres d'un même partis, jusqu'aux confrontations directes, parfois même sous l'œil des caméras de la télévision, les acteurs politiques ont laissé chez les citoyens une perception négatives. Sur un autre plan, nous assistons à une sorte de fermeture et d'absence de dialogue entre les organes centraux et les bases. Comment voulez vous que les partis participent efficacement et pleinement à la construction d'un système démocratique intégral, si cette dernière est absente au sein même de leur propre structures internes ? Enfin, on a l'impression que les partis sont en panne d'idées nouvelles et de créativité ou de proposition de solutions aux problèmes qui pèsent de plus en plus sur le citoyens. Les partis politiques sont les premiers qui doivent entamer leur propres diagnostics, doivent se remettre en question, doivent se restructurer et se réformer.
Nos partis politiques ont besoin d'une véritable mise à niveau politique
Et à propos du rapprochement entre Ennahdha – Nida a-t-il atteint ses objectifs ?
Sur ce sujet, je pense que le discours politique n'a pas pu atteindre la cible.
Pour la simple raison qu'il n'a jamais montré et expliqué aux citoyens qu'il y a une harmonie sincère entre ces deux pôles...les gens se rendent compte, aujourd'hui, que tout ça n'est qu'une simple tactique politique circonstancielle. Les conflits sociaux, les grèves et les revendications, ont encore montré que cette alliance n'est pas du tout efficace. D'ailleurs ceci était prévisible lors du feuilleton de la constitution du gouvernement et de la nomination des ministres et chefs du gouvernement. Les retards, l'hésitation et les changements ont bien montré les signes de fragilité et de faiblesse de cette alliance.
Que pensez-vous des nouvelles alliances des partis qui avaient été écartés par les électeurs lors des dernières élections comme Al- Joumhouri, Echaab, Ettakattol, Ettayyar dimocrati... ?
Ces partis ont besoin de se renouveler, voir de se ressourcer. Si l'ensemble de ces partis seront capables de travailler la main dans la main pour un projet de développement homogène et une vision politiques harmonieuse pourquoi pas. Le projet serait, à mon avis, couronné de succès, et cela va certainement aider le citoyen àfaçonner un choix plus raisonnable pour les prochains rendez-vous électoraux. Mais la réussite d'un tel projet n'est pas évidente. Il y a beaucoup de partis au sein de ce projet de coalition ont tellement laissé une mauvaise impression chez leur propres électeurs qu'il vaut mieux qu'ils se rétractent.
Car l'addition d'un mauvais parti politique d'une telle tendance avec un parti d'une autre tendance ne saurait fabriquer une bonne politique.
Les partis sont-ils les seuls responsables ?
A mon avis on est tous responsables. Aujourd'hui, il est devenu trop facile de mettre la faute sur les politiques et les membres de l'exécutif avant de faire son propre ménage. Je pense qu'en dehors de la responsabilité des partis politique, il y a une responsabilité citoyenne aussi. Les gens sont aujourd'hui impatients, ils veulent tout à la fois, le rendement au travail laisse à désirer, on aime le gain rapide et facile, d'où la prolifération de la contrebande, du commerce parallèle et de la corruption. Les frustrations et les revendications font partie du quotidien du Tunisien. Il vit dans une situation d'insatisfaction chronique.
Je constate que le Tunisien devient de plus en plus replié sur lui-même et peu enclin à prendre part à la vie collective et citoyenne. A la longue, cette situation va renforcer son incapacité à se remettre au travail sérieusement. Car lorsqu'on ne parle que de ce qui va mal ça va finir pour nous peser lourds. Aujourd'hui, tout le monde doit se relever et doit reprendre son souffle.
C'est une question de santé psychologique de la société, qui devient de plus en plus fragile. La conséquence est que la participation civile et citoyenne risque de s'affaiblir voir de décrocher. Espérons que non, car l'affaiblissement de participation démocratique aboutira forcément à l'affaiblissement des institutions et au découragement de nos jeunes à militer au sein des représentations quelles soient civile ou politique.
Que faut-il faire concrètement ?
Face aux exigences sociales croissantes : augmentation des salaires, emplois, amélioration du pouvoir d'achat, il ne faut surtout pas proposer des solutions du type échappatoire. Les actions de « toilettage » ne servent pas à aggraver la crise. Il faut engager des réformes structurelles de grande ampleur.
Comme je l'ai indiqué auparavant, nous vivons aujourd'hui, une crise de confiance. Cette crise de confiance est une crise de l'offre politique qui n'est pas en phase avec les attentes du citoyen. Dans plusieurs domaines, il y a trop de laisser aller. Les autorités et les Institutions n'arrivent plus à faire respecter la loi. Aujourd'hui, nous avons besoin d'une justice qui fasse son travail et que les lois en vigueurs soient respectées, il va de soi.
Nous avons besoins, aussi, d'entamer un débat sincère sur les problèmes de fond: telle que les inégalités régionales, la justice transitionnelle, etc.
Les responsables politiques doivent tirer les leçons de l'échec de la Troïka et non pas « tirer un trait ».
Aujourd'hui, nous vivons un moment critique de notre histoire. Il est impératif que les diverses composantes et forces politiques travaillent dans un climat d'entente et de cohésion, et il est indispensable de réconcilier le citoyen avec le politique.
Propos recueillis par Hassine BOUAZRA
* Bio-express
Nébil BELAAM, Expert en Réformes Institutionnelles, a entamé sa carrière en 1987 en tant que Consultant à la Cegos (leaders européens en conseil stratégie et développement).
Après une expérience de plus de 13 ans à travers des missions qui ont touché tous les secteurs économiques, il créa EMRHOD Consulting qui devient aujourd'hui l'un des acteurs les plus prestigieux dans la mesure et le suivi de l'Opinion Publique. Sa crédibilité Internationale lui a valut sa désignation en tant partenaire exclusif de Gallup Organization pour l'Afrique du Nord.


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