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« Le Vieux-Kram, cité des figuiers au centre des jardins de Carthage », de Abdelaziz Bey
Publié dans Le Temps le 28 - 05 - 2015

L'ouvrage de Abdelaziz Bey relate l'histoire du « Vieux-Kram », bourgade située sur une plaine bordant le golfe de Tunis, à mi-chemin entre La Goulette et Carthage. Toute cette bande côtière, par sa position stratégique, se trouve à l'abri d'un cap qui lui assurait une protection absolue, suscita, depuis les temps les plus reculés, la convoitise des conquérants venant de l'extérieur.
C'est ainsi que, d'après la légende, Elyssa, princesse de Tyr, s'enfuyant de Phénicie après que son frère Pygmalion eut assassiné son époux Acerbas, débarqua avec ses troupes au pied de la colline de Byrsa. L'endroit lui sembla idéal. Elle y érigea une citadelle et fonda Kart Hadasht (Carthage), la ville nouvelle, qui allait devenir l'une des plus glorieuses cités de l'Antiquité.
Dans son « Histoire de Rome », Tite-Live rapporte que Caton l'Ancien fut envoyé en ambassade à Carthage. Les alentours de cette cité étant alors couverts d'une forêt de figuiers, il y cueillit des figues fraîches qu'il offrit à l'assemblée du Sénat de Rome, l'incitant, lors d'un discours solennel qu'il prononça, à entreprendre la troisième guerre punique. Il termina son harangue par sa célèbre et foudroyante formule : « Dalenda est Carthago », funeste présage de la terrible destruction de cette cité rebelle !
Ce n'est que sous le règne du Mouchir Ahmed Bey (dixième souverain husséïnite) que son beau-frère Mustapha Bach-Agha (mamelouk originaire de Géorgie, officier de la Cour puis ministre de la guerre) bâtit en ce lieu encore inhabité et connu plus tard sous le nom de Kram Agha (littéralement : les figuiers de l'Agha), un palais et ses dépendances. Tout autour, une agglomération urbaine s'édifia et prit peu à peu de l'ampleur, complétant le maillon d'une constellation de villes et de villages constituant la banlieue nord de Tunis.
L'auteur du « Vieux-Kram » a depuis toujours désiré mener des recherches sur l'histoire de sa cité natale, à laquelle le lie une viscérale fidélité. En plus des informations, du reste assez rares, qu'il a pu réunir en compulsant plusieurs documents écrits, il entreprit un véritable travail de terrain en recueillant beaucoup de témoignages de la bouche des derniers survivants qui connurent le Kram d'antan, aujourd'hui tous disparus. Il réussit ainsi à recréer la bonne ambiance qui régnait dans cette villégiature où s'écoulèrent ses douces années de jeunesse auprès de sa famille et de ses amis d'enfance, ses insouciantes années de collège, cependant perturbées par une période de pénurie due aux répercussions de la seconde guerre mondiale, puis les années qui suivirent marquées par l'euphorie de l'Indépendance, jusqu'à enfin une période toute proche.
Au fil des pages, abondamment garnies de photographies de vues et de personnages, dont certaines tirées d'anciens albums de familles, A. Bey scrute les moindres recoins de cette riante station balnéaire, éveillant en lui tant d'aventures et de souvenirs. Il nous invite à parcourir ses ruelles baignées de lumière, se coupant transversalement à angle droit et convergeant vers la mer, à découvrir ses charmantes villas aux jardins embaumés, ses boutiques et ses cafés, sa poste, ses lieux de culte et son cimetière, ses abattoirs et son aérodrome. Mais ce qui attire le plus, ce sont ses lieux de divertissements et de loisirs qui ont connu, à un moment donné, une certaine vogue et surtout sa plage qui grouillait, durant toute la saison estivale, de baigneurs et de promeneurs recherchant la tiédeur de son eau et, en particulier le soir, l'effet vivifiant et délectable de sa légère brise marine. Mais par-dessus-tout, c'est l'élément humain qui constitue le véritable centre d'intérêt dans ce récit. Les habitants du Kram, notamment en cette période coloniale, formaient un ensemble communautaire très composite. On y rencontre des gens de toutes confessions et de toutes conditions : des personnages haut en relief, des cheïkhs Zeïtouniens, des princes distingués, des bourgeois cossus... et des gens ordinaires. Hormis une fraction importante d'autochtones, on assiste, dès le début du siècle dernier, à l'installation continue de familles entières venant de toutes parts et d'ailleurs et qui font la particularité de cette contrée accueillante : des juifs de souche ou de Livourne, des colons français,surtout des italiens originaires pour la plupart de Malte et de Sicile, quelques espagnols gitans, et même quelques expatriés russes qui avaient échappé à la terrible révolution.Toute cette population estdécrite dans le menu détail, saisie à traversses modes de vie, ses propres croyances etses habitudes quotidiennes. Oisifs ouvaquant à leurs affaires, exerçant multiples professions et divers métiers, administrateurs, enseignants, médecins, avocats, mais aussi épiciers, charcutiers, barbiers, tailleurs, cuisiniers, cochers... toutes ces bonnes gens vivaient en bonne intelligence dans une atmosphère de convivialité et de tolérance. Et l'on se souvient peut-être, à travers cette galerie de portraits, de certaines personnes que l'on a connues, que l'on a fréquentées et qui, dans un grand mouvement de reflux, à l'issue de l'Indépendance et de l'exaltation nationaliste qui gagna les cœurs et les esprits, sont parties bien loin, pour un voyage sans retour, rompant définitivement tout lien avec cette terre qui les a vu naître. Et l'on se souvient ausside visages familiers que l'on croit avoir oublié, qui avaient quitté ce bas monde depuis longtemps et qui, comme des revenants, resurgissent à notre conscience, ressuscités par notre infaillible mémoire. Tant d'événements depuis s'étaient produits, tant de vagues avaient déferlé sur la grève rocheuse, tant de vents avaient soufflé balayant le passé. Tout un monde estompé par le temps, dont les vestiges dépérissent avec l'écoulement des jours, un monde que la jeunesse n'a pas connu et dont plus personne n'en parle aujourd'hui. Ce vieux Kram là au charme pittoresque, si réputé pour son calme et sa quiétude, a presque entièrement disparu, cédant à une poussée démographique et urbaine consternante et inéluctable. Ses anciennes architectures, dans le pur style Art Déco, sont aujourd'hui profanées, remplacées, sans aucun souci d'esthétisme et dans un rythme accéléré, par de nouvelles constructions, dans un seul but lucratif répondant à la cupidité des affairistes et à l'appât du gain.
Le lecteur, en parcourant ces magnifiques pages pleines d'entrain, bercé par une douce et nostalgique mélancolie, replonge dans un univers sans date, un univers intime et secret à jamais révolu.


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