A quelques mois de la tenue de son dixième congrès, le mouvement d'Ennahdha a organisé un congrès scientifique à Hammamet sous le thème ‘Ennahdha,horizons intellectuels et politiques'. Une rencontre qui a traité du contenu du prochain congrès du mouvement qui devra se tenir au cours de l'été de 2015. A la rencontre de Hammamet, la présence de HamadiJebali, secrétaire-général démissionnaire d'Ennahdha, a suscité la polémique. La déclaration du chef d'Ennahdha, Rached Ghannouchi, a ranimé les interrogations concernant l'avenir du mouvement. Ghannouchi, qui dirige haut la main le mouvement depuis des années, a en effet laissé entendre qu'il n'est pas acquis qu'il présente sa candidature pour présider le mouvement pour un nouveau mandat, il a tout-de-même ajouté que la question n'était pas pour autant tranchée, précisant que le congrès national d'Ennahdha traitera de la question de la religion et de la politique et celle de la société et de l'Etat. Des experts des mouvements islamistes ont été convoqués à cette rencontre afin d'étudier les divers modèles des pays arabes et autres pour ‘trancher sur cette question sensible qui est la religion et la politique'. Une «tunisianité» à prouver Cela fait quelques mois que cette question a commencé à se poser puisque les déclarations et les positions des leaders principaux du mouvement ont commencé à virer vers plus de modération. Cela s'est surtout remarqué au cours de la campagne électorale des élections législatives de 2014 où les leaders d'Ennahdha, et spécialement son chef, Rached Ghannouchi, se sont montrés plus tolérants quant aux différents sujets dont, entre autres, la civilité de l'Etat et l'abandon de la Chariaâ de ses institutions. Un grand changement a alors été constaté dans les propos et les comportements des leaders islamistes ; on gardeencore en mémoire les discours tenus par ces derniers en 2011 à leur retour en Tunisie : Rached Ghannouchi avait à l'époque qualifié les salafistes djihadistes d'enfants de la Tunisie prônant une nouvelle culture. Aujourd'hui, ces mêmes individus sont considérés comme étant de dangereux terroristes par les mêmes personnes. Il faut dire que les résultats des récentes élections y sont pour quelques choses puisqu'Ennahdha s'est vu céder sa première place à son rival, le mouvement Nidaa Tounes. Une régression qui a poussé les dirigeants du mouvement à s'imposer des changements et à éviter de nouvelles mauvaises surprises. Une prévention de la fissure Un autre fait s'est ajouté à la semi défaite aux élections, celui du risque de la fissure. En effet, au lendemain des élections, le secrétaire-général du mouvement et ancien chef du gouvernement, HamadiJebali, avait annoncé sa démission d'Ennahdha. C'est via un communiqué que Jebali a expliqué les raisons de cette démission. ‘J'ai choisi la voie de la révolution et de la défense des acquis de cette dernière mais, aujourd'hui, je trouve beaucoup de difficultés à maintenir et à défendre cette position au sein d'Ennahda'. HamadiJebali n'avait pas digéré le fait de voir Ennahdha s'allier à Nidaa Tounes et intégrer son gouvernement. SadokChourou et Habib Ellouz avaient rejoint Jebali et avaient publié à leur tour des communiqués où ils avaient carrément attaqué le mouvement en l'accusant de vouloir détourner les décisions du conseil de la Choura de l'époque (qui concernait la consigne de vote pour le second tour de l'élection présidentielle). Aujourd'hui, alors que cette position s'est confirmée – puisqu'Ennahdha est effectivement présente au sein du gouvernement d'Essid – HamadiJabli a créé la surprise en refaisant surface. Une présence qui peut traduire un éventuel retour de l'ancien chef du gouvernement aux rangs d'Ennahdha. Si l'on ajoutait cela à la probabilité de ne pas revoir Ghannouchi à la tête du mouvement, on pourrait conclure qu'il s'agit là d'une nouvelle manœuvre ayant pour but d'éviter la fissure de l'empire Nahdhaoui. Si ce mouvement a survécu au départ de RiadhChaïbi ou encore à celui d'Abdelhamid Jelassi, il n'est pas certain qu'il puisse survivre et l'édifice risque fort de se lézarder par le départ de Jebali qui a son poids et son mot à dire auprès des bases Nahdhaouies. Cependant, si jamais Jebali succédait à Ghannouchi à la tête du mouvement, les choses n'en deviendraient pas pour autant moins compliquées à Ennahdha puisque les visions de Jebali sont, apparemment, très loin de celles de Ghannouchi.