Jeudi 25 Juillet 1957, l'avènement de la République est annoncé solennellement à la radio tunisienne. L'accès à la dignité fut célébré comme il se doit dans l'allégresse populaire. Acte fondateur des temps modernes par les bâtisseurs de l'indépendance et d'un Etat libre, la Constitution allait doter la République de son socle et donner aux citoyens des droits inaliénables et définir leurs devoirs. L'égalité devant la loi est un impératif catégorique. Débutent, alors, l'apprentissage de la citoyenneté et l'appropriation de la Cité ouverte à tous. Fondée par le désir de se libérer du joug de la monarchie arbitraire et le désir de faire du citoyen un acteur de sa propre vie, la République dont le suffrage universel est la colonne vertébrale survit tant que les lois sont observées et les droits protégés. Mais, le jour où elle est bafouée et remise en cause par ceux qui ne la reconnaissent pas, elle est fragilisée jusqu'au socle et risque de chuter vertigineusement pour faire place au chaos. La colère populaire de 2011, précédée de plusieurs moments historiques de mécontentement et de revendications, est née de ce désir ardent de se libérer d'une dictature impitoyable et de forger son destin. Mais, les déceptions amères ont vite remplacé la ferveur et l'enthousiasme révolutionnaires. La République, trahie dans son essence même par ceux qui combattent la démocratie au nom de la démocratie, semble menacée dangereusement. A un moment où le chaos semble régner partout, nous ne sommes guère épargnés par ce vent dévastateur qui mine la République, une et indivisible en principe, mais divisée, malmenée par tous ceux qui ne pensent qu'à leurs propres intérêts au lieu de penser à l'intérêt général. Il est temps de réagir avant que l'édifice ne s'effrite et que ce que nous avons mis, des décennies durant, à construire et à consolider ne soit détruit. Il est temps de lever nos bannières pour une République civique et citoyenne tout en commençant par en rappeler les principes fondateurs et par cultiver l'amour de cette République qui garantit à tous liberté, égalité, dignité. L'école a toujours été le vivier des citoyens, lieu de l'apprentissage du respect des règles républicaines. Il semblerait qu'elle soit menacée parce qu'elle risque de devenir un lieu où la pensée se construit par des obscurantistes qui voudraient étouffer l'idée, l'esprit critique et conditionner les jeunes esprits afin d'en faire des combattants pour les causes perdues. Il nous faudrait la défendre cette école devenue, lieu de bataille idéologique car elle est le berceau de la République. Battons-nous pour l'égalité des droits, remise en cause par certains, mais battons-nous également pour l'égalité des chances que la République doit garantir. Et pour la défendre, battons-nous contre tout ce qui s'oppose à elle. Pour la servir, donnons tenue et forme au langage qui l'exprime, l'exalte, la célèbre et bannissons celui qui l'assassine et qui nous tue. Bannissons de la Cité le langage qui divise, marginalise, cultive la haine et le mépris, accuse et met au rebut. Pour la servir, accueillons les formes nouvelles d'expression qui chantent le Beau, le Sublime, ce qui unit, ce qui rassemble. Pour la servir, célébrons la vie, mobilisons-nous pour être les citoyens dignes d'elle, pour les causes nobles, les causes justes. Apprenons à servir la cause de tous au lieu de nous enfermer sur nos vies étriquées. Sortons de nos geôles intérieures pour libérer notre imagination et enfanter ce rêve commun, haut et beau d'une République digne de ce nom.