La galerie Saladin rend hommage à un homme de paix, l'ami de Yasser Arafat, défenseur des minorités, Olof Palme, tué dans des circonstances mystérieuses. Ce dernier est représenté dans une grande toile, vêtu d'une djellaba. Un Suédois tunisifié, si l'on puit dire, par un peintre libyen. A cette occasion, la galerie a revêtu ses murs des œuvres des plus grands peintres contemporains. Lithographies, céramique, impression sur verre, tapisserie... chaque artiste et son moyen d'expression. Picasso, Miro, Chagall, Dubuffet, Braque, Magritte Klee, Munch, Lam, S. Dali, Vernet et Aly Ben Salem ouvrent grandes les portes de leur imaginaire, pérennisé à travers des œuvres subjugantes et qui enchantent le regard. Le must est là, indélébile. Il a bravé la course du temps. Les tapis de Paul Klee aux couleurs vives, parsemés de courbes géométriques, sont un baume au cœur. Un tapis d'origine turc qui fut cousu de fil d'or confère au mur une luminosité éclatante, de la soie soyeuse sertie de formes bien nettes, exécutée dans une gestuelle précise. Lam, quant à lui, est un peintre cubain, il a misé sur les couleurs et nous offre un élan surréaliste avec un zeste d'abstrait assez dynamique... parsemé de symboles africains. Miro, ce peintre naïf, l'un des précurseurs du fauvisme noir, son pinceau dans une palette très variée où rouge et vert dominent et tournent en rond. Une belle œuvre contemporaine où l'expressionnisme se taille une place de choix. L'œuvre accroche et nous invite à déflorer les mystères de l'âme de l'artiste. Les courbes rythmées reflètent une joie de vivre et sèment la jovialité. Dubuffet, lui, est un illustrateur. Dessinateur, son crayon ne jure que par le noir et blanc. Sa lithographie, empreinte de tristesse semble tumultueuse, mais les courbes restent fort élégantes. Une céramique attire le regard, fraîche et bien trempée dans la lumière. Elle a été exécutée par Boch d'après Rembrandt... belles couleurs teintées de bleu azur... Un portrait d'un réalisme déconcertant, pas un faux pas. L'artiste fait montre d'une belle dextérité, une gestuelle presque magique... Le maître des lieux domine, c'est le grand Picasso, ses lithographies semblent avoir été exécutées dans un rythme effréné... Noir et blanc et couleurs se juxtaposent... Une colombe symbolisant la paix semble aérienne, illustrée telle une caresse... De deux mains imposantes surgit un bouquet de fleurs aux couleurs chatoyantes... Le contraste entre le noir, le rouge, le vert et le jaune confère à cette lithographie une dimension enchanteresse... Picasso nous invite à scruter son firmament, les élans de sa gestuelle dynamique en perpétuel mouvement. Puis vient le fameux Guernica, un cri, un désarroi, un visage difforme, entaché de traits colorés... On croit entendre le cri émis par ce visage qui flirte avec un abstrait dont seul Picasso détient le secret. Yeux exorbitants, traits asymétriques, l'artiste fait passer son message... avec une prédilection pour le cubisme qui lui est cher... Il est le peintre des contrastes portés tantôt par du noir, serti de couleurs vives. Ses croquis sont amovibles, graciles. Un véritable voyage dans un imaginaire touffu. Salvador Dali est là avec ses dix lithographies. Une invitation à des fluctuations oniriques à l'aspect fantasmagorique... Ces personnages, essentiellement des nus, sont aux prises avec un tourbillon mouvementé et dynamique. La vie intérieure est intense... Et la gestuelle est saccadée... Un Salvador Dali méconnaissable, purificateur... Une variation sur un même thème... qui tend vers la perfection. Munch est représenté par une impression sur verre qui semble vivante et fort lumineuse, rehaussée par des couleurs chatoyantes. H. Vernet est présent aussi avec une lithographie d'une minutie déconcertante. Une scène mouvementée : «La chasse au lion». Rien n'est laissé au hasard. Le moindre détail est capté par la plume de l'artiste. Un crayon alerte, précis et net qui nous offre une scène presque photographique. Un zoom minutieux. Un regard pour les yeux. Le surréalisme de Chagall est assez imposant. Il ouvre grandes les portes de son imagination, haute en couleur, rêves, mère, visages nous invitent à découvrir un artiste contemporain avant-gardiste. La tapisserie de Magritte fleure bon la joie de vivre. Vivacité et dynamisme sont ses guides. Aly Ben Salem se fraye un chemin parmi ces grands artistes d'envergure internationale et ses œuvres imposent la beauté de sa gestuelle. Une brise rafraîchissante par une nuit d'été. Il est fidèle à ses couleurs, bleu, vert, jaune et flirte avec un figuratif où les yeux expressifs, exorbitants même, accrochent et entraînent le regard dans la vie intérieure... La touche est saillante, elle est entachée d'abstrait... Franche, elle nous invite à suivre les fluctuations d'un pinceau qui connaît son chemin. Un pinceau qui dégage une belle magie. Il est une sorte de baguette magique qui dote les œuvres de Aly Ben Salem d'une grande luminosité envoûtante... Une exposition peu connue, presque inédite où les grands du monde de l'art plastique, présents essentiellement par leurs lithographies exécutées dans une belle gestuelle vivace et bien minutieuse, ont jeté l'ancre dans le beau... la cerise sur le gâteau, c'est que l'association Olof Palme à but caritatif va offrir les bénéfices de cette exposition aux enfants démunis du quartier Essijoumi. Une action généreuse qu'on ne peut que saluer.