Lors d'un point de presse tenu, hier au palais de justice à Tunis, la présidente de l'Association des magistrats tunisiens, Raouadha Grafi, a annoncé que l'AMT a déposé, hier, auprès de l'Assemblée des représentants du peuple, un projet de loi relatif à l'organisation du pôle judiciaire, économique et financier, à titre de contribution à la consolidation de l'effort national tendant à la lutte contre la corruption, compte tenu du rôle qui revient à la justice et aux juges dans cette tâche. Elle a souligné que tout le monde admet, aujourd'hui, que la corruption s'est aggravé en Tunisie et commence à devenir une menace réelle et sérieuse pour l'économie, ce qui commande de l'inscrire parmi les priorités de l'action gouvernementale dans la période à venir. Elle a estimé que la lutte contre la corruption est avant tout une affaire de justice et doit passer par la justice à travers l'engagement de poursuites judiciaires contre les coupables de crimes économiques et financiers, leur comparution devant les tribunaux et leur condamnation aux peines qu'ils méritent, outre l'application du principe de la confiscation civile à l'encontre de leurs biens et avoirs possédés par le biais de la corruption. Elle a ajouté que l'un des principaux indicateurs du sérieux dans la lutte contre la corruption est le nombre des affaires et des poursuites judiciaires intentées contre les coupables de corruption et de malversation et celui des jugements répressifs prononcés à leur encontre. Cependant, a-t-elle dit, ceci exige le renforcement des moyens mis à la disposition de la justice pour parvenir à de tels résultats, compte tenu de la complexité des crimes économiques et financiers derrière lesquels se cachent souvent des lobbys et des réseaux mafieux, de sorte que pour pouvoir les démasquer et démêler leur écheveau, il faut affecter à cette tâche des juges spécialisés, des experts, des analystes financiers et toute une logistique appropriée, chose qui a fait défaut jusqu'à présent et qui explique que rien d'intéressant n'a été enregistré en la matière. Le gouvernement avait, déjà, présenté, à l'ARP, un projet de loi relatif à l'organisation du pôle judiciaire financier qui travaille depuis plus de deux ans en l'absence d'un cadre juridique qui l'organise et en fixe les attributions. Mais, la présidente de l'AMT et le membre de son bureau exécutif, Mohamed Letaief, ont fait remarquer que ce projet de loi ne répond pas aux attentes, contrairement à celui de l'AMT dont ils ont dit qu'i se fonde sur une vision large du pôle judiciaire économique et financier, son rôle, ses prérogatives, et les moyens qu'il faut mettre à sa disposition, outre l'élargissement de la sphère d'incrimination comme la possibilité de poursuivre en justice les sociétés et les personnes morales impliquées dans des affaires de corruption. L'AMT se penche également sur l'élaboration d'un autre projet de loi de lutte contre le conflit d'intérêt et le lobbysme. S'agissant du mouvement des magistrats pour la période 2016/2017 qui doit paraître avant la fin de cette semaine, la présidente de l'AMT a insisté pour que les décisions prises par l'Instance provisoire de l'ordre judiciaire dans le cadre de ce mouvement, en ce qui concerne les mutations, les avancements et le pourvoi des postes vacants qui sont nombreux et importants cette année, vu que certains portent sur des hautes fonctions, respectent les critères annoncés et reflètent une orientation réformiste dans le sens du renforcement de l'indépendance de la justice. Elle a préconisé d'accompagner le mouvement des magistrats par une note explicative concernant les décisions prises afin de faciliter son évaluation sur des bases plus objectives.