C'est après 5 ans d'absence que la «Tracy Chapman du Maghreb», comme on la surnomme, sort enfin son nouvel album. Composé de 10 titres, il est intitulé «Al Moutakallimoun». A travers cet album, Souad Massi a désiré ressusciter les plus grands poètes arabes qui ont marqué l'Histoire de la littérature arabe. En dépoussiérant ces merveilles, la chanteuse algérienne rend hommage à ces vers légendaires en chantant entièrement en arabe. Le public tunisien a découvert le nouvel album à l'occasion du concert inaugural du nouveau Centre culturel français de Tunis. Dès sa montée sur scène le 14 mai 2015, Souad Massi a ainsi commencé son spectacle par le très célèbre poème de Feu Abou Kacem Chebbi «Ila Toughat Al Alam». Un album qui contrecarre une islamophobie absurde rappelant les «Lumières» abassides et les merveilles andalouses. Entretien. Le Temps : Le public tunisien découvre pour la première fois quelques titres de votre nouvel album «Al Mutakallimoun». Pour ceux qui ont raté le spectacle, comment le décrivez-vous? Souad Massi : Mon album «Al Moutakallimoun», c'est-à-dire les Orateurs. C'est un hommage que je rends à plusieurs grands poètes arabes anciens et contemporains. Dans ces chansons, je reprends les textes de ces poètes qui nous ont bercés pendant toute notre jeunesse. Il est composé de 10 chansons. A travers cet album, je tiens à rappeler au monde l'âge d'or de la littérature arabe et les valeurs qu'elle véhiculait. Une culture de la joie de vivre, de l'amour, du respect d'autrui, de l'ouverture sur l'autre et de la tolérance. Des valeurs qu'il faut remettre en valeur à une époque où le monde oriental est considéré comme le propulseur de la haine et de la barbarie. Sur quoi vous êtes-vous basée quant au choix des poèmes ? J'ai choisi les plus grands classiques de la poésie arabe. Qui ne connaît pas Al-Moutanabi (10ème siècle), le Libanais Elia Abou Madhi (19ème siècle), Abou El Kacem El Chabi (20ème siècle) ou encore le poète engagé irakien Ahmed Matar (20ème siècle). J'avais tout simplement envie de faire découvrir la richesse et la beauté de la littérature arabe. Nous avons notre Histoire et notre civilisation. Nous avons contribué à l'avancée scientifique et littéraire. Il fallait les rappeler à une époque où la nation arabo-musulmane vit la pire des crises de son Histoire. Vous avez commencé votre spectacle par le poème de notre regretté jeune poète «Ila Toughat Al Alam» (Aux tyrans du monde). Est-ce un message à la jeunesse tunisienne? C'est la jeunesse tunisienne qui s'est levée contre la dictature. C'est elle aussi qui a provoqué, au prix de son sang, la chute de la dictature. Par ce poème de l'un des jeunes poètes tunisiens engagés, Abou Kacem Chebbi, je tiens à rendre hommage aux jeunes tunisiens et à leur courage. Aussi le choix s'explique par la beauté de ses textes. Abou Kacem Chebbi est le poète de la révolution par excellence. On avait un cours de poésie quand j'étais au lycée. C'est à ce moment-là que je l'ai découvert. Quand j'ai lu sa biographie, j'avais encore plus envie de lui rendre hommage surtout que ses textes sont à l'ordre du jour. On ne vous voit pas assez sur scène en Tunisie. Pourtant, vous êtes très sollicitée par le public tunisien. Pourquoi? C'est la même histoire un peu partout dans les pays arabes. Le public me réclame et je sais qu'il y a un très grand nombre de fans qui aimeraientt que je me produise dans leurs pays. Je pense que c'est au niveau des organisateurs que cela se passe. Si on ne m'invite pas, je ne vais pas m'imposer. En Europe, je tourne partout. Or, j'aimerais bien être plus présente sur les scènes maghrébine et orientale.