Le député du bloc socio-démocrate, Mehdi Ben Gharbia, a préparé un texte d'un projet de loi stipulant l'égalité totale entre la femme et l'homme en ce qui concerne l'héritage. Après avoir signé cette initiative législative, les députés du Front populaire s'en sont retirés arguant qu'il s'agit là d'un problème de timing. Cette manœuvre a valu à la coalition de la Gauche une forte critique de la part de plusieurs parties qui considèrent que, par définition, la Gauche est supposée faire partie des rangs des modernistes et, donc, de celui des féministes qui revendiquent, depuis belle lurette, le droit de la femme à obtenir une part égale à celle de l'homme en ce qui concerne l'héritage. De leur côté, les députés du mouvement d'Ennahdha ont manifesté une forte opposition à ce texte estimant qu'il défie, ouvertement, le texte coranique. Rien de plus naturel pour un parti politique qui se base, essentiellement, sur la religion. Alors que plusieurs analystes assurent que ce sujet a été remis sur le tapis afin de ‘désorienter l'opinion publique et servir d'une classique opération de diversion pour en cacher d'autres beaucoup plus urgentes' (nous ne nous inscrivons nullement dans cette théorie proche de celle du complot), l'Office de la Fatwa a choisi de se mêler de cette polémique en publiant, au cours de la journée d'hier, un communiqué. Dans le document, le Mufti de la République, Othman Battikh nous apprend que cette égalité, tant rêvée et désirée, est tout bonnement contraire aux dogmes de la religion dont le texte stipule, clairement et sans aucune possibilité d'interpréter autre, que l'homme doit absolument bénéficier de la double part de la femme. Assurant que cette question a été tranchée dans tout le monde musulman, Othman Battikh a déclaré que ‘nous sommes dans l'obligation de respecter la chariâa. Dans une déclaration accordée au journal ‘Assarrih', M. Battikh est même allé jusqu'à assurer que si l'on adoptait la loi de l'égalité dans l'héritage, la Tunisie serait la principale cible des combattants de Daech ! Le Mufti de la République semble oublier que la Tunisie, Etat civil depuis fort longtemps, a déjà délaissé quelques fondements de la chariâa : le 23 janvier 1846, la Tunisie avait déjà procédé à l'abolition de l'esclavage. Le 13 août 1956, le Code du statut personnel – un Code qui avait instauré l'égalité entre l'homme et la femme dans bon nombre de domaines – avait été mis en place par le Premier ministre, et futur président de la République, Habib Bourguiba. Ce Code a permis la Tunisie d'abolir, entre autres, la polygamie citée dans la même chariâa dont nous parle aujourd'hui monsieur le mufti de la République. Est-ce qu'après tous ces dispositifs hautement progressistes, surtout si on les remettait dans leur contexte de l'époque, la Tunisie avait fait l'objet d'une fixation de la part des groupes extrémistes (qui ont toujours existé par ailleurs) ! Est-ce que la Tunisie, et presque tous les autres pays du monde, sont aujourd'hui ciblés par les terroristes de Daech et des autres organismes parce qu'ils prônent des lois progressistes en faveur des femmes ? Au lieu de présenter une plaidoirie claire et précise et au lieu de se lancer dans un débat bien argumenté et structuré, Othman Battikh a préféré se lancer dans un délire de comparaisons qui ne tient pas la route et susciter une « révolte » qui, à notre humble avis, est bien fondée !