Lorsque Baghdadi Mahmoudi avait regagné la frontière tunisienne, à la suite du soulèvement du peuple libyen contre le régime de Kadhafi, il était certain d'y trouver un refuge sûr. Il ne s'était pas comporté comme un hors-la-loi en fuite, mais en tant que demandeur d'asile politique, et s'était conformé à la loi en obtempérant aux règles juridiques en la matière. Aussi avait-il été traité comme tel, par les autorités tunisiennes qui l'ont confié à la justice, laquelle a le dernier mot. Il a été défendu par les avocats qui ont été commis à cet effet et soutenu par les organisations de défense des droits de l'Homme. Condamné à une peine de prison en première instance, pour passage illégal de la frontière, il a été acquitté en appel. Il était dès lors confiant en la Justice, la Tunisie étant un pays de droit qui a toujours respecté les accords de réciprocité judiciaire entre les pays frères et amis, dont la Libye. Il s'apprêtait donc à être libéré et à l'époque, son avocat le bâtonnier Béchir Essid, avait déclaré qu'il devait être remis en liberté après sa relaxe par la Cour. Mabrouk Korchid, avocat de Baghdadi Mahmoudi, a déclaré hier à ce propos, qu'il l'avait visité en prison et qu'il a été étonné, voire surpris par son optimisme quant à l'avènement du parti islamiste au pouvoir. « L'ancien responsable, qui vient d'être condamné à mort, avait expliqué qu'il connaissait personnellement Rached Ghannouchi et que ce dernier était également un ami de Kadhafi », a-t-il précisé. Il ajouta que « Baghdadi Mahmoudi lui avait confirmé que le chef du mouvement islamiste avait effectué plusieurs visites en Libye en tant qu'invité d'honneur. Ghannouchi avait reçu de l'aide du régime Kadhafi, révélant qu'il ne voulait pas rentrer en Tunisie, même après le départ de Ben Ali, mais que Kadhafi le lui avait conseillé. Tous ces éléments avaient conforté Baghdadi Mahmoudi dans sa conviction que le gouvernement tunisien n'allait pas procéder à son extradition vers la Libye ». II avait fait remarquer par ailleurs, que « Foued Mebazaâ, président de la République à l'époque, s'était opposé à la demande d'extradition de Mahmoudi, et avait promis que tant qu'il serait à la tête de l'Etat, l'ancien Premier ministre libyen restera en Tunisie ». Du point de vue juridique L'avocat de Baghdadi Mahmoudi pouvait-il formuler un recours devant les instances juridiquement compétentes, contre la décision d'extradition ? En tout état de cause, entre les atermoiements du président de la République Moncef Marzouki et l'attitude du Premier ministre, Hamadi Jebali à vouloir passer outre sa position, l'issue de cette affaire fut incertaine, et en tous les cas occultée. Le jour où la nouvelle de l'extradition de Baghdadi Mahmoudi a été annoncée, Marzouki semblait tomber des nues, en clamant haut et fort qu'il n'en avait pas été tenu au courant. Quant à Hamadi Jebali, il soutint Mordicus qu'il en avait informé par écrit la présidence de la République et en tout état de cause, il semblait bien décidé à livrer Baghdadi Mahmoudi aux autorités libyennes, quel qu'en fut l'avis de Marzouki. Ce qui est tout à fait contraire à la loi, et c'est la raison pour laquelle le collectif de défense de Baghdadi Mahmoudi, ainsi que toutes les organisations de défense des droits de l'homme le tiennent pour le premier responsable des conséquences de son entêtement. Dans un communiqué paru hier sur son statut, la Ligue tunisienne des droits de l'Homme dénonçant la condamnation à mort de Baghdadi Mahmoudi, a déploré la décision d'extradition de ce dernier, constituant « une violation des accords d'extradition entre la Libye et la Tunisie, et accuse par ailleurs le gouvernement tunisien d'être responsable de ces conséquences catastrophiques et l'appelle à en assumer ses erreurs ». Elle l'exhorte à prendre les mesures nécessaires pour empêcher l'exécution de la sentence en question en demandant la révision du procès ». Pour sa part, le collectif de défense de Baghdadi Mahmoudi, a annoncé hier, qu'il intente un procès contre Hamadi Jebali, ex-chef du gouvernement de la Troïka. «Notre client a été livré à une partie libyenne suspecte et non reconnue officiellement », a-t-il fait remarquer. Que se passera t-il sur le plan juridique ? Le collectif de défense a l'intention de demander la révision du procès et d'agir également sur le plan international, les organisations des droits de l'Homme y aidant. Cependant il n'est pas sûr que les instances libyennes acquiesceront à cette demande, car ils semblent bien décidés à en finir avec tous les symboles du régime de Kadhafi, et ils ont choisi la manière radicale et contraire à toutes les normes des droits de l'Homme. Quels que soient les faits reprochés aux accusés, ils ont droit aux garanties d'un procès équitable. Pendant la Révolution française, Me Malesherbes, l'avocat de Louis XVI déclarait à la cour : « Ce n'est pas le roi que je défends mais l'Homme », et ce fut le roi qui a été condamné à mort, alors que Justice n'a pas été rendue à l'homme !