Les parties engagées dans le conflit de Dar Assabah et leurs représentants se sont réunis hier au siège du ministère des Affaires sociales. Cette réunion, placée sous l'arbitrage de Khalil Zaouia, ministre des Affaires sociales, a regroupé le syndicat de base de Dar Assabah, le Snjt (Syndicat national des journalistes tunisiens) et le président du conseil d'administration, Raouf Cheïkhrouhou. Cette réunion intervient, rappelle-t-on, suite à la suspension de la grève de la faim engagée par une dizaine de journalistes qui ont été rejoints samedi dernier par 184 membres du personnel. La suspension de la grève de la faim a eu lieu suite à la visite de Khalil Zaouia. Il convient de relever à cet égard que le sit-in se poursuit pour le 43e jour consécutif. Pour revenir à la réunion d'hier, des sources informées nous ont appris que les négociations étaient sur le point de capoter. L'ordre du jour a, semble-t-il, constitué la pierre d'achoppement entre les protagonistes de la négociation. Selon ces mêmes sources, le médiateur institutionnel aurait souhaité traiter des questions sociales et financières en premier lieu et différer la question de la nomination du directeur général. Les négociations, qui ont démarré avec une heure de retard, se poursuivaient, cependant, au-delà de 21h00, signe qu'un compromis aurait pu être trouvé entre les parties en conflit qui, a-t-on appris, ont dû quitter la salle pour concertation avec probablement de hauts responsables politiques. Ce temps particulièrement long consacré à la négociation n'est certes pas synonyme de réussite : ou les parties convergent vers un compromis ou alors il s'agit d'une séance de pures palabres, chacun campant sur ses positions. Souhaitons qu'elles trouvent un terrain d'entente. Il y va de l'intérêt du secteur de l'information en général et de Dar Assabah en particulier. Pour tâter le pouls du mouvement et sonder l'état d'esprit des uns et des autres, nous nous sommes déplacés, avant la réunion de négociations, à Dar Assabah où le personnel est encore en sit-in. L'ambiance était à l'optimisme pour certains et au pessimisme pour d'autres. Mais à leurs yeux, tout dépendra du résultat des négociations pour décider de l'action à suivre. Les principaux points de revendication du personnel, dans l'ordre, sont les suivants : le départ immédiat du directeur général, M. Lotfi Touati, l'indépendance de Dar Assabah et de sa ligne éditoriale, autrement dit la séparation entre l'administration et la rédaction, car les journalistes refusent que Dar Assabah soit utilisée à des fins électorales par le gouvernement et enfin les revendications sociales comportant entre autres l'indemnisation des journalistes. Sana Farhat, présidente de la section du Snjt à Dar Assabah, est catégorique : «On nous a demandé un délai de trois semaines pour remplacer le directeur général afin de préserver la dignité de ce dernier et l'image du gouvernement. Or, vous connaissez toutes nos péripéties avec ce directeur, le courant ne passe pas, donc ce délai est de trop. Nous attendons la nomination d'un gestionnaire à la tête de l'entreprise qui souffre de difficultés financières dues à la gestion de M. Raouf Cheïkhrouhou». Sana Farhat avoue qu'elle n'a aucune idée de ce qui adviendra de cette réunion, mais en cas d'échec des négociations, le mouvement de la grève de la faim sera plus élargi : «Nous allons continuer notre combat jusqu'à obtenir gain de cause. Mais en cas de réussite des négociations, nous continuerons notre action en organisant des élections pour élire la rédaction en chef, un conseil de rédaction et la mise sur pied d'une charte rédactionnelle et éthique de manière à garantir l'indépendance du journal et le bon déroulement du travail». Rabaâoui Med Salah, secrétaire général du Syndicat de la section Snjt est, lui, pessimiste. Il s'en explique : «Quand je lis l'interview de Lotfi Zitoun, conseiller du Premier ministre, dans le quotidien Echourouq, je ne peux qu'être pessimiste. Car il a transformé toutes nos revendications en revendications sociales comme s'il n'y avait aucun problème éthique. Or, après la visite des membres de la FIJ au Premier ministre, Lotfi Zitoun a déclaré que tous les points seront révisés, y compris la nomination de Lotfi Touati. Aujourd'hui, il revient à la charge en disant que «la nomination est l'affaire du gouvernement». Mais moi je persiste et signe : le gouvernement doit revoir ses positions, car on ne peut imposer à la tête de l'entreprise une personne en désaccord avec tout le monde». Saïda Ben Zineb, elle, est optimiste, deux revendications principales lui tiennent à cœur : «L'indépendance de Dar Assabah et de sa ligne éditoriale ainsi que les revendications sociales et financières». Essia Atrouss estime, de son côté, que le point le plus important n'est autre que le départ du directeur général : «Je suis optimiste, dit-elle, car j'ai confiance en mes collègues. Nous sommes là pour continuer le combat si les négociations échouent, surtout que le sit-in est encore ouvert. Notre mouvement est professionnel et apolitique, nous ne sommes pas des marionnettes, ce qui nous importe c'est l'indépendance de notre entreprise et de sa ligne éditoriale, en particulier, ainsi que la liberté de la presse, en général».