Ancien rédacteur en chef du Temps Lorsque les jours vous surprennent et vous rappellent leur implacable déroulement, vous avez juste le temps de reprendre haleine et de constater combien les heures fuient et combien les choses de la vie sont éphémères. Célébrer quarante années d'existence du quotidien « Le TEMPS », né le premier juin 1975 est une belle occasion d'ouvrir les tiroirs de la mémoire et de récupérer les souvenirs inoubliables des joies et des peines de quatre décennies d'existence d'un quotidien, « encore un dans la cohorte de ses confrères », écrivait Nabil Ben Khelil, premier rédacteur en chef dans le l'éditorial du numéro un de ce nouveau-né de DAR ASSABAH , s'interrogeant sur le bien-fondé de publier un nouveau quotidien, « de surcroît de langue française ». Il exprimait une légitime inquiétude vis-à-vis d'un lectorat instable dans un marché saturé où seul le quotidien « La Presse de Tunisie » a survécu après la disparition du «Petit matin» et de « La Dépêche ». C'était sans compter sur la détermination et la ténacité du fondateur de DAR ASSABAH qui tenait à ce que la maison ait un compagnon pour le prestigieux quotidien de langue arabe «ASSABAH». Le regretté HABIB CHEIKHROUHOU en faisait un défi personnel arguant qu'il ne pouvait admettre que de jeunes journalistes formés en langue française soient contraints à l'oisiveté. Il est certain, qu'en gestionnaire avisé, il nourrissait l'ambition de donner plus de relief et de notoriété à son institution, de se tailler une part de la manne publicitaire que « La Presse de Tunisie » a su attirer et d'en faire un sérieux argument de vente. Autre argument, non moins important aux yeux du fondateur, politiquement investi, même s'il s'en est défendu, il a toujours prôné la nécessaire neutralité politique de la presse privée et «a installé», les journaux de DAR ASSABAH dans le camp, non d'une franche opposition mais dans une sorte de « neutralité positive ». Chaque fois qu'il fallait trancher sur un sujet «risqué», il rappelait le proverbe populaire «Le loup ne doit pas avoir faim et le berger ne doit pas se plaindre ». Cet équilibrisme, mélange de sens politique, d'intelligence et de sagesse, a permis à DAR ASSABAH, toutes publications confondues de traverser les turbulences de la vie politique tunisienne depuis la crise yousséfiste, sans grands dégâts, maintenant une ligne éditoriale conforme au même principe : L'information est sacrée et le commentaire est libre ! Les historiens et les spécialistes, seuls, seront à même d'évaluer le parcours d'une entreprise de presse qui a su éviter les pièges de l'alignement systématique, en sachant, chaque fois, négocier les tournants dangereux et résister aux torrents dévastateurs. A sa naissance, il y a quarante ans, les observateurs et autre experts étaient plutôt pessimistes quant aux chances de survie du TEMPS. Eh bien grâce à eux, nombreux sont ceux qui ont, comme l'écrivait Balzac, « payé de leur temps et de leur personne » et qui continuent de fournir de grands efforts pour sauver le navire. « Le TEMPS » est demeuré à flot. Ils méritent l'hommage qu'on leur rend aujourd'hui et les encouragements pour qu'ils continuent de s'investir et d'adapter le journal aux exigences des temps modernes. Le socle résiste, ainsi que des fondements solides. Certes, les défis sont aujourd'hui plus difficiles et les attentes du public, de plus en plus exigeantes. Les lecteurs sont rassasiés par l'abondance et la proximité d'une information à portée de clavier. C'est là où la capacité de rénovation et d'adaptation des rédactions doit intervenir. C'est là également où se situe l'exigence essentielle de la formation continue, de la permanente auto-remise en question des capacités de chacun, de chaque journaliste, de chaque technicien et du constant souci de bonne gouvernance. C'est également à ce stade que les pouvoirs publics assument l'obligation d'accompagner cette mutation qualitative inéluctable de la presse nationale. L'aide de l'Etat, claire, transparente et aux règles dument fixées qui récompensent l'effort et encouragent l'emploi des jeunes journalistes, est une nécessité impérieuse pour sauver la presse écrite et ses travailleurs sinon le risque est grand de voir le secteur s'appauvrir par une fuite de ses capacités et compétences humaines vers des horizons plus attractifs parce que plus valorisants et plus rémunérateurs. M.K