C'est avec beaucoup d'émotion et de convivialité que s'est déroulé récemment au Palais Kheireddine, le vernissage de l'exposition annuelle des artistes de la Fédération Tunisienne des Artistes Plasticiens (FTAP) qui œuvre depuis sa création à la promotion des arts plastiques en Tunisie et à l'encouragement des jeunes artistes à travers le pays. Cette exposition réunit plus de cent vingt artistes-peintres, professionnels et débutants, académiques et autodidactes, venus presque de toutes les régions du pays, avec leurs styles différents et leurs techniques diverses. « Fleur alchimique », le titre choisi pour cette édition, est puisé dans l'œuvre poétique d'Adonis et révèle un monde de magie, d'enchantement et d'espoir. En effet, quand les différentes sensibilités artistiques se rencontrent, cela ne peut que produire cette interaction culturelle qui donnera comme résultat la richesse et l'avenir florissant de l'art plastique en Tunisie, tout comme l'Alchimie qui cherche par ses moyens mystérieux un remède universel pour le bonheur de l'homme et son avenir. Nous avons rencontré, lors de ce vernissage, plusieurs artistes-peintres qui nous ont parlé de leur expérience picturale et de leur participation à cette exposition. La liste des participants est trop longue pour pouvoir citer tous les noms des artistes. Aussi avons-nous l'occasion d'aborder surtout les travaux des artistes que nous avons rencontrés à cette occasion. Ici, on voit l'artiste autodidacte Abdessattar Abrougui qui expose sa toute nouvelle toile «Bain de lumière», un diptyque qui réunit deux portraits de femmes aux bustes nus. L'artiste, toujours fidèle au géométrisme, présente un tableau où l'on distingue des formes cubiques qui rappellent le mouvement cubiste de Picasso, avec en sus, les touches personnelles de l'artiste qui font émaner une nuance de bleu et d'orange et laissent filtrer des raies de lumière, le tout étant agrémenté de symboles puisés dans le patrimoine tunisien. Brahim Azzabi, le président de la FTAP, est présent avec sa nouvelle toile intitulée « Carthage » et qui, selon lui, présente une synthèse de toute sa carrière picturale, c'est un travail de collage de plusieurs éléments naturels et industriels structurés d'une telle manière qu'ils donnent une composition architecturale. Comme toujours, Azzabi a le souci de diversifier les matériaux pour les investir sur la toile, donnant cette dimension plastique à l'œuvre. Là, on peut voir la tapisserie de Houda Rejeb où règne un équilibre de formes et de couleurs, là encore une autre tapisserie de l'artiste d'origine marocaine Emna Saoudi où l'on remarque une nette inspiration du patrimoine berbère avec une belle touche de modernisme : « Partant d'un clim, nous-a-t-elle expliqué, et moyennant d'improvisations, j'ai pu aboutir à ce produit fini... » Neila Ben Ayed, l'artiste qui vit entre La Tunisie et le Canada, nous offre à voir un véritable travail sur la matière qui consiste en des paysages abstraits d'une extrême sensibilité. Lamine Sassi, l'un des maitres de la peinture en Tunisie, semble avoir son monde à lui avec ce tableau plein d'optimisme et d'espoir intitulé « la vie en fleurs » où l'on voit des fleurs, des femmes et des couleurs bien assorties. Ali Znaidi, encore un illustre artiste-peintre, expose un tableau représentant deux bédouines, basé essentiellement sur le procédé du collage. Lotfi Romdhani, venu de Kairouan, s'illustre avec son œuvre intitulée « Cavaliers Zlass », un sujet inspiré de sa région. Abdelhamid Thabouti, imprégné de la peinture chinoise, vu ses voyages dans ce pays, se montre à la fois très profond, fluide et surtout transparent dans son œuvre intitulée « Restaurant chinois » où il fait preuve d'une bonne maitrise de l'art plastique. Quant à Mohamed El Mensi, qui ne se manifeste que timidement dans les galeries, il nous présente un travail dont le sujet est d'une actualité brûlante, à savoir l'immigration clandestine et la vie misérable dans l'exil. Un tableau énigmatique portant comme titre « le saut identitaire », qu'il faut lire plutôt « la chute identitaire » et qui nous fait penser à ces jeunes Tunisiens qui, rêvant de l'eldorado, mettent leur vie en danger en s'embarquant clandestinement vers l'Europe. L'artiste semble rendre un vif hommage à ces victimes qui ont péri en pleine mer sans jamais atteindre l'autre rive. Majed Zalila participe à son tour avec deux travaux, « Livraison à domicile » et « Bousculade » où figurent des formes, des signes et des personnages proches de l'art caricatural, brillant de maintes couleurs et se prêtant à plusieurs interprétations. Abdelmajid Ben Messaoud est parti dans son tableau intitulé « Sérénité » à la recherche de la profondeur, des dimensions et des nuances. Un travail semi-abstrait qui révèle une certaine cohérence entre les objets peints et l'espace qu'ils occupent. Khélil Gouia présente dans son tableau « Passion de terre » un ensemble de signes, de symboles et de graffitis, faisant entrevoir des oiseaux et des poissons. L'artiste adopte ici un style de peinture moderne : le matiérisme. Hédi Naili, cet artiste talentueux qui nous a quittés en novembre dernier, nous présente à titre posthume un tableau où figure un arbre monumental aux branches étendues vers le ciel et qui fait surgir ses sentiments. Moncef Ben Jomaâ, venu de Bizerte, est un autre artiste qui garde toujours sa ligne de conduite dans l'art pictural ; en effet, ses travaux se basent sur l'homme tiraillé entre l'être et le paraitre. Il peint les apparences de l'individu tout en insérant des symboles qui nous renseignent sur le for intérieur de l'être humain, moyennant des couleurs contrastées. C'est cette dichotomie du genre humain qu'il veut mettre en relief dans sa peinture qui fait surgir les souffrances intérieures : « Mes travaux, nous a-t-il confié, se basent sur trois axes : la pauvreté, l'ignorance et la maladie.» Mohamed Zouari, venu de Kélibia, participe avec deux tableaux de calligraphie qu'il intitule « Mohamed », en réponse aux caricatures blasphématoires parues dans certaines revues européennes. Nous retrouvons également Ali Batrouni de Hammamet qui expose un tableau dans le style cubiste représentant des scènes traditionnelles et mythiques. Ghariani Amine, ce jeune tunisien, à la fois ingénieur en agronomie et peintre, est la surprise de cette exposition, dans la mesure où il transforme ses recherches scientifiques et ses inventions agronomiques en créations artistiques, moyennant des matières et des couleurs biologiques à base de noyaux d'olives. Il nous présente ainsi ses trois tableaux sur l'olivier aux quatre goûts : l'olive, la fraise, la pistache et la figue. Souad Mahbouli participe avec un tableau qui nous rappelle la grande envergure de son expressionnisme abstrait : ses formes et ses couleurs créent un monde artistique très passionnant.