38 ans d'existence. « Le Temps » n'a-t-il que 38 ans ou a-t-il déjà 38 ans d'âge ? C'est la question existentielle que nous nous posons chaque jour dans la quête de l'identité d'un journal dont son fondateur feu Habib Cheikhrouhou, le plus grand visionnaire des médias et aussi le plus grand communicateur qu'ait jamais sécrété la Tunisie, voulait faire un quotidien pour l'avenir, pour la jeunesse toujours renouvelée de la Tunisie et le miroir réfléchissant de son époque. En ces temps-là, la gageure de feu Habib Cheikhrouhou de donner une petite sœur à la grande sœur « Assabah », avait l'ambition de ses moyens, une équipe de juniors encadrée de seniors, dont les plumes étaient déjà affirmées. Et, à l'instar d'Assabah, Le Temps devint aussi une école de journalisme et une école de vie. Il n'était pas facile de venir à bout de la résistance de l'establishment de cette époque-là. Trop de feux croisés, en effet, trop d'intérêts se tramaient pour, finalement, noyauter et centraliser le paysage médiatique, feu Habib Cheikhrouhou, considéré comme étant un « peu trop indépendant » sut convaincre un Bourguiba qui était, certes, encore lucide mais qui n'acceptait pas vraiment le discours contradictoire et refusait même d'intégrer la dimension dialectique de l'Histoire. Ce n'était pas facile. Il n'empêche : après sa première parution ; dans le format tabloïd, Le Temps apportait, dans une langue (le français) qui avait encore pignon sur rue, un bol d'oxygène au monde médiatique dont on s'imaginait bien qu'il était quelque peu stéréotypé et qui devait caresser dans le sens du poil. Le Temps épousait ainsi l'air du temps. Certes, élans juvéniles et passionnés, imperfections imputées à l'empressement des jeunes du Temps de s'affirmer et vite, devaient durer le temps qu'il fallait pour accéder à la maturation. Une maturation atteinte avec le temps, même les équipes qui se sont succédé dans le journal et jusqu'à l'actuelle, œuvrent à chaque numéro à fournir un produit crédible à ses lecteurs, ont toujours considéré qu'il y a encore du chemin à faire. Et ce chemin est encore long, surtout après les remises en cause nécessaires et courageuses infléchies par les basculements de l'Histoire. Il reste que c'est un combat de tous les jours et plus que jamais, aujourd'hui, dans l'esprit de DAR ASSABAH tel que défini dans onze axes inamovibles par feu Habib Cheikhrouhou, pour réaffirmer l'indépendance du journal, sa position équidistante vis-à-vis de tous les courants politiques qui foisonnent aujourd'hui en cette époque révolutionnaire. Le premier éditorial paru le jour de sa naissance, le 1er juin 1975, mettait en exergue la gageure et écrivait en substance que le temps dira si « Le Temps » pouvait s'affirmer. S'est-il affirmé ? Comment notre journal a-t-il réussi à être le miroir de son époque pour se muer progressivement en journal de proximité, d'information crédible et de commentaire libre ? Encore une fois, le temps le dira. Parce que le chemin est encore long, parce que « Le Temps » participe à la réédification d'une Tunisie nouvelle, affranchie de la dictature tout en restant dans sa logique de neutralité idéologique. Tout en respectant chaque jour cet écriteau accompagnant son logo : « Quotidien indépendant ».