Une exposition de l'UAPT, organisée du 11 au 30 mars 2016, qui s'est déroulée dans des espaces différents de la capitale mais aussi à la banlieue-nord. C'est ainsi que le Palais Kheïreddine, la galerie de la Maison des Arts au Belvédère et le Palais Al Abdelliya, ont consacré leur espace à l'exposition de centaines de travaux, aux alentours de 300. Ces travaux sont en majorité des tableaux de peinture, quelques tapisseries viennent égayer, cependant, les espaces avec des couleurs vives. Des sculptures très rares parsèment, nous semble-t-il, certains locaux de cette exposition. Des membres d'autres associations, comme ceux de la Ligue des arts plastiques ou ceux du Syndicat, participent à ces expositions. Et c'est tant mieux ! Pour le moment, le nombre de travaux achetés par l'Etat, surtout dans les trois espaces a été plus important que l'année dernière. Les achats de la Commission nationale d'achat sont évidemment, les seuls effectués et pourraient se chiffrer à 400.000 D pour les trois espaces, selon un responsable. La Commission d'achat semble n'avoir pas toujours été complète par rapport au nombre de ses membres pleins. A El Abdelliya, il paraît que son président n'a pas présidé la commission et que le quorum n'a pas été atteint. Ce qui pourrait poser un problème de légalité des achats. Fragment (II) L'exposition, en elle-même, était organisée en hommage à Abderrahman Medjaouli, artiste-peintre et ex-responsable de l'ITAAU, et organisateur des études d'art de l'Institut, en question. Son œuvre symbolique présentée au musée de la ville de Tunis (Kheïreddine) déploie une grande expressivité et un traitement de la composition et de l'espace très spécifique. Les figures semblent se mouvoir dans des limites de parois de couleurs unies, limitant l'espace pour mieux donner libre cours à la représentation figurée très centrale, très ramassée quelquefois représentée en mouvement. La peinture de Medjaouli, très puissante se referait peut-être à d'autres expressions de l'art moderne et anglais, plus particulièrement, mais parvenait à garder son ancrage dans notre réalité. Medjaouli, homme progressiste et démocrate, a beaucoup donné aux arts plastiques en Tunisie, en accompagnant le travail institutionnel et associatif national et international, surtout à la fin de sa vie. L'hommage qui lui est rendu est juste et légitime. Il était temps de le lui rendre. Les autres artistes présents dans les expositions de l'Union, fréquentent depuis quelque temps ces manifestations, fort connues. Fragment (III) Nous connaissons la plupart de ceux qui exposent, nous ne parlerons pas de tous les artistes présents. Il serait plus juste de n'invoquer que certaines approches artistiques, sans pour autant que notre attitude soit considérée comme une dévalorisation de certains travaux par rapport à d'autres. D'une manière générale, l'exposition est libre, aucune orientation n'est donnée. Aucun thème ne semble dominer les travaux, c'est pêle-mêle que les exercices se présentent comme des « points de vue » différents, « Mosaïques », « identités », « cellules », le « promeneur », « abstraction », « défi » (corps enfuit (sic) dans la couleur », « troïka bleue », « est-ce que Peace And love », « Entre deux » (alors, qu'ils sont quatre dans la composition. Les travaux empruntent des styles différents et des approches quelquefois très lointaines les unes des autres, allant du naïf (Ezzeddine Braïri), au gestuel (pétrole arabe) de Amel Zaïem, en passant par la peinture fluide de Beya Guezmir avec son « arabesque », Zouhour Gargouri nous offre une belle « calligraphie » très classique, Mongi Maâtoug, présente une fois un tableau sur « el hijra » (immigration), dans un style puissant, poétique et un travail très bien composé. Dans un autre tableau, Maâtoug, se laisse aller à une tentative de représenter deux personnages « aplats », très peu consistants et peu expressifs. Maâtoug, fatigué de pratiquer un style confirmé ! Il essaye même de renouveler son style. Il semble ne pas beaucoup réussir !. Wissem Gharsallah peint un groupe de quatre personnages en intitulant son tableau « Entre-deux ». Le style linéaire est peu élaboré chromatiquement et est resté schématique au niveau de la composition. Rym Ayari essaye dans son tableau intitulé « écharpe 2 » d'imprimer à sa peinture gestuelle une certaine fixité ce qui rend la composition moins fluide. Zoubeïda Chamari confirme dans son travail au titre évocateur de « Vision salaire », ses possibilités nouvelles de dominer de plus en plus sa composition. Imed Jemaïel, dont le travail est exposé à la Maison des Arts, nous a, semble-t-il, issu de sa dernière exposition chez Gorgi. Imed Jemaïel explore le monde du signe, de l'écriture automatique qui laboure au crayon acrylique, la surface de son tableau. La problématique est ancienne, le traitement également ! Beaucoup de calligraphes arabes se sont emparé de la thématique, il y a de cela longtemps. Le signe perd son signifiant et garde son signifie. Le graphisme répétitif connait des variations sur la surface de la toile. Les fragments occupent des espaces différents et inégaux et semblent se distinguer les uns des autres par l'implication de signes et de symboles discrets mais réels sur la toile des signes cabalistiques propres à nos ondules d'antan. Sami Ben Ammar, dans son travail « particules » semble continuer une démarche picturale qui privilégie la peinture massive et épaisse, dont la surface bleue est parsemée de quelques particules de couleurs. Cela nous rappelle la peinture à émulsion pratiquée par Mme Hayat Boutiba, il y a de cela, presque 40 ans. Les travaux proposés au palais Kheïreddine et à la Maison des Arts appartiennent à des peintres qui ont pignon sur rue. Ceux qui sont exposés à Al Abdelliya, appartiennent, en général, à des peintres ou artistes moins connus pour la plupart. Peut-être, s'agit-il d'une ségrégation ...peut-être que cette organisation est faite, selon des critères que nous ignorons ? Fragment (IV) Quelques espoirs artistiques Comme nous le constatons à travers les titres et à travers les lectures rapides de certains travaux exposés à Tunis et à La Marsa, aucune démarche artistique claire n'est identifiée comme telle ou significative. Des individualisés, atteignent quelquefois une grande expressivité et semblent posséder un potentiel important qui leur permet d'envisager un avenir certain dans l'art. Ces artistes ont pour nom Rabiaa Rinchi, Mohamed Bouaziz, Ridha M'hadhebi, Leïla Shili, Boussandel, Islam Khiari, Nizar Mouakhar, Sadok Touil. Tarak Fakhfakh... etc. D'autres noms peuvent, certainement atteindre une plus grande notoriété, s'ils étaient mieux sollicités pour élargir leur expérience à tout ce qui se fait de plus beau, aujourd'hui, dans l'art dans le monde. L'art contre le terrorisme En fait, la pluralité des voies de recherche dans l'art est une garantie de la liberté de création et d'expression mais urgence et la nécessité de mobilisation contre les menaces qui pèsent sur nos libertés et sur nos vies, nous obligent à envisager de travailler ensemble à relever les défis qui pèsent sur notre société et sur notre pays. Un art de l'urgence est à promouvoir ! Tous les autres secteurs de la culture se sont mobilisés.... Sauf les Arts plastiques ! Notre intention ici n'est pas de ressusciter les thèmes autrefois liés au « réalisme socialiste » de triste mémoire mais de fournir à un moment précis, un effort collectif artistique pour dénoncer les actes terroristes, la culture de la mort et du nihilisme salafiste et pseudo-religieux. Tous les arts sont ici sollicités. Tous les styles le sont également sans recourir à la coercition ou à l'imposition de quoique que ce soit au niveau artistique. Fragment (V) La société tunisienne qui vit une situation économique difficile, une situation sociale grave, connait également la guerre menée par le terrorisme jihadiste cramponné à nos frontières avec la Libye et qui a été capable, comme à Ben Guerdane, de déclencher les pires attaques contre nous. C'est dire que nous sommes en danger de mort. La résistance de notre armée et des forces de sécurité a fonctionné efficacement, cela n'exclue pas que tous les moyens devraient être mobilisés pour juguler le fléau terroriste et préserver notre pays de tous les dangers qui le menacent. Sans être alarmiste, nous pouvons avancer l'idée que la société civile, les hommes de culture, les artistes de tout bord, devraient se mobiliser et faire bloc contre les ennemis de la liberté en déclenchant partout des opérations culturelles et artistiques quotidiennes comportant des expositions d'art, des ateliers d'animation, des séances cinématographiques, de théâtre. L'art dénoncera le terrorisme où qu'il soit sur tout le territoire national grâce à une campagne d'affichage conséquente au niveau de tous les espaces publics, dans toutes les villes et dans tous les villages de notre pays... Non à la culture de la mort, oui à la vie, oui à la culture, à l'art ! Tel est le mot d'ordre qu'on pourrait donner à la campagne en question, l'organisation des festivals, de sit-in, de conférences, de manifestations artistiques populaires mais aussi avant-gardistes. L'art dans tous ses états, enfin, pourrait faire obstacle au terrorisme. Fragment (VI) Les emblèmes de l'art engagé Picasso, Hatem El Mekki, Mostari Chakroun, Houda et Wadï Les artistes connaissent l'importance de l'œuvre de Picasso et de l'effet qu'elle a produit dans la mémoire de ceux qui ont vu « Guernica ». Personne ne peut plus accepter que la guerre représentée dans toute son horreur, dans l'œuvre de Picasso, soit de nouveau lancée. L'œuvre de Picasso n'est qu'une œuvre d'art, une représentation bidimensionnelle d'une scène dramatique d'un bombardement qui n'a pas manqué de signifier que la guerre n'a aucun scrupule pour les victimes et qu'elle broie tout sur son passage, hommes, femmes, enfants, animaux, nature, sans distinction aucune. Guernica est une œuvre qui a été efficace, plus efficace qu'une armée pour vaincre les forces fascistes et pour arrêter la guerre civile... toutes les guerres civiles. Guernica continue à produire le même effet jusqu'à nos jours. Nous continuons à l'évoquer dans son rôle emblématique d'œuvre de tous nos combats. Elle est devenue universelle et appartient à toute l'humanité ! IL faudrait divulguer cette œuvre partout et sous toutes les coutures. Son rôle dans la lutte conte le terrorisme est toujours actuel et incisive ! Dans cette lutte, nous pouvons évoquer des artistes tunisiens qui ont beaucoup donné. Notre histoire de l'art reconnait des pionniers dans la dénonciation des injustices et des crimes contre les peuples. Le travail de Hatem El Mekki a très souvent dans ses réalisations picturales multiples dénoncé les crimes de guerre de l'armée française en Algérie, au Vietnam et a exprimé les positions humanistes et progressistes de toute la société démocratique tunisienne contre le terrorisme français et montré la voie à certains artistes tunisiens pour qu'ils fassent la même chose que lui. Mostari Chakroun , ce peintre tunisien, mort dans l'anonymat, a très courageusement, alors que la répression s'acharnait impitoyablement sur la classe ouvrière tunisienne du 26 janvier 1978, rejeté la politique anti-démocratique de Bourguiba et devait alors, dans ses tableaux briser les barreaux des prisons et demander que les ouvriers et les cadres de l'UGTT soient libérés. Mostari Chakroun, a été un peintre important mais négligé par les hommes de culture et même par ses amis. Lui rendre hommage aujourd'hui participera à réhabiliter sa mémoire et son œuvre et en même temps que de montrer l'exemplarité de son œuvre dans la lutte contre l'arbitraire et contre la terreur tout en prouvant ainsi que les artistes tunisiens peuvent quand ils sentent le moment venu, résister aux injustices et au terrorisme d'où qu'ils viennent... Il s'agit seulement de les solliciter... Aujourd'hui, encore, les artistes tunisiens comme Houda Ghorbel et Wadi M'hiri, ont prouvé qu'ils sont capables de mener la guerre contre le terrorisme avec leurs moyens spécifiques. L'exposition d'art contemporain (installations, projection, aménagement) appelée « Werd wa cartouches », que les deux artistes organisent chez Sadika aussi élitiste qu'elle puisse être est une réponse au terrorisme. Cette réponse est une dénonciation puissante de la violence, des actes terroristes, l'Etat a acquis cette œuvre et ce n'est que justice! Houcine TLILI