Musiqat (les Musiques) est ce voyage musical qui abolit les barrières spatiotemporelles, qui vous emportent dans des contrées lointaines. Une pérégrination de sept jours à travers le monde et les temps à la rencontre de voix suaves, d'aventures joyeuses et enchanteresses. Hier le rideau est tombé sur un festival de musiques mitigées entre le passé et le présent. Le mot de la fin était donné au symbole de la chanson traditionnelle tunisien Hedi Habouba. Mais la traversée fut un véritable moment de joie où chaque soir, l'on est emporté vers une nouvelle péripétie musicale ! Le pays de Babylone (l'Irak) ouvrit le bal avec le concert de la chanteuse irakienne Farida Mohamed Ali. Le voyage continua tous les soirs mettant le cap sur Azerbaïdjan, la Grèce, Burkina Faso et l'Italie. Le concert qui précède la clôture donna la voix à l'Amérique Latine avec la voix savoureuse de la chanteuse argentine Débora Russ ! Une voix qui émut le public venu en nombre ce soir-là malgré les intempéries. La revancha del Tango ! En cette soirée hivernale, par ce temps capricieux, Musiqat leva les voiles vers Buenos Aires emportant avec lui un public émerveillé ! La ville du Tango par excellence accueillit les bras grands ouverts cette centaine de voyageurs. On jeta l'ancre sur les rives marécageuses du Rio de la Plata, dans les faubourgs de Buenos Aires où naquit le Tango au dernier quart du XIXe siècle. Cette extraordinaire rencontre entre la chanteuse à la voix ensorceleuse et le public était jalonnée de moments inédits. Entre chaque chanson, l'artiste contait l'histoire qui en a vu naître les paroles, le contexte de l'époque et les faits qui ont inspiré le compositeur. Des moments forts qui créèrent une sorte d'intimité et de familiarité palpable entre l'artiste, les musiciens et le public. La chanteuse argentine le déclara au terme de son concert : «Ce soir, je me sens entourée de ma famille ! Je vais me comporter sans chichi et vous parler comme si vous étiez les miens.» Le talent de l'artiste était tel que toute sa physionomie, sa voix, l'expression de son visage et son gestuel se métamorphosait subitement à la fin de chaque couplet. Tout en elle mimait les paroles et la mélodie. Le visage tantôt rayonnant et respirant la joie de vivre livide et crispé portant en lui tous les maux du genre humain : la guerre, l'esclavage, la colonisation, la migration, les amours malheureuses, les fins tragiques des êtres chers... Le spectacle était superbement marqué par des figures chorégraphiques de Tango argentin dansé, à la fois mélange de pas du canyoning et des pas de la Corte (la coupe) ou encore la Quebrada (la cassure). Un couple de milongueros (danseurs de Tango) avançait sur la piste et rajoutait à ce concert, une aura féérique. Les pas et la complicité des corps rappellent les lieux de débauche où naquit le tango argentin dansé évoquant le plus souvent le machisme de l'homme et la sensualité de la femme. L'harmonie des pas rappellent par moments l'exaltation des sentiments tels que la nostalgie, les désirs inassouvis, les amours avortées ou l'exil. Ces corps graciles, et malgré l'étroitesse de l'espace de danse (le Baron d'Erlanger), avançaient progressivement, sensuellement et rapidement sur des mélodies tantôt dramatiques tantôt joyeuses de la milonga. Ces chorégraphies, comme l'expliqua l'artiste est un nouvel art typiquement portègne du pas de deux et de l'abrazo jalonné de figures charnelles et de mouvements à connotation sexuelle qui, de par le passé, offensaient la société puritaine de la ville. Musiciens, danseurs et artistes, ils sont tous venus de la capitale mondiale du tango, Buenos Aires, ont fait vibrer le temps d'un concert le public au rythme de cette danse sensuelle née dans les bas-fonds porteños pour vivre pleinement la passion du tango à la mode argentine... Une véritable tangomania s'est emparée du public.