«Je n'ai jamais séjourné dans un hôpital psychiatrique ni en Tunisie, ni à l'étranger» «Une association de malfaisants a répandu la rumeur de mon décès» «Il faut faire de sorte que la liberté de presse ne se transforme pas en liberté de nuisance à autrui...» La finalisation de la première étape concrétisant l'initiative du président de la République, annoncée le 2 juin 2016, vient d'avoir lieu hier à midi au Palais présidentiel où le document, intitulé « l'Accord de Carthage », a été signé par les premiers responsables des trois organisations nationales et de neuf partis politiques, dont notamment ceux de la coalition au pouvoir. En effet, lors d'une cérémonie solennelle, organisée au Palais présidentiel et présidée par le chef de l'Etat, le précieux document a été paraphé par Houcine Abassi, secrétaire général de l'Union générale tunisienne du travail (UGTT), Wided Bouchammaoui, présidente de l'Union tunisienne pour l'industrie, le commerce et l'artisanat (UTICA), Abdelmajid Ezzar, président de l'Union tunisienne de l'agriculture et de la pêche (UTAP), Rached Ghannouchi, pour Ennahdha, Hafedh Caïd Essebsi pour Nidaa Tounes, Mohsen Marzouk pour Machrou3 Tounes, Slim Riahi pour l'UPL, Yacine Brahim pour Afek Tounes, Kamel Morjane pour Al Moubadara, Zouhair Maghzaoui pour Echaâb, Issam Chebbi pour Al Joumhouri et Samir Ettaïeb pour Al Massar. Si le président de l'Assemblée des représentants du peuple, Mohamed Ennaceur, les chefs des blocs parlementaires, des personnalités nationales dont notamment Abderrahim Zouari et Fadhel Khelil, étaient présents à la cérémonie, le chef du gouvernement, Habib Essid en était le grand absent. La cérémonie a été marquée, ensuite, par l'allocution de Béji Caïd Essebsi qui, tout en se félicitant de l'adoption du document final issu des concertations, a mis l'accent sur cette faculté et grande capacité des Tunisiens de se surpasser lors des moments difficiles et de s'en sortir grâce à leur amour pour la patrie et leur sens de l'intérêt suprême de la Tunisie. BCE a tenu à mettre en exergue le fait qu'il n'a, à aucun moment, intervenu pour imposer quoi que ce soit dans le contenu dudit Accord de Carthage qui s'avère être le fruit, uniquement, des consultations et du consensus entre les différentes parties intervenantes. Après avoir qualifié la signature de l'Accord de grand moment dans les circonstances que traverse le pays, Caïd Essebsi a laissé entendre, d'une manière assez claire, que le chef du gouvernement semble ne pas opter pour la démission volontaire, mais de vouloir passer par l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) afin de faire valoir le bilan de son action et des résultats de son cabinet. Et de renchérir que personne ne met en doute son sérieux ni le volume de travail réalisé, mais qu'au vu des circonstances que tout le monde connaît, aux niveaux politique, économique, social et sécuritaire, il est devenu primordial et impératif de procéder à une telle démarche qui a, finalement, récolté l'adhésion de tous, à part une minorité. Les signataires représentent, soutient-il, pas moins de 85 pour cent des forces présentes au sein de l'ARP. Il s'agit, là, d'un clin c'œil en direction du chef du gouvernement pour lui rappeler que la bataille est perdue d'avance pour lui. Atténuant ses propos, le chef de l'Etat a estimé que l'actuel gouvernement « a accompli son devoir, mais qu'il n'était plus en mesure de réaliser les objectifs escomptés », face à la situation difficile que traverse le pays aux plans sécuritaire, économique et social. Et tout en réitérant que son initiative pour la formation d'un gouvernement d'union nationale ne visait aucun responsable, mais avait, plutôt, pour objectif de servir l'intérêt du pays, il a insisté en substance : « Nous n'imputons à personne la responsabilité de l'actuelle situation dans laquelle se trouve le pays. Il faut chercher une alternative. Nous ne parlons pas de personnes mais plutôt de politiques ». A noter que Béji Caïd Essebsi est sorti, lors de son discours, du contexte du document signé pour revenir à la fameuse rumeur lancée lors du dernier week-end évoquant son décès et rappeler qu'il s'agissait d'un fait grave pouvant porter atteinte à la sécurité de l'Etat et du pays. « Ceux qui ont fait répandre la rumeur n'appartiennent pas à des défenseurs des droits de l'Homme. Je les qualifierais d'association, non pas de malfaiteurs, mais de malfaisants », a-t-il encore précisé avant de révéler : « En tous les cas, je n'ai jamais fait de séjour dans un établissement hospitalier psychiatrique, ni en Tunisie, ni à l'étranger. Et il est tout à fait normal, qu'à mon âge de 89 ans, j'ai parfois des douleurs à une partie de mon corps. C'est le contraire qui serait anormal...», a t-il dit en substance. (Sic !). Abondant dans ce même sens, BCE a indiqué que la liberté de presse et d'expression est un acquis indéniable dont il ne faut pas se départir. Toutefois, il faut trouver des mécanismes et des dispositions afin que cette liberté d'expression, censée être positive pour tout processus démocratique, ne soit pas transformée en liberté de nuisance pour autrui. Pour revenir à l'Accord de Carthage, on constate que cinq axes majeurs ont été établis en tant que priorités absolues pour la prochaine action gouvernementale. Il s'agit, dans l'ordre, du gain de la bataille contre le terrorisme, de l'accélération du rythme de développement pour concrétiser les objectifs en matière de croissance et d'emploi, de la lutte contre la corruption et la mise en place des mécanismes de la bonne gouvernance, de la maîtrise des équilibres financiers et la poursuite d'une approche sociale efficace et la mise en œuvre d'une politique spécifique en faveur des villes et des collectivités locales. Ennaceur : toutes les dispositions de la Constitution seront respectées A la fin de la cérémonie, nous avons récolté les premières impressions de certaines parties prenantes. Le président de l'Assemblée des représentants du peuple, Mohamed Ennaceur, assure que toutes les dispositions de la Constitution seront respectées, même si pour le moment, rien n'a été décidé En effet, ajout t-il, le chef du gouvernement semble opter pour le passage par l'ARP et c'est son droit. Nous œuvrerons pour que les différentes étapes prévues par loi soient suivies. Il va de soi, conclut –il, que les procédures seront menées avec une optimisation du temps, car la situation dans le pays ne supporte pas que les choses traînent en longueur ». Noureddine Bhiri: Nous sommes optimistes Noureddine Bhiri, chef du bloc du parti Ennahdha à l'ARP assure qu'il demeure optimiste et que la transition se passera dans un esprit de civisme dans le sens où toutes les parties se respectent mutuellement tout en se félicitant des propos du président de la République qui a tenu à exprimer son respect pour le chef du gouvernement et pour son œuvre. M. Bhiri relève que l'essentiel est fait avec la fixation des priorités recueillant l'unanimité des parties prenantes et que le suivi doit être de mise pour gagner du temps afin que tout soit mis sur les rails le plus tôt possible tout en précisant qu'il est prématuré de parler de personnes et de candidats pour le poste de chef du gouvernement ou de tout autre poste ministériel. Saïda Garrach: les détails restent à voir Mme Saïda Garrach, conseillère auprès de la présidence de la République, nous a déclaré que la balle est dans le camp des partis qui doivent se concerter, de nouveau, pour finaliser les détails de la prochaine étape à savoir la physionomie et l'ossature de la future équipe gouvernementale et en premier lieu le chef du gouvernement. Donc, il est prématuré de parler de personnes, ajoute t-elle, avant une série de consultations dans ce sens, car un chef de gouvernement doit bénéficier d'un large consensus des partis pour le soutenir et lui permettre de travailler dans une ambiance confortable. Yacine Brahim : le clivage entre Essid et Nidaa a fait précipiter les choses Dans une première réaction, Yacine Brahim dirigeant d'Afek Tounes et ministre de l'Investissement et de la Coopération internationale, a tenu à mentionner que les divergences entre Habib Essid et Nidaa ont fait précipiter les choses et fait que la collaboration ne pouvait plus continuer entre eux et qu'il fallait mettre un terme à ce clivage. Et d'ajouter qu'avec l'adoption de l'Accord de Carthage, les choses vont se décanter et le pays doit, impérativement, se remettre en marche car il est impossible pour la Tunisie de supporter un nouveau temps d'attente et une prolongation de tout blocage de quelque ordre que ce soit. Ainsi et d'après la majorité des intervenants, l'essentiel ne réside pas uniquement et principalement dans le nom du futur chef du gouvernement d'union nationale, mais plutôt dans l'engagement et la capacité de ce candidat à mettre à exécution les lignes directrices et les priorités fixées par l'Accord de Carthage... Noureddine HLAOUI