« Coïncidence » est le titre de la nouvelle pièce de Ghazi Zaghbani. Après « Poids Plume », « La leçon », « Le rendez-vous », « Plateau », cette pièce est la dixième production de l'espace l'Artisto. La pièce, écrite et mise en scène par Ghazi Zaghbani, s'inspire de l'œuvre théâtrale du dramaturge américain Edward Albee, connu pour ses critiques acerbes contre la société américaine et ses valeurs artificielles. La pièce a été récemment jouée en avant-première à l'espace l'Artisto. Les rôles sont interprétés par Ghazi Zaghbani (Mouaffak) et Mohamed Houssine Grayaa (Farhat). A vrai dire, le cadre, le texte, l'action et les personnages restent fidèles à l'œuvre d'origine, intitulée « Zoo Story » qui met en scène deux personnes que tout sépare : « Mouaffak, cadre dans une maison d'édition, lit paisiblement sur un banc de parc lorsqu'il est apostrophé par Farhat, un homme qui s'impose à lui et insiste pour lui raconter sa journée de jeune bohème marginal et désœuvré. Mouaffak écoute patiemment le récit de Farhat mais le ton monte entre les deux hommes lorsque Farhat insiste pour que Mouaffak lui cède son banc...», lit-on dans le synopsis représentant l'adaptation tunisienne. La première scène qui s'offre aux spectateurs montre un jeune homme (Mouaffak), assis tranquillement sur un banc, dans un jardin public ou un zoo, en fin d'une journée de dimanche, en train de lire un livre et il semble un habitué de ce coin calme, loin des yeux et du vacarme de la ville, pour se reposer, rêver et lire... Soudain, un homme inconnu, apparemment un vagabond, (Farhat) fait irruption et demande brusquement à Mouaffak : « Ça vous ennuierait qu'on cause un peu ? ». Ce dernier, à contrecœur, se retrouve à converser avec l'intrus qui insiste pour lui raconter sa vie. S'engage alors un dialogue que d'aucuns qualifieront d'absurde mais qui nous permettra d'entrer dans l'intimité profonde des personnages et dont la conclusion nous laissera perplexe. L'étranger pose de nombreuses questions à Mouaffak à propos de sa vie. Ce dernier répond tantôt forcé, tantôt par complaisance. Une conversation qui va du coq à l'âne durant laquelle le spectateur découvre certains renseignements sur les deux personnages. Au fil des échanges entre les deux protagonistes, on les voit passer de l'amusement à l'anxiété, de l'illusion à la réalité. Dans cette discussion entre ces deux individus, plusieurs thèmes sont abordés : l'indifférence des classes sociales les unes envers les autres, le manque de communication et de dialogue entre les gens d'une même communauté, la marginalisation de certaines personnes et la violence dans les sentiments et les comportements. Cependant, on ressent une tension sous-jacente qui monte peu à peu et va bientôt exploser. L'atmosphère devient alors de plus en plus oppressante et étouffante, quand l'intrus commence à envahir l'espace vital, réduit à ce banc sur lequel s'assoit Mouaffak. C'est alors que ce simple échange verbal entre les deux protagonistes, diamétralement opposés, socialement et intellectuellement, va dégénérer à la fin de la pièce ! C'est dire que là où s'arrête le dialogue, la violence s'installe entre les individus d'une même société. Une pièce intemporelle qui traite de l'isolement, de la marginalisation et la solitude et qui questionne notre capacité de s'ouvrir sur l'autre et de l'accepter. « Coïncidence », puisée d'une grande œuvre, (Zoo Story) porte en son sein une multitude d'interrogations sur notre monde vulgaire et féroce assimilable à une jungle et sur la nature humaine, comparable souvent à celle des animaux. Cette adaptation tunisienne de « Zoo Story » est une pièce surprenante : le jeu est mené admirablement par deux comédiens talentueux et avec une mise en scène particulièrement efficace. Les comédiens ont su s'approprier un texte à la fois drôle et profond, pour un dénouement émouvant.