Le député au sein de l'Assemblée des représentants du peuple et membre du conseil de la Choura du mouvement Ennahdha, Ajmi Lourimi, a indiqué, dans une déclaration à l'agence TAP que son mouvement s'apprête à organiser ses congrès régionaux, après avoir tenu les congrès locaux, et que le Conseil de la Choura se réunira bientôt pour fixer la date définitive du dixième congrès du mouvement islamiste. Lourimi a précisé que ledit congrès se tiendra vers le début du mois de mars. Ce congrès, qui a été reporté à plusieurs reprises, constitue un grand enjeu: Ennahdha y tentera, selon les déclarations de quelques-uns de ses dirigeants, de séparer le volet politique du volet religieux. Ce discours a commencé à être tenu par les Nahdhaouis au lendemain même de leur alliance avec le mouvement de Nidaa Tounes, ce qui a fait dire à certains analystes que le parti ‘laïque' de Béji Caïd Essebsi a fini par influencer les islamistes en les encourageant à aller vers la construction d'un parti civil. En dépit des discours annoncés, certains continuent à penser qu'Ennahdha ne pourra jamais se séparer des mosquées, qui restent sa principale source d'électeurs. Dans une interview au Temps, l'islamologue et spécialiste de la civilisation arabo-musulmane, Olfa Youssef avait assuré que les mouvements islamistes sont connus pour être adeptes du concept de la ‘Takia' qui se résume dans le fait d'annoncer quelque chose et d'en cacher une autre et ce dans le but d'arriver à l'objectif suprême qui est, dans le cas d'Ennahdha, la reprise du pouvoir. Au-delàs de la sincérité des intentions d'Ennahdha de séparer ses activités partisanes de la religion, il existe un réel risque pour le mouvement. Ayant déjà perdu de son capital sympathie auprès de ses électeurs après s'être allié à Nidaa Tounes – alors que ces mêmes électeurs ont été nourris, durant deux années, à coup de discours haineux à l'encontre de Béji Caïd Essebsi et de son mouvement – Ennahdha joue son va-tout en proposant aujourd'hui à sa base électorale de virer vers un parti civil. Sachant qu'il n'existe pas que la base qui exprime son opposition catégorique à une métamorphose pareille puisque certains dirigeants, dont ceux qui ont déjà quitté le navire à l'instar de Hamadi Jebali, Sadok Chourou ou encore Habib Ellouzz, s'y opposent d'une manière tout aussi ferme. Cependant, Ennahdha n'aura pas un large choix puisqu'au niveau international, l'Islam politique est en train de connaître de sérieux problèmes. L'autre menace qui guette le mouvement islamiste à la veille de son dixième congrès est relative au leadership. Rached Ghannouchi, qui a exprimé il y a quelques mois l'intention de ne pas se présenter à la présidence du mouvement, semble aujourd'hui revenir sur sa décision. Toutefois, et avec Abdelfattah Mourou, ils ont affiché leur volonté de voir les dirigeants de second rang, en l'occurrence les jeunes du mouvement, accéder à des postes plus importants afin qu'ils soient prêts, dans quelques années, à reprendre le flambeau. Là aussi la tâche risque d'être délicate puisqu'au niveau du premier rang du leadership d'Ennahdha, existent de grands conflits. Mais à la différence d'autres partis politiques, les dirigeants Nahdhaouis n'étalent pas leurs tiraillements sur les plateaux télévisés... On dit souvent qu'Ennahdha est exemplaire au niveau de son fonctionnement interne puisqu'il s'agit d'un mouvement âgé de plus de trente ans. Ennahdha est même considéré par certains comme un modèle de démocratie interne. Ce dixième congrès mettra à l'épreuve ces qualités dont se vante le mouvement islamiste. En ce qui concerne le concept de la démocratie interne, nous pensons qu'il n'est réellement pas respecté quand on voit que Rached Ghannouchi préside le mouvement depuis de longues années et qu'il n'a quitté la présidence que pendant de courtes durées quand il était contraint de quitter le pays ou lorsqu'il était harcelé sous les régimes de Bourguiba et Ben Ali.