Le concert tenu samedi dernier au Centre culturel et sportif des jeunes d'El Menzah VI entre dans le cadre d'une série de concerts que l'artiste assurera à raison d'une soirée tous les deux mois. Baptisé « Likaa » (Rencontre), cette initiative prise par un artiste tunisien est très louable, d'autant plus que rares sont les chanteurs de chez nous qui proposent à leur public un tel programme pour présenter leurs nouveautés en matière de musique et par là même leur donner l'occasion de se divertir et d'oublier un tant soit peu les soucis et les amertumes ressentis en cette période où la Tunisie passe par une étape critique à cause des actes terroristes perpétrés ces derniers temps et des menaces réitérées qui ne cessent d'épouvanter le peuple tunisien. Cette initiative, comme tient à le souligner Zine Haddad, nous permet de lutter contre ces terroristes par les armes de la culture, un moyen redoutable contre les idées rétrogrades qui veulent imposer la culture de la mort, alors que nous, les artistes, nous voulons inculquer à nos jeunes et nos enfants la culture de la vie. « Les citoyens sont sous la pression des événements, a déclaré l'artiste ces derniers jours à une chaine privée, c'est pourquoi nous allons essayer de décontracter le public. Les artistes doivent jouer un rôle important en remplissant le vide occupé par des dangers». En effet, le public, las du quotidien stressant, de l'actualité et de la politique, s'est bien régalé en compagnie de Zine Haddad et sa troupe musicale. Zine Haddad, l'un des grands défenseurs de la chanson tunisienne et du patrimoine musical tunisien, a connu un long parcours jalonné de succès à l'échelle nationale et fut couronné plusieurs fois à l'échelle arabe. Fidèle à son style, il a toujours laissé de bonnes impressions chez les mélomanes aussi bien en Tunisie qu'à l'étranger. Il a sorti cinq albums et six clips, tous dans la veine classique et tunisienne. Ses chansons personnelles ou ses reprises d'anciennes chansons sont appréciées du public. Il travailla avec des compositeurs et des paroliers de renom tels Abdelhakim Belgaïed, Hédi Mabrouk, Jalal El Ouertani, Hassen Chebbi et Jélidi Laouini. L'on se souvient encore de ses participations réussies au Festival de Jarach en Jordanie et à l'Opéra du Caire, qui lui ont valu respectivement deux consécrations. Pas plus tard que l'année dernière, il s'est produit au grand Festival Mawazine au Maroc pour représenter son pays, où il a présenté un répertoire varié et succulent qui comportait du Malouf tunisien, de nouvelles chansons tirées de son dernier album « L'Etat des Amoureux », ainsi que des chansons maghrébines et religieuses. Cette participation, rappelons-le, a obtenu satisfaction auprès de tous les journaux du Maroc, sans exception. Ce soir, c'était donc un grand retour artistique de Zine Haddad et avec lui la chanson tunisienne authentique, mais aussi les mélodies maghrébines et orientales qu'il a toujours tenu à présenter dans son répertoire avec brio, grâce à sa voix forte et envoûtante. C'est que notre artiste est passionné pour la chanson tunisienne jusqu'à la moelle, mais il a toujours excellé dans l'interprétation d'œuvres classiques orientales et maghrébines. A voir la salle bondée de spectateurs de tous âges, cela montre à quel point le style singulier de Zine Haddad plait toujours au public qui reste encore attaché au genre tarab et à la chanson classique. Et dire que la plupart des assistants comptent pour des jeunes, lesquels sont assoiffés d'écouter les mélodies typiquement tunisiennes et se régalent avec les reprises des chansons d'antan, celles d'Ali Riahi, Hédi Jouini, Sadok Thraya... La soirée a débuté par une nouvelle chanson patriotique, intitulée « Qassamen », écrite et composée par le jeune musicien Abderrazek Akremi. Pour la circonstance, l'artiste a fait doter sa troupe musicale de deux instrumentalistes : un trompettiste et un tromboniste. Une chanson aux paroles émouvantes et dont la musique est emphatique et majestueuse, qui compte parmi les nouveautés de l'artiste, sachant que cette chanson tombe à pic, tant nous en avons besoin ! Car, de tout temps et dans les circonstances exceptionnelles, les chansons patriotiques sont toujours présentes pour inciter les citoyens à l'amour de la patrie et pour rappeler les sacrifices qu'il faut faire en cas de menaces ou de dangers. On déplore vraiment que, dans notre pays, qui passe aujourd'hui par des événements exceptionnels, il n'y ait pas assez de chansons patriotiques de ce genre. C'est un appel pressant à nos chanteurs, nos poètes et nos compositeurs de produire de telles chansons en pareille période, comme ce fut le cas pendant la guerre de Bizerte, avec le fameux hymne « Beni Watani » d'Ouleya. Il fallait voir l'impact de cette chanson « Qassamen » sur le public qui l'avait reçue avec beaucoup d'enthousiasme, si bien qu'il offrit une « standing ovation » aux musiciens et au chanteur ! Cette même chanson patriotique, qui sera reprise en fin de soirée, a été le clou du spectacle. Le concert s'est ensuite poursuivi avec des chansons personnelles du chanteur, qui était accompagné d'une troupe musicale formidable, dirigée par le maestro Abdelbasset Mitsahel et qui était composée de trois violonistes, d'un joueur de qanoun, d'un organiste, d'un flûtiste, d'un violoncelliste, d'un contrebassiste, de trois percussionnistes et de quatre choristes. Cette chanson fut suivie d'une « wasla » de malouf, appelé « le Malouf el Atech », ce qui veut dire ancien et peu usité. Il enchaina avec des chansons personnelles, fort connues du public. Il présenta également pour la première fois sur scène son nouveau tube intitulé « Barrouta », puisé dans le folklore kairouanais, qui fut admirablement applaudi par les assistants. Un cocktail de chansons immortelles de Sadok Thraya, d'Ali Riahi et de Hédi Jouini a enflammé la salle. L'oriental était également présent en cette soirée avec la chanson « Lih Behebbik » d'Ibrahim Hammouda, un grand classique égyptien. La fête s'est achevée dans la satisfaction générale. Cependant, il serait souhaitable que cette rencontre « Likaa », qui va se poursuivre avec le public de Tunis tous les deux mois, soit organisée également tous les mois et à longueur d'année dans tous les gouvernorats de Tunisie afin de faire profiter les citoyens de l'intérieur de ces concerts qui seraient d'un grand réconfort pour notre peuple qui a besoin de dissiper ces soucis quotidiens, imposés par des actualités angoissantes et déprimantes.