Sacrifiant à la tradition, beaucoup de Tunisiens, dans la capitale Tunis, et autres villes, préfèrent, encore, consommer les beignets traditionnels frits à l'huile, au petit déjeuner, chez les marchands de beignets, malgré la concurrence que les beignets traditionnels rencontrent de la part d'autres mets qu'il s'agisse de mets traditionnels comme les pois-chiches bouillis appelés Lablabi, et les ragoûts de pieds de veau appelés Hergma, ou des mets nouvellement introduits, notamment d'Europe, comme le café au lait avec croissant et brioche, les gâteaux, les jus de fruits, et les sandwichs de tous types. Les beignets traditionnels sont consommés le matin, des premières heures de la matinée jusqu'à dix heures. L'habitant de la capitale Tunis se rend chez le marchand de beignets proche, ou un marchand en particulier qu'il a pris l'habitude de fréquenter pour la qualité de ses préparations, et est servi à sa guise. Les beignets traditionnels peuvent aussi être emportés chez soi ou à n'importe quel endroit. Il existe les beignets ordinaires frits à l'huile et les beignets frits et trempés au miel industriel à base de sucre. La personne en prend à son choix, des deux préparations. Des marchands de beignets du centre de Tunis et de sa banlieue nord, nous ont fait état d'un recul aussi bien du métier que de la consommation des beignets traditionnels, notant que les prix des beignets traditionnels ont toujours pris en considération, à tous les stades, le pouvoir d'achat des citoyens, de sorte qu'actuellement, les beignets traditionnels sont proposés au prix de 500 et 600 millimes la pièce, moins chers que les croissants et les brioches dont la pièce coûte un dinar et plus. Le marchand de beignets, Ahmed Ben Aissa, qui dirige un établissement à proximité de la gare TGM, nous a indiqué que le nombre des marchands de beignets traditionnels dans la capitale Tunis dépassait, il n'y a pas très longtemps, les 150 et ils ne sont plus, actuellement, que quelques dizaines, bien que de nouveaux établissements aient été ouverts dans les cités chics, comme El Manar, et les Berges du Lac. Ce recul est causé par l'invasion des pâtisseries et des boulangeries modernes, l'évolution des mœurs culinaires des Tunisiens, mais aussi par la régression du métier, notamment des personnes qui maîtrisent la préparation des beignets traditionnels, et qui est restée une spécialité et un art de l'apanage des gens du Sud est de la Tunisie, principalement des habitants de la ville de Ghomrassen. Les premiers chefs en art de préparer les beignets traditionnels, les maitres du métier et les pionniers, pour ainsi dire, se sont retirés de la scène, soit pour leur âge avancé ou suite aux décès. Ainsi, El Haj Omar Ghomrassini, propriétaire et fondateur, depuis les années 1950, du fameux établissement de préparation de beignets traditionnels, de la rue des tanneurs, à Tunis, s'est retiré, pour son âge avancé et a cédé la direction de son établissement à son fils. Bien que sa mémoire commence à lui jouer parfois de mauvais tours, comme il nous a dit, il se souvient encore de l'âge d'or des beignets traditionnels. Rareté des chefs Le marchand de beignets, Ahmed Ben Aissa, a pris, lui aussi, la relève de son père à la tête de son établissement, mais il ne maîtrise pas l'art de préparer les beignets comme son père. Il en est de même du marchand de beignets à la Goulette, Majdi Klila, qui a pris la relève de son père à la tête de son établissement, mais il maîtrise, lui, l'art de préparer les beignets traditionnels. Plusieurs marchands de beignets, de la deuxième génération, ne maîtrisent pas l'art et louent les services de quelques chefs en la matière qu'ils paient, chichement, jusqu'à 800 dinars par mois. Mais ces chefs deviennent rares. Toutefois, bien que le marchand de beignets de la Goulette, Majdi Klila, maîtrise le métier, il se plaint de la baisse des revenus au point qu'il a dit être prêt à quitter le métier s'il trouve quelque chose de mieux. La spécialité des beignets traditionnels avait connu, un certain moment, son âge de gloire, en Tunisie au point qu'elle avait conquis d'autres pays comme l'Algérie et la France, avant de reculer, et pousser les gens du métier à consolider leurs revenus par l'offre d'autres produits à l'instar des fricassés, briks, bambalounis, zélabias et makhareks. Cependant, la spécialité aurait gagné à diversifier son produit principal, c'est-à-dire les beignets, en proposant des beignets fourrés de viande râpée, d'œufs, comme c'est le cas en Egypte et au Moyen-Orient. Les marchands de beignets se plaignent, aussi, d'une baisse des revenus, due à l'utilisation des huiles végétales non subventionnées pour la friture des beignets, conformément aux règlements qui interdisent l'utilisation de ces huile. Ils se débarrassent des huiles usées en les vendant aux sociétés de valorisation des huiles de friture, à des prix faibles par rapport à leurs prix d'achat.