Dans certains films, ou dans certains vieux romans d'espionnage de l'époque du «rideau de fer», il est fait mention, en passant par moult détours, d'un «sérum de vérité» qui ferait parler en cascades, les plus récalcitrants, les obligeant à passer à des aveux, qu'ils se refusaient de livrer de prime abord et de leur propre chef. Cela permettait d'éviter les bains de sang et tout le cortège de barbaries, insoupçonnées et insoupçonnables, générées par la torture, lorsqu'il y avait urgence à faire parler des individus, qui menaceraient par exemple, la sûreté de l'état. Cela passait donc comme une lettre à la poste, sans que jamais le lecteur potentiel n'arrive à comprendre exactement, comment tout cela pouvait fonctionner, et s'il y avait de la cruauté là-dessous. Car, un sérum renvoie plutôt à quelque chose de neutre; d'inoffensif. Une sorte de potion magique avec des vertus éprouvées, qui aurait réussi à remiser le règne des «bourreaux» dans des placards, fermés à double tour, dont on aurait de surcroît jeté les clefs, au fond d'un quelconque puits oublié, dans un village de montagne, définitivement déserté par ses habitants. C'était nettement plus «soft», et certainement plus réconfortant. Tout le monde pouvait avoir sa dose d'adrénaline, sans que le prix à en payer soit cher. Et tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Il se trouve que la réalité est beaucoup plus effrayante. Terrifiant! Il se trouve aussi, et peu importe le mobile qui en serait le catalyseur, que la torture, livrée à visage nue, est hideuse jusqu'à l'apoplexie, et ne peut se justifier elle-même parce qu'elle renvoie l'être humain, quel qu'il soit, au rang d'une bête enragée, qui s'acharnerait sur une proie, qui n'aurait plus les moyens de se défendre. Seulement, cela tient à un fil. Le fil du rasoir. Et c'est un exercice autrement périlleux. Pour faire très simple, mettons qu'un terroriste, ayant été pisté suffisamment pour qu'il n'y ait aucune équivoque sur les raisons de son arrestation, se refuse à livrer des complices, qui seraient sur le point de déclencher le détonateur d'une bombe, qui aurait été déposée au beau milieu de la cour d'une récréation d'une école maternelle, qui accueille chaque jour, quelques centaines d'enfants. Question A: Faut-il respecter «l'intégrité physique» du terroriste, en se refusant à pratiquer la torture sur lui, quitte à sacrifier les enfants parce qu'entretemps, la bombe aurait explosé, ou le soumettre à la torture pour avoir toute latitude à sauver les enfants? Il n'y aura pas de question B. Trop simpliste? Sûrement. Mais que celui qui n'a jamais pêché (nous) jette la première pierre...