C'est bien connu, « nul n'est prophète en son pays », et Hannibal peut compter parmi ceux-là. De Darius à Alexandre et de Scipion à César, Hannibal aura été l'un des plus grands stratèges militaires de l'antiquité ayant connu la gloire mais aussi, la déchéance comme tous ceux qu'on a cités, avant lui. Le Roi perse, Darius, vaincu par Alexandre l'Hellène, qui sera à son tour, rattrapé par la maladie et son Empire disloqué aux quatre vents. Scipion, vainqueur d'Hannibal à Zama, en 202 av. Jésus, connaîtra, lui aussi, la déchéance et l'oubli, il finira comme fermier anonyme dans une bourgade de la péninsule romaine. César aura eu le sort le moins enviable de tous, puisque assassiné sur les marches du Sénat suite à un complot dirigé en partie par son propre fils adoptif « Brutus », d'où l'expression devenue célèbre « Oh, même toi, Brutus... mon fils » ! Hannibal n'a pas échappé à la règle. Vainqueur, il est célébré en héros, mais vaincu, d'ailleurs, en partie par les siens, qui l'ont lâché, en s'alliant à Rome, il est abandonné à son sort, et même Carthage, sa capitale emblématique et historique ne s'en rappelle, que par occasion, bien loin de la dimension du Général et de l'Homme d'Etat, qu'il était. Bien mieux, Hannibal est plus célébré au Japon et même du côté des Ecoles de guerre américaines, où ses plans de bataille sont enseignés, que dans son pays d'origine... la Tunisie. Tous les hommes d'Etat, de l'indépendance, y compris Bourguiba, l'ont négligé ou ignoré d'une certaine manière. On dit que Ben Ali, général lui-même, a proposé au patron et promoteur d'une chaîne T.V, de lui donner son nom, mais rien de plus ! Notre président actuel, M. Béji Caïed Essebsi vient de rappeler l'Homme d'Etat carthaginois, né en 247, av. Jésus, et mort à Bithynie, en Asie Mineure, du côté de la frontière turque, en 183, au bon souvenir de notre peuple et de ses élites historiennes et universitaires, dont le professeur émérite, Hassine Fantar, toujours aussi disponible et aussi généreux dans l'effort pour tirer les grands acteurs tunisiens de l'antiquité, punique et carthago-romaine, de l'oubli, lequel avouons-le, n'a rien de « salutaire », comme le dirait Pascal ! Je me rappelle encore de cet automne, de 1981, où je faisais le tour des Etats-Unis d'Amérique, grâce au bénéfice d'une bourse américaine du programme « Leaders-Grant ». J'ai pu visiter, en Californie, Berkeley et Stamford, deux des plus grandes et des plus prestigieuses universités américaines, mais aussi quelques villes bien typiques de cette grande Nation, dont Saint-Louis et Lafayette en Louisiane, Santa-Fé à New Mexico et tout un petit village au Colorado, du nom de « Grand-Jonction ». Partout, où je suis passé, même dans cette petite école du village précité, on ne connaissait ni d'Eve, ni d'Adam, la Tunisie, que beaucoup situaient, d'ailleurs, en Asie, mais tous connaissaient Carthage et surtout Hannibal et ses fameux éléphants qui ont semé la panique dans les troupes romaines et permis la victoire de notre général carthaginois, sur les Romains au Lac Trasimène, en 217, puis à Cannes, en 216, av. Jésus. La suite, tout le monde en sait quelque chose, car Hannibal commençait à prendre du volume, un peu trop de volume à Carthage, qui était dirigée par une « Troïka », (encore une) et le Sénat, et on redoutait un peu avant la lettre, sa montée en puissance comme le fera César, un peu plus tard à Rome. Il fut rappelé en catastrophe, en 203, à Carthage, sans grands soutiens et trahi même, par des cités carthaginoises qui ont fait allégeance à Rome et à Scipion « l'Africain ». Puis, ce fut la tragédie de Zama, en 202, et Hannibal de s'exiler en Orient, pour échapper à l'indignité et à la vengeance de Rome. Certains groupes de tunisiennes et de tunisiens, courageux et fiers de ce passé unique en proconsulaire, appellent au rapatriement des cendres (même symboliquement) du grand Général et Homme d'Etat, que fut Hannibal. Ce serait un coup de maître ! La France a bien rapatrié Napoléon aux invalides, lui, qui a été vaincu à Waterloo, en Belgique, par la coalition britannique. Ramsès II, Empereur et Pharaon d'Egypte n'a-t-il pas été reçu à Paris, avec les honneurs et les salves des 21 coups de canon dues à son rang, quand sa momie a été admise pour être traitée en France. Alors, Hannibal, le Grand Hannibal, le plus connu et le plus prestigieux d'entre nous, de par le monde, ne mérite-t-il pas les honneurs ! L'opération est loin d'être classée impossible ou inaccessible. C'est une question de volonté politique et de mobilisation de tous nos compétences en la matière pour rapatrier les cendres d'Hannibal et de l'inhumer à Carthage même dans sa terre natale et auprès des siens. D'ailleurs, une statue du Général des Pyrénées, et des Alpes, serait aussi la bienvenue tant qu'on y est ! Au niveau même du prestige et de la communication, cette opération vaudra toutes les promotions « touristiques » des trente dernières années réunies. Notre président « Sil » Béji, qui sait bien « distinguer le bon grain de l'Ivraie », est capable de le faire... j'en suis sûr ! Il marquera ainsi son mandat d'un acte civilisationnel d'une très grande portée historique, en donnant encore plus de fierté à la jeunesse tunisienne et de l'attachement à notre glorieuse Histoire. Le tout, c'est que l'événement soit préparé en ne lésinant pas sur les efforts et les moyens pour en faire un événement de portée historique mondiale. Pourquoi pas ! Hannibal le Grand... le vaut bien ! K.G