CAB : Se surpasser !    USBG : Plus de points à perdre !    ESM : Des soucis en défense    Météo : Temps printanier    Resserrement des liens entre la Tunisie, l'Algérie et la Libye : Un pacte tripartite pour la gestion des ressources hydriques    ENDA Tamweel va émettre un emprunt obligataire de 40 MD    Le président français Macron propose un bouclier antimissile européen    L'Allemagne face à ses contradictions diplomatiques : Débat sur Gaza annulé et manifestations réprimées    Météo: Températures en légère hausse    Climatologie: Un mois de Mars chaud et sec    Manifestations étudiantes aux Etats-Unis : un tournant pour l'alliance avec Israël ?    Une première rencontre au sommet entre la Chine et les Etats-Unis sur l'intelligence artificielle    Menace sur l'intégration : l'extrême droite allemande et ses plans contre les immigrés    L'Espérance sportive de Tunis en finale de la Ligue des champions africaine    CAF CL : Sundowns – Espérance, match interrompu par la pluie !    Malgré les restrictions sionistes : 45 000 Palestiniens assistent à la prière du vendredi à Al-Aqsa    Fédération de l'enseignement de base : Titularisation de 850 agents temporaires chargés de l'enseignement    Baisse des prix des tourteaux de Soja    Arrestation d'un élément terroriste à Nabeul    Omar El Ouaer Trio et Alia Sellami au Goethe Institut Tunis pour célébrer la journée internationale du Jazz    Démantèlement d'un réseau de trafic de drogue à Sousse    Thibaut Courtois de retour après huit mois d'absence    L'ambassadrice du Canada salue les relations avec la Tunisie    Nabeul : Arrestation d'une personne pour appartenance à une organisation terroriste    Ons Jabeur affronte Leilah Fernandez en 16e de finale du tournoi WTA 1000 Madrid    Sousse - L'Institut français de Tunisie inaugure un nouvel espace dédié à la jeunesse et à la coopération    Hédi Timoumi : certains donnent des cours d'histoire sans l'avoir jamais étudiée    Journée internationale de la danse : Le Théâtre de l'opéra de Tunis organise la manifestation "Danse pour Tous"    Institut de Presse et des Sciences de l'Information : Un nouveau centre de recherche sur les médias, la communication et la transition    Composition probable de l'EST face à Mamelodi Sundowns    L'ancien ambassadeur de Tunisie au Nigeria, Jalel Trabelsi, nommé par le président de la BAD, envoyé spécial pour le Moyen-Orient, l'Afrique du Nord et la région du Golfe    L'Office des phosphates marocain lève 2 milliards USD sur les marchés internationaux    Daily brief national du 26 avril 2024: Saïed s'entretient au téléphone avec Emmanuel Macron    AGO d'Amen Bank - exercice 2023 : renforcement général et excellent rendement    Entretien téléphonique entre Kais Saied et Emmanuel Macron    Les préparateurs en pharmacie porteront le brassard rouge à partir du 3 juin    Le statut de l'artiste exige une classification fiscale    En bref    Exposition pluriculturelle «Regarde !», du 27 avril au 19 mai, à l'espace d'art Sadika à Gammarth : Autres perspectives de l'Art    Kais Saied réaffirme l'indépendance financière de la Tunisie lors de sa rencontre avec le gouverneur de la BCT    Météo : Températures maximales comprises entre 19 et 25 °C    Nabil Ammar participe à la 11e session du Comité mixte tuniso-camerounais à Yaoundé    Kaïs Saïed, Emmanuel Macron, affaire de complot… Les 5 infos de la journée    Hamma Hammami : Kaïs Saïed opère de la même façon que Zine El Abidine Ben Ali    Kenizé Mourad au Palais Nejma Ezzahra à Sidi Bou Said : «Le Parfum de notre Terre» ou le roman boycotté    Safi Said poursuivi suite à son projet pour Djerba    Hospitalisation du roi d'Arabie saoudite    L'homme qui aimait la guerre    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Kaouther Ben Hania explore la rumeur
Publié dans Le Temps le 23 - 05 - 2015

Le Challat de Tunis est un film de premier avril. Sorti le 1er avril 2014 en Tunisie, le premier long métrage de fiction de Kaouther Ben Hania a fait son entrée dans les salles françaises un an après, jour pour jour. Un pur hasard de calendrier qui tombe à pic. En effet, entre canular et réalité, ce film s'attache à la figure quasi mythique du Challat qui, selon une rumeur née en 2003, aurait balafré le postérieur de plusieurs femmes. Après deux courts métrages de fiction – Moi, ma sœur et la chose (2006) et Pot de colle (2013) - et le documentaire Les immams vont à l'école (2010) consacré à l'apprentissage de la laïcité par les imams de la Grande Mosquée de Paris, la réalisatrice adopte un genre hybride : le documenteur. Fiction volontairement masquée derrière le sérieux du documentaire, Le Challat de Tunis dit avec humour les contradictions d'une société qui oscille entre obscurantisme et désir de modernité. Absurde et grotesque ne débouchent toutefois chez Kaouther Ben Hania sur aucune condamnation. Tous les Challat en puissance – et ils sont nombreux – de son film ont leur part d'humanité et d'autodérision. Leur rire, celui de la réalisatrice aussi, est celui de la politesse du désespoir : tout en mettant à distance la réalité, il en pointe les bizarreries et les horreurs. Il balaie aussi d'un coup de babine retroussée tout didactisme, ce qui malgré le développement du cinéma tunisien depuis la révolution n'est pas encore chose très courante. Pour aller plus loin, Kaouther Ben Hania s'est confiée au Point Afrique.
Le Point Afrique : Avant Le Challat de Tunis, vous avez réalisé des films clairement inscrits dans des genres : la fiction et le documentaire. Quelle a été votre approche du documenteur ?
L'histoire du documenteur a été très importante pour moi dans la réalisation du Challat de Tunis. Depuis 2003 j'avais en tête de faire quelque chose de l'histoire du Challat, où se mêleraient fiction et réalité. J'ai alors découvert l'existence de nombreux films hybrides nommés "documenteurs", auxquels j'ai choisi de consacrer en 2008 un mémoire de master à Paris 3. Intitulé "Le documenteur : la fiction avec ou contre le documentaire ?", ce travail était pour moi une manière de mûrir mon projet. J'ai étudié tous les films du genre pour voir à quel point on a osé désacraliser le documentaire, offenser son image de vérité incontestable. Le Challat de Tunis est plein de références implicites à ce pan de l'histoire du cinéma et à d'autres films.
Le cinéma tunisien ne s'est a priori jamais aventuré dans les sentiers du documenteur. Avez-vous vécu votre entrée dans ce genre comme un risque particulier ?
Pas spécialement. Si en effet, le documenteur n'a pas d'histoire tunisienne, il a été pratiqué par de grands réalisateurs. Ce serait Woody Allen qui l'aurait introduit au cinéma en 1969. Nombreux sont ensuite ceux qui ont travaillé sur le mélange entre fiction et documentaire dans les pays anglo-saxons et aux Etats-Unis, surtout dans des films d'horreur comme Le projet Blair Witch (1999) de Daniel Myrick et Eduardo Sánchez. Et en France en 2002, William Karel a donné à cette pratique de l'hybride une grande visibilité avec son Opération lune (2002) où il raconte que le premier pas sur la Lune aurait été filmé par Kubrick. Le documenteur est donc certes moins connu que les genres majeurs, mais il bénéficie d'une histoire assez riche et partageable par tous. Le plus risqué dans Le Challat de Tunis était de manquer d'informations réelles pour nourrir la fiction.
D'autant plus que vous avez commencé à écrire votre scénario avant la révolution. Celle-ci a-t-elle influencé votre projet ?
Elle l'a rendu possible. Au début, le sujet m'inspirait un documentaire : je voulais enquêter sur cette histoire dont tout le monde parlait à l'époque, mais qui n'a jamais été traitée sérieusement par les médias. J'ai très vite compris que je ne pourrais rien obtenir de la part de la police : les archives étaient sous clé. Alors j'ai commencé à tourner une fiction aux allures de documentaire. La forme me semblait appropriée à mon sujet, mais je sentais qu'il m'était impossible de continuer sans connaître un maximum de choses du Challat. Et puis la révolution est arrivée. J'ai pu avoir accès aux archives et y ai découvert que le vrai Challat n'a jamais été incarcéré. À sa place, un repris de justice, Jallel Dridi, a été incarcéré. Je suis allée à sa rencontre.
Vous faites jouer à Jallel Dridi un rôle largement inspiré de sa propre vie. Avez-vous procédé ainsi pour tous vos personnages ?
Il y a plusieurs types de personnages dans mon film. Ceux que j'ai inventés, comme la fiancée du Challat ou Marwene Clash, le concepteur du jeu vidéo où le Challat en mobylette doit balafrer les femmes habillées à l'occidentale, et les personnages réels. Parmi lesquels le Challat, ses victimes et sa mère. Tous ont cependant un point commun : ils ne sont pas des comédiens professionnels. J'avais besoin d'authenticité. Ce qui m'a poussée aussi à réaliser de nombreuses scènes hybrides, entre fiction et réalité. Celle du casting par exemple, où l'on voit de jeunes hommes tenter de décrocher le rôle du Challat. Pour filmer cette séquence, j'ai passé une fausse annonce dans le journal, alors que j'avais déjà choisi Jallel pour le rôle principal. Je leur ai expliqué ensuite mon projet et leur ai signé des contrats d'acteurs.
L'humour noir qui traverse votre film met à distance la violence de son propos. Une manière de dénoncer une forme de banalité du mal ?
Surtout une façon de tourner le dos au film militant et au pamphlet. Je voulais faire un film sur l'absurde avec beaucoup d'absurde. Quand quelqu'un te dit : "Si une femme est habillée de telle manière, je peux la violer", comment réagir autrement que par la dérision ? Bien sûr, les réflexions machistes sont grossies dans Le Challat. Mais elles traduisent une vérité : le décalage entre l'image que renvoient les femmes tunisiennes et leur quotidien. Car si le mythe de la femme tunisienne libre n'est pas sans fondement, il n'est pas non plus tout à fait conforme à la réalité.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.