La presse écrite sous les feux de la rampe ces derniers jours. Au moment où des journaux de la place sont privés de distribution dans les kiosques de Tunis suite à une décision injuste et abusive prise par une société détenant le monopole de distribution , la ville de Sousse abrite les 16 et 17 mai 2015, un colloque international sur le thème : « Presse écrite : les défis du futur à l'ère du numérique ». Organisé à Royal Salem par l'association Science et Patrimoine de Kalaa Kobra, (présidée par Abdelaziz Belaid), en collaboration avec le ministère de la Culture et l'association des Créatrices Arabes de Sousse, (présidée par Fawz Trabelsi), le colloque qui est à sa 4ème édition, a réuni de nombreux participants venus d'Algérie, de Jordanie, d'Egypte, du Liban et de Tunisie pour débattre de la presse écrite et du journalisme numérique en évoquant les questions de réorganisation de la profession et de sa redéfinition identitaire. Ainsi le colloque a fait l'objet de trois séances scientifiques présidées respectivement par MM. Mohamed Ben Ezzeddine, Ahmed Hadhiri et Mohamed Ali Ben Ben Ameur. Rappelons que l'ouverture a eu lieu en présence du Gouverneur de Sousse, M. Abdelmlek Sellami et des hommes de culture de la région. Etat des lieux Analyser la situation de la presse écrite au défi du numérique, n'est pas chose aisée, de même, l'impact des technologies numériques est difficile à mesurer et la mission ne peut que rappeler combien il est urgent d'agir dans ces deux domaines en mettant en évidence les synergies et les complémentarités envisageables entre les différents médias. L'on retient du colloque autour du thème, la « Presse écrite : les défis du futur à l'ère du numérique », que l'arrivée à ce jour d'un nouveau média n'a pas fait disparaitre les autres médias ; la percée de la radio n'a pas fait éclipser les journaux, de même que le développement de la télévision n'a pas empêché le maintien d'une présence forte de la presse et de la radio. Notre consœur d'Assabah, Hayet Essayeb, coordinatrice générale du colloque, a brossé un tableau sur l'état des lieux actuel de la profession. Selon ses dires, la presse écrite dans le monde entier, traverse aujourd'hui une étape de remise en question de ses principes fondamentaux en raison des changements radicaux introduits dans le domaine des techniques de la communication par la révolution numérique. D'immenses possibilités, souligne-t-elle, sont ainsi offertes aux médias en vue de réaliser d'importants progrès. Le défi est donc d'identifier les méthodes et moyens permettant à ces medias d'abord, de s'adapter à ces changements, et ensuite et surtout, de mettre les techniques modernes de communication au service du développement de la presse écrite en particulier, aujourd'hui menacée de mort lente parce qu'elle est entrain de rater un rendez-vous crucial avec cette révolution... L'enjeu de ce colloque, explique Hayet Essayeb, est de réfléchir sur divers thèmes liés à notre problématique, tout en esquissant un ensemble d'orientations susceptibles d'apporter des réponses au monde de la presse écrite qui perd aujourd'hui ses repères face à des bouleversements se produisant sous ses yeux et touchant l'outil même qu'il croyait maitriser pour accomplir sa mission. Des thèmes pertinents, à savoir : la crise de la presse écrite et ses conséquences ; La presse électronique a-t- elle modifié les habitudes des lecteurs de la presse écrite ? ; Les coûts de production de la presse écrite sont-ils à l'origine des difficultés rencontrées ? Comment y remédier, d'autant que le numérique peut aider à surmonter de telles difficultés ? Quelles sont les menaces que fait peser la mort de la presse écrite sur le pluralisme des medias et la diversité des sources d'information ? Menaces sur la crédibilité de l'information inhérentes à l'absence de législation régissant la presse numérique et au non respect des règles déontologiques du journalisme sur la toile. Existe-t-il enfin, des failles dans la formation et l'initiation des jeunes et des moins jeunes journalises aux nouvelles techniques de l'information ? Témoignages... Toutes les questions et les problématiques ont interpellé les participants au colloque, chacun selon sa position. Mouldi Bchir, enseignant à l'IPSI, a présenté un bref historique sur la « Naissance de la presse tunisienne : Arraied Attounsi (1860) ». Sahraoui Gamaoun de la TAP a évoqué quant à lui, la « Crise structurelle de la presse écrite en Tunisie ». Abdelkrim Hizaoui, directeur du CAPJC, s'est attaqué de son côté, à la presse écrite et les perspectives d'échange avec le Web, sans oublier toutefois, le précieux témoignage de Ali Baklouti, directeur du journal Chems al Janoub de Sfax , sur la presse régionale en Tunisie, ni celui de notre confrère, Fouèd Allani, du journal La Presse, sur les difficultés de tout genre que rencontre le secteur. Autres interventions, celle de Mohamed Maamri , chercheur et auteur du livre : « La presse arabe électronique » , qui a évoqué « les changements de la presse tunisienne après la Révolution », et celle de Mohamed Ali Sghir (du journal Réalités) :« Les causes directes et indirectes de la crise de la presse écrite ». La communication que devait enfin assurer Dorra Bouzid , retraçant « son expérience de première femme journaliste en Tunisie, fondatrice de la première presse féminine arabo-africaine », a été présentée par Wassila Hazgui Ben Cheikh, enseignante de philosophie à Sousse. Quant aux invités étrangers, ils n'ont fait qu'enrichir davantage, débats et échanges, en exposant leurs expériences dans leurs pays respectifs, comme Jaafar Akili de « Arrai » (Jordanie) ; Othmane Lahiani de « Al khabar » (Algérie) : « le journal et la presse électronique, question de déontologie » ; Naceur Mtir, directeur de l'agence d'information koweitienne à Tunis : « l'agence d'information et son combat de survie dans le nouveau paysage médiatique » ; Aymen Hamza de « Al Masri Al Yaoum » (Egypte) : « la presse écrite, crise existentielle ? ». Enfin, la Libanaise Rana Najjar de « Al Hayet » a apporté un témoignage percutant sur l'importance du contenu quelque soit l'outil utilisé pour sa diffusion. Nous saluons l'effort de l'association, Science et Patrimoine de Kalaa Kobra, associé à celui de l'association des Créatrices Arabes de Sousse , d'avoir permis de telles opportunités pour débattre d'un thème brûlant et toujours d'actualité, à savoir, la presse en Tunisie, sous toutes ses coutures et les défaillances qui en découlent...Les solutions qu'on peut y apporter par l'échange et le débat, sont à notre avis , nécessaires pour une démocratie naissante .