Hier, la communauté médicale s'est emballée à la suite de la nouvelle de la libération du médecin anesthésiste Slim Hamrouni et du technicien de santé Salah Abdellaoui. Une bonne nouvelle ! Les deux hommes qui ont été, en première instance, condamnés à un an et six mois de prison ferme viennent d'être libérés grâce à un jugement rendu en appel. Depuis février, ils ont été soupçonnés d'avoir entrainé la mort accidentelle d'un patient à l'hôpital de Gabès et donc accusés d' « erreur médicale ». Ils écopent désormais de 6 mois de prison, cette fois avec sursis. Nous n'entrerons pas – comme nous nous sommes toujours abstenus de faire – dans les détails de l'affaire, qui sont de l'unique ressort de la justice. Mais un 6 mois de prison avec sursis est-il une victoire pour les médecins tunisiens qui se sont réjoui hier d'un tel verdict ? Evidemment que non.
Les arrestations du médecin anesthésiste de l'hôpital Gabès et la jeune résidente du CHU de Sousse ont défrayé la chronique et suscité de nombreux débats dans la presse, dans les cercles médicaux et politiques. Mais le risque que toute cette effervescence fonde comme neige au soleil, aussitôt tout le monde libéré, est grande. Il ne s'agit pas d'en parler, il s'agit de fixer des règles. De protéger tout ce beau monde contre les aléas thérapeutiques et médicaux qu'il subit chaque jour. Autant les médecins qui s'exposent à l'envers de leur métier afin de soigner les patients, autant les patients qui sont obligés de subir les risques de tout traitement médical, n'ayant pas d'autre choix. Le corporatisme médical, malgré tout ce qu'on pourra (et ce qu'on a déjà dit dessus) s'est avéré efficace dans le sens où il a propulsé cette affaire sur le devant de la scène. Si on n'a fait qu'en parler durant de nombreuses semaines, les médecins sont aussi devenus le bouc émissaire d'une certaine justice qui n'a pas supporté qu'on critique son travail. Sept médecins sont convoqués pour outrage à magistrat, dont le professeur Douagi qui a été très actif pour défendre ses pairs depuis le jour où ils ont été incarcérés et qui a conduit nombre de manifestations des médecins. Une seule solution à tout ça, pour éviter que les médecins perdent leur temps à se battre contre des moulins à vent et que les patients, malmenés tous les jours, aient un minimum de recours légal. De quoi protéger un praticien dans l'exercice périlleux de sa mission et un patient dans l'expérience, tout aussi périlleuse, des hôpitaux et salles d'opération. Dans une démocratie, même naissante, qui se respecte, comment peut-on accepter encore de laisser des choses aussi délicates que la dignité d'une vie humaine, malmenée au gré des aléas de la vie courante, sans rien pour réglementer et mettre chacun face à ses responsabilités. Une aberration !
Pour sauter du coq à l'âne et pour parler d'une autre aberration. Il faudrait que quelqu'un nous explique, enfin, le grand mystère Tunisair. Une société aux grosses difficultés financières et qui peine à retrouver une stabilité, à assurer une qualité de service moyennement humaine et à honorer ses engagements, décide de verser l'argent qu'elle n'a pas en avantages aux journalistes. De quoi nous rappeler la triste histoire des parlementaires qui voulaient des passeports diplomatiques à eux et à leurs familles. L'Etat doit-il payer pour le Disneyland des députés…et de celui des journalistes ? L'offre est plutôt sympathique si on veut, mais quel intérêt au juste de faire bénéficier les journalistes de 50% de réduction sur leurs vols (de loisir) eux…et leurs familles ? Est-ce pour redorer l'image de la compagnie auprès de journalistes qui n'arrêtent pas de la critiquer ? Journalistes qui font, donc, en tout état de conscience, leur travail et uniquement leur travail ? Ce serait donc de l'argent jeté par les fenêtres. Pour nombre d'entre eux en tout cas. L'argent de qui ? L'argent de l'Etat.
Le combat des journalistes aujourd'hui ne passe pas par l'octroi de billets d'avion moins chers et par des voyages pour lesquels le contribuable contribue. Il passe certainement par plus de considération pour la tâche qu'ils effectuent au quotidien. Il devrait aussi passer par de meilleurs salaires, pour ceux qui sont payés des clopinettes pour des journées de travail acharné, mais aussi un meilleur statut. Un statut qui leur apporterait plus de considération et de facilitation dans leur tâche hasardeuse, au quotidien. Que le journaliste, du moins celui qui fait correctement son travail, ne soit plus considéré comme un sbire, un vendu, un propagandiste et un fouteur de trouble, mais pour le professionnel de l'information qu'il est. Tout comme il n'est pas aisé pour le commun des mortels de faire la différence entre un infarctus du myocarde et un accident vasculaire cérébral ou de comprendre pourquoi l'appréciation d'un juge a-t-elle conduit à prononcer 6 mois de prison avec sursis au lieu d'un an de prison ferme, il est tout aussi compliqué de comprendre le mode de fonctionnement d'un journal. Les débats houleux qui se passent en conseil de la rédaction et les raisons qui font qu'un thème est traité et non beaucoup d'autres échappent à la majorité de ceux qui n'ont jamais mis les pieds dans un journal mais qui se permettent aisément de le critiquer et de lui faire la morale. Tout comme ceux qui n'ont jamais mis les pieds dans les bancs d'une faculté de médecine et qui s'érigent en indéniables professeurs critiquant les traitements que leurs médecins leur administrent et les médicaments qu'ils prescrivent. Tout comme ceux qui n'ont aucune notion de droit autre que « la loi ne protège pas les imbéciles », mais cataloguent les juges comme étant tous, pèle mêle, des corrompus et des vendus.
Les conseils de la rédaction ne se ressemblent pas tous et les journalistes et autres, que les masses appellent affectueusement « pseudo journalistes » ou « journalistes de la honte », ne sont pas tous animés par les mêmes agendas, les mêmes principes et les mêmes buts de nuire et de diffamer…