Dorsaf Ben Ali doit partir. Parce qu'elle a besoin de se soigner. Tout simplement. Et pour cela, elle doit pouvoir prendre l'avion. Et pour prendre l'avion, il lui faut une autorisation pour voyager. Un passeport... Ce n'est pas compliqué, il faut juste le lui fournir. Un passage à l'acte obligé, qui a assez retardé jusque-là, et qu'il ne faudra surtout pas reconduire aux calendes grecques. Parce que c'est une question de vie ou de mort. Et qu'il n'y a aucune raison de le lui refuser, sous prétexte qu'elle serait la fille de... Ici en l'occurrence, il n'y a plus de fille de... qui tienne. Il y a juste un être humain en situation de désespérance, qui aspire à la guérison, en toute légitimité, mais à qui l'on ôte, de jour en jour, l'espoir, aussi ténu qu'il soit, de pouvoir s'en sortir. Un fétu de paille. Tout le monde a eu besoin, un jour ou l'autre, de s'accrocher à un fétu de paille, pour tenter de sortir la tête hors de l'eau, lorsqu'il y a risque de naufrage. Il ne faut pas lui ôter cet espoir-là. Ce serait criminel. Il n'y a pas d'autre mot. Aux dernières nouvelles, ce serait la justice militaire qui aurait refusé de lui délivrer son passeport. Pourquoi ? Parce qu'elle est la fille du président déchu. Oui, mais le président déchu en question, se la coule douce du côté de l'Arabie Saoudite, où il souffrirait également, du mal du pays. On s'en fout un peu. Beaucoup plutôt. Comme de l'an quarante. Il ne manquerait plus que l'on verse une larme ! Par contre, pour ce qui est de priver un être humain, de son droit de voyager, pour aller se faire soigner à l'étranger, lorsque son état de santé s'aggrave de jour en jour, on ne s'en fout pas du tout ! C'est peut-être puéril de dire cela, mais pour tout Tunisien qui se respecte, l'armée nationale, c'est la garante de toutes nos libertés. L'on ne peut concevoir l'idée, fut-ce un instant, qu'elle puisse être injuste, ou partiale, envers qui que ce soit, parce qu'elle a le devoir d'être au-dessus du lot, et par conséquent, au-dessus de la mêlée. De toutes les mêlées. Comme le drapeau de la Nation. Par conséquent, nous attendons d'elle qu'elle tranche dans le bon sens. Sans tarder davantage car, en ce cas de figure, même les secondes peuvent peser lourd dans la balance... La justice militaire doit être juste. C'est bien cela son sacerdoce, c'est bien cela sa vocation. Et c'est ainsi que nous l'aimons. Pas autrement.