La Russie continue ses frappes aériennes en Syrie en visant essentiellement des zones tenues par des mouvements rebelles autres que l'Etat islamique (EI) qu'elle dit viser, s'attirant une réponse de plus en plus irritée de la part de l'Occident. Barack Obama a critiqué la politique menée par la Russie en Syrie, vendredi lors d'une conférence de presse à la Maison blanche. "La tentative de la Russie et de l'Iran de soutenir Assad et de tenter de pacifier la population ne va faire que les enfoncer dans un bourbier et cela ne marchera pas", a-t-il déclaré. La guerre civile en Syrie ne doit pas tourner à une "guerre par procuration" entre les Etats-Unis et la Russie, a ajouté le président américain. La coalition internationale menée par les Etats-Unis, qui bombarde l'Etat islamique en Syrie, a de même appelé la Russie à cesser ses attaques sur les cibles autres que celles de l'EI. "Nous appelons la Fédération de Russie à cesser immédiatement ses attaques contre les civils et l'opposition syrienne et à concentrer ses efforts sur la lutte contre l'EIIL", a déclaré la coalition, qui comprend les Etats-Unis, les grandes puissances européennes, des Etats arabes et la Turquie. "Nous exprimons notre profonde inquiétude en ce qui concerne le déploiement militaire russe en Syrie et en particulier les attaques par l'armée de l'air russe sur Hama, Homs et Idlib depuis hier qui ont fait des victimes civiles et ne visaient pas Daech", poursuit le communiqué de la coalition qui utilise des acronymes pour désigner l'Etat islamique. Plusieurs mouvements bombardés vendredi combattent à la fois le régime de Damas et les djihadistes de l'EI, ce qui accrédite les accusations des Occidentaux selon lesquels la lutte contre l'EI n'est qu'un prétexte utilisé par la Russie pour entrer en guerre au côté de Bachar al Assad. Certains de ces groupes ont reçu des armes et une formation militaire de la part d'Etats ennemis de Bachar al Assad et notamment des Etats-Unis. "BOURBIER" A Paris, François Hollande et Vladimir Poutine ont tenté de rapprocher leurs points de vue sur la transition politique en Syrie en marge d'un sommet quadripartite sur l'Ukraine. La France et l'Allemagne ont dit au président russe que l'Etat islamique était l'ennemi à combattre en Syrie, ont déclaré François Hollande et Angela Merkel à l'issue de cette réunion. L'Elysée rapporte que les deux hommes ont eu des "échanges approfondis sur la base des trois conditions" posées par la France pour envisager une coopération franco-russe sur le théâtre syrien : frapper Daech et non d'autres objectifs, assurer la sécurité des civils et mettre en oeuvre une transition politique claire qui suppose le départ du président syrien, soutenu par Moscou. L'opposition syrienne en exil a réaffirmé qu'elle refusait que Bachar al Assad joue un rôle quelconque dans un futur gouvernement de transition. Au troisième jour de l'intervention militaire russe, vendredi, le ministère russe de la Défense a indiqué que douze objectifs appartenant à l'EI avaient été ciblés, quand bien même la plupart des objectifs désignés, dans l'ouest et le nord de la Syrie, ne se trouvent pas dans des régions où le groupe djihadiste est implanté. L'EI est surtout implanté dans l'est. Des Soukhoï-34, Soukhoï-24M et Soukhoï-25 ont procédé à 18 sorties, touchant un poste de commandement et un centre de communication dans la province d'Alep ainsi qu'un camp d'entraînement à Idlib et un poste de commandement dans la province de Hama, a précisé le ministère dans un communiqué. Par la suite, un responsable du ministère russe de la Défense a déclaré que l'armée de l'air russe avait effectué 14 vols en Syrie vendredi et effectué six frappes contre l'EI. La différence avec les chiffres précédents n'a pu être éclaircie. Hier, le ministère de la Défense cité par les agences de presse russes rapporte que l'aviation russe a effectué plus de 20 raids en 24 heures et visé des cibles de l'EI. Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), qui suit le conflit grâce à un réseau d'informateurs sur le terrain, l'EI n'est pas du tout présent dans les régions de l'ouest et du nord de la Syrie où les avions russes ont frappé. L'aviation russe a toutefois mené quelques raids contre des positions de l'EI plus à l'est, a déclaré le directeur de l'OSDH, Rami Abdoulrahmane, faisant état de douze djihadistes tués jeudi dans la province de Rakka. Critiques occidentales et arabes: Moscou affirme que ses frappes ont forcé 600 militants de l'EI à abandonner leurs positions La Russie a affirmé hier que ses frappes aériennes en Syrie entamées mercredi avaient semé la "panique" chez le groupe Etat islamique (EI), en forçant 600 de ses membres à abandonner leurs positions. "Nous avons réussi à réduire significativement le potentiel militaire des terroristes (...). La panique et la désertion ont commencé dans leurs rangs", a affirmé un haut responsable de l'état-major russe, le général Andreï Kartapolov. Selon lui, "environ 600" militants de l'EI "ont abandonné leurs positions et tentent de s'enfuir vers l'Europe". Depuis mercredi, "l'aviation russe a effectué plus de 60 frappes en Syrie visant plus de 50 sites d'infrastructure de l'organisation terroriste Etat islamique", parmi lesquels des entrepôts de munitions et d'explosifs et des camps d'entraînement de l'EI, a précisé M. Kartapolov, cité dans un communiqué de l'état-major. Compte tenu des premiers résultats, "non seulement nous allons poursuivre les frappes aériennes, mais aussi les intensifier", a souligné le responsable. Il a également répété que les frappes russes ne visaient que les "terroristes" en Syrie. La Russie a prévenu "à l'avance" notamment la partie américaine qu'elle allait mener des frappes sur les sites de l'EI, selon M. Kartapolov. "Les Américains nous ont informés alors qu'il n'y avait personne d'autre sauf des terroristes dans cette région", a-t-il affirmé. La Russie a commencé mercredi à mener des frappes en Syrie, dans sa première intervention militaire d'envergure hors de l'ex-URSS depuis l'occupation de l'Afghanistan en 1979. L'Occident et les pays arabes ont critiqué la stratégie russe en Syrie, disant soupçonner Moscou de concentrer ses attaques non sur l'EI mais sur les opposants au régime considérés comme des modérés par les Etats-Unis et leurs alliés. Le président américain Barack Obama a estimé vendredi que la stratégie de la Russie en Syrie était une "catastrophe assurée".