Comme c'est le cas dans toutes ses pièces théâtrales précédentes, le metteur en scène Hafedh Khélifa continue sa plongée dans le patrimoine arabe en quête de trésors littéraires, de balises intellectuelles et référentielles touchant à la pensée humaine. En effet, après le succès connu par ses dernières pièces auprès du public, dont la dernière est « La Sékifa », le voilà qui présentait, jeudi dernier, à la Maison de Culture Douar Hicher, l'avant-première de sa nouvelle pièce « Mystères de la passion », inspirée du chef-d'œuvre mondial « La Conférence des oiseaux» du philosophe persan Farideddine Attar, texte de Brahim Ben Amor , dramaturgie de Mahfoudh Ghazel , lumières d'Aymen Saïdene, costumes d'Amel Seghaier et maquillage de Moufida Marwani. « Mystères de la passion» est un voyage dans l'univers de l'Adoration (amour de Dieu) et ses secrets en vue de découvrir l'essence de la vie humaine, c'est aussi une identification de l'homme à la vie spirituelle du soufisme en quête de la Divinité. Une démarche théâtrale abstraite que le metteur en scène veut contemporaine en s'inspirant d'un vieux texte du philosophe et poète mystique persan Farideddine Attar qui vécut entre 1190 et 1229 et dont le livre célèbre est « La conférence des oiseaux », où « il met en scène des oiseaux qui se mettent à la recherche du Simorg, l'oiseau royal par lequel la vie continue sur terre, symbole des êtres aériens ailés, qui au prix d'efforts gigantesques traversent sept vallées merveilleuses. Ce voyage est une expression poétique de l'itinéraire mystique du soufisme iranien, doctrine selon laquelle Dieu n'est pas extérieur ou en dehors de l'univers, mais dans la totalité de l'univers. À l'issue de leur périple, c'est leur moi profond que découvrent les voyageurs. » La pièce met l'accent sur cette bonne volonté et cette abnégation des voyageurs à tenir bon jusqu'à la fin du voyage, sachant que seulement trente voyageurs ont résisté, les autres ayant abdiqué. C'est alors que lors de ce périple dangereux, ils passeront par différentes vallées qui représentent les sept vertus mystiques, à savoir, la volonté, l'amour, la connaissance, la sobriété, l'unicité (de Dieu), la perplexité, et enfin la pauvreté. Le metteur en scène, tout en s'appuyant sur le texte original, essaie d'y mettre de sa propre imagination adoptant une démarche expérimentale basée sur des scènes chorégraphiques expressives et le brassage entre le jeu physique des acteurs et les techniques modernes de l'éclairage qui mettent en relief les ombres et les silhouettes fixes ou mobiles des personnages. Participent au jeu les acteurs Abderrahmen Mahmoud, Mongi Ben Brahim, Kamel Alaoui, Mohamed Taoufik Khalfaoui, Habib Ayari, Chaima Toujane, Kamel Zhiou, Mohamed Wissem Kridène et Hassen May. Hafedh Khélifa, connu pour son théâtre expérimental, rompt avec les sentiers battus et nous fait vivre dans le rêve et la méditation à travers le sujet traité et le jeu des acteurs qui échappe souvent aux règles habituelles, ce qui demande une certaine concentration de la part du public pour suivre la trame de l'histoire et vivre la succession dramatique des événements jusqu'au bout.