Maîtrise d'Histoire de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Tunis en 1981, Abderrazak Khéchine est artiste photographe dont les recherches portent essentiellement sur la nature et le patrimoine. Il a participé à des expositions de groupe en Tunisie et à l'Etranger, dont la Biennale de La Havane (1986) ; « Itinéraires du théâtre tunisien » (1990) ; « Identités Méditerranéennes » à Aix (1991), Le Mois de la Photo de Tunis (1997- 2001) ; Les Rencontres Photographiques de Ghar El Melh (2003- 2004- 2005). Parmi ses expositions personnelles : «Itinéraires» (1985), «Postures» (1989), «Pierres illuminées» (1996 ), « Carthage-Byrsa » (2001), « Le Caire, un bref regard »(2001), « Le Temps de l'Espace » (2013), et « Kairouan... la source », (2015-2016). Quelques publications, « Portfolio : Poursuite du vent » (1994), un catalogue de l'exposition : «Pierres illuminées» et un autre de l'exposition : « Carthage Byrsa ». Tel que nous l'avions toujours connu, Abderrazak Khéchine reste égal à lui-même et à son Art. Il est de ceux qui travaillent en silence car seule son œuvre parle de lui. Aujourd'hui, nous l'avons fait parler à l'occasion d'une récente exposition à la Maison des Arts du Belvédère, autour du thème : « Kairouan... la source». Le Temps: on a l'impression que vous vous êtes un peu éloigné du domaine mais ces derniers jours, on constate que vous êtes réellement présent sur la scène artistique, en participant à l'exposition« Petits formats » à la Galerie Saladin dans le cadre d'une association nouvellement créée « ART COT » puis, avec « Kairouan... la source », à la Maison des arts du Belvédère . Nous aimerions en savoir davantage. Abderrazak Khéchine :en fait, je ne me suis pas tellement éloigné de la scène artistique puisque je garde un cap de monter une exposition personnelle à peu près tous les deux ou trois ans, hormis les participations aux expositions de groupe. Le problème reste pour moi, la communication. Souvent, mes expositions passent sans grand fracas et j'avoue que j'en suis responsable. C'est peut être la timidité d'affronter les micros et les caméras qui fait que mon travail passe un peu inaperçu. Pour ce qui est de l'exposition, « Petits formats », c'est l'association d'art contemporain tunisien, ARTCOT, présidée par Noura Ben Ayed, qui l'a conçue, et c'est le point de départ d'une série d'expositions et d'activités que l'association va essayer de réaliser. Le point focal de cette exposition a été la manière, fort originale, de présenter les œuvres. La transformation des cimaises de la Galerie Saladin a beaucoup mis en valeur le travail des artistes. C'est une œuvre collective de la part des membres de l'association qui a donné un signe positif à ses prochaines activités. Mon travail photographique exposé à la Maison des Arts du Belvédère intitulé « Kairouan ... la source », s'est inséré dans le cadre des festivités se rapportant à l'inauguration du nouveau siège de l'ALECSO à Tunis. Mais cette exposition est venue répondre aussi à une initiative d'une jeune association à Kairouan, (VIPEK), dans le but de faire connaître le patrimoine de la ville. * Comment avez-vous été sélectionné pour marquer cet événement autour de l'inauguration du nouveau siège de l'ALECSO à Tunis ? - Je connais la Direction de la Culture au sein de l'ALECSO, puisque j'ai participé à la maquette technique de la collection sur les arts plastiques dans les pays arabes. L'invitation d'exposer mes photos est venue de l'organisation et j'ai accepté de faire partie du programme des festivités. * Kairouan, est le thème de prédilection de vos œuvres photographiques...Est-ce la ville qui vous fascine le plus en Tunisie, de par votre naissance ? Comment en garder l'image intacte avec tout ce qui vient de se passer ces dernières années, vu la prolifération de « foyers » obscurantistes ? - Mon travail sur Kairouan s'inscrit dans la durée. Cela fait plus de trente ans que je photographie cette ville quand les circonstances le permettent. Je pense que beaucoup de choses ont changé et non de façon toujours heureuse. Son patrimoine est en danger et les goûts et les penchants des nouveaux occupants vont précipiter encore plus cette tendance. Le péril vient du fait que les structures qui ont toujours cimenté la société kairouanaise, tendent à s'effriter petit à petit. L'image de la ville n'est intacte que dans la mémoire avec toujours un pincement au cœur, comme je l'ai écrit dans un petit texte introductif à cette exposition. *Vous avez signé l'introduction d'un catalogue réalisé à l'occasion d'une exposition, hommage à Olof Palm (1927- 1986) : 30 ans déjà, dont les recettes iront aux enfants des quartiers défavorisés de Tunis. Parlez- nous de cet événement important et rare en Tunisie. -Picasso, Miro, Dali, Chagall, Dubuffet et Braque pour la lithographie, Magritte et Klee pour la tapisserie, Munch, pour une impression sur verre, Boch, pour une céramique d'après Rembrandt et Ali Ben Salem, pour la peinture... tels sont les grands noms qui ont été réunis sur les cimaises de la Galerie Saladin. Cette exposition basée essentiellement sur la lithographie, présente l'avantage de tracer une certaine évolution de l'art contemporain. Les œuvres collectées par Abdelkerim Dhrir, vont porter secours en effet, aux enfants des quartiers défavorisés pour leur redonner espoir et faire revivre en eux la flamme d'une vie décente. Cette action en collaboration avec l'association Olof Palm, à l'occasion de la troisième décennie de sa disparition, s'inscrit dans le cadre du dialogue Nord- Sud, cher à l'ancien Premier ministre suédois. * Vous avez toujours été passionné de patrimoine et de nature, comment expliquer ce choix ? - C'est un choix qui s'est imposé à moi du fait que la société perçoit avec une certaine hostilité l'appareil photo. Se promener dans la rue et photographier les gens, n'est pas chose facile, c'est parfois dangereux même. C'est la Révolution qui a un peu libéré la photo mais ce n'est pas encore gagné. Ceci a engendré une certaine cécité sur les évolutions de la société tunisienne, et c'est bien dommage. La photographie, à part son rôle artistique évident, joue aussi le rôle de révélateur sur les changements sociaux. * Pourquoi ne pas éditer toutes les photos réalisées jusqu'à ce jour dans un livre d'art ? - C'est un projet sur lequel je ne cesse de réfléchir. Mais un livre d'art demande un grand investissement. J'ai édité quelque catalogues sur mes anciennes expositions, des petits catalogues mais qui ont le mérite d'exister et qui rendent compte du travail, du moment où cela devient difficile de l'exposer à nouveau. * Quels sont vos projets ? - Je vais continuer le travail sur Kairouan, toujours dans le sens de voir comment évolue une ville et par là, comment la société se transforme. A part cela, plein de projets trottent dans ma tête, et arrivera un jour où des bribes de projets verront le jour et seront exposés au public.