Le ministre à procédé à des limogeages en masse depuis son entrée en fonction De prime abord, la vidéo peut sembler surréaliste. Dans une pièce, un vieil homme squelettique git au sol, au pied d'un lit médicalisé. La pièce est sale, immonde. Le sol est jonché de crasse et de détritus, dont des restes de ce qui semble être un plateau repas. Le drap recouvrant le matelas est encrassé, orné d'une grosse tache de couleur orange. On se croirait dans un décor de guerre mais la scène se passe en réalité à l'intérieur de l'hôpital régional Tahar Maâmouri de Nabeul. Abandonné à son sort, le vieillard au sol, uniquement vêtu d'une blouse grise ne recouvrant son corps qu'à moitié, a le regard hagard, complètement dans le vide. A l'homme qui filme la séquence et qui lui demande pourquoi il est dans cet état piteux, il lui répond, d'un air las : « Allah ghaleb ». La vidéo amateur, tournée par un citoyen de passage à l'hôpital de Nabeul et diffusée sur internet, a aussitôt suscité la colère et l'indignation de tous. Jugée choquante et très grave, elle a été largement relayée aussi bien sur les réseaux sociaux que dans les média, à tel point que Saïd Aïdi, le ministre de la Santé en a eu vent. Après avoir visionné la séquence, il a aussitôt demandé l'ouverture d'une enquête administrative à ce sujet pour déterminer les circonstances des faits et surtout les responsabilités de chacun. En attendant le rapport final de cette enquête, Aïdi n'est pas resté à se tourner les pouces puisque le soir même, il s'est rendu à Nabeul pour y effectuer une visite surprise à l'hôpital universitaire Mohamed Tahar Maâmouri ainsi qu'à celui de Mohamed Tlatli. Le ministre a tenu à visiter différents services, notamment ceux des urgences et de néo-natalité. Lors de sa tournée, il s'est également rendu au chevet du vieil homme qui apparaît sur la vidéo choc pour s'enquérir de ses nouvelles. Il a ainsi appris que le patient souffrait d'une fracture de la hanche datant du 5 juillet dernier et a été opéré plus d'une semaine après. Mais ce qui est le plus frappant dans l'histoire, c'est que le vieil homme a, depuis, été lavé et transféré dans une chambre assez confortable aux murs immaculés, avec rideaux et autres commodités. Le patient se rétablit désormais dans un lit propre et a droit à une literie d'un blanc éclatant. Un vrai luxe pour celui qui gisait quelques heures plus tôt sur le sol d'une pièce écœurante, au milieu de saletés. Mais comment expliquer ce changement subit ? En tenant compte du caractère inopiné de la visite ministérielle, des « âmes charitables » en auraient-elles informés les responsables des deux hôpitaux alors que Saïd Aïdi était en cours de route ? Près de 70 km séparent Nabeul de Tunis et le trajet nécessite environ une heure. N'est-ce pas là un laps de temps assez suffisant pour réaliser la toilette d'un patient et le transférer dans une chambre proprette, sentant bon « le forcing ». Limogeages en masse A l'issue de sa visite aux hôpitaux de Nabeul, Saïd Aïdi a déclaré avoir constaté plusieurs insuffisances au sein de ces établissements sanitaires, à commencer par le manque d'effectifs et de matériels. Nabeul compte 3 hôpitaux régionaux, 8 hôpitaux de circonscription et 120 centres de soins de santé de base. Le ministre a également insisté sur la nécessité pour tous les employés de respecter le temps de travail et de mieux organiser les horaires de visite ainsi que sur l'urgence de former tous les agents de la santé au traitement spécifique des patients âgés. Il a ensuite rappelé qu'il attendrait la fin de l'enquête en cours pour prendre les décisions qui s'imposent. Pour rappel, Saïd Aïdi a limogé à la mi-juillet le directeur régional de la Santé à Sfax, le directeur général de l'hôpital universitaire Habib Bourguiba, le directeur général de l'hôpital universitaire Hédi Chaker ainsi que les responsables de l'hygiène et les présidents des conseils administratifs des deux structures hospitalières. Ces limogeages font suite à la visite sur terrain du ministre à Sfax, le 11 et le 12 juillet dernier. Des mesures qui ont enthousiasmé les citoyens et délié les langues sur la qualité de l'accueil, l'hygiène déplorable et les services médiocres dans les établissements hospitaliers en Tunisie. La dictature du personnel hospitalier A ce sujet, les doléances n'en finissent plus. Du nord au sud, avec près de 22 centres hospitalo-universitaires, 32 hôpitaux régionaux, 118 hôpitaux de circonscription et plus de 2050 centres de soins de santé de base, nombreuses sont les structures publiques de santé en Tunisie qui accusent des défaillances accablantes tant sur le plan administratif qu'humain. Si les prestations médicales sont globalement jugées satisfaisantes, les patients et leur entourage pointent très souvent du doigt le comportement souvent nonchalant, quelquefois indifférent et parfois même tyrannique du personnel paramédical, ouvrier ou encore administratif. Des heures d'attente interminables, des dépassements en tous genres, des insultes, des humiliations, des cris et parfois même des agressions: tel est le lot quasi-quotidien des citoyens tunisiens. La nomination de Saïd Aïdi au poste de ministre de la Santé est venue redistribuer les cartes et lever le voile sur de nombreux dépassements et manquements. Au début de son mandat, le ministre s'est donné pour objectif d'assainir ce secteur ô combien sensible et d'y apporter des améliorations notables et durables. Réussira-t-il son pari ?