«La CNSS et la CNRPS sont redevables de 1640 millions de dinars à la CNAM ! » «L'UGTT qui est la structure la mieux représentée aux conseils d'administration de la CNSS et de la CNRPS n'a rien fait pour empêcher l'utilisation du budget de la CNAM par les deux autres caisses!» «Les prestataires de soins sont victimes d'un mélange de genres entre le paiement des retraites et la couverture maladie» En dépit du versement par la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM) d'une partie des sommes dues aux pharmaciens, le syndicat représentant les pharmaciens d'officine a décidé de maintenir la suspension de l'application du mode du tiers payant. Le secrétaire général du syndicat, Rached Garaali, explique les raisons de ce mécontentement persistant. Le Temps: Le syndicat des pharmaciens d'officine de Tunisie (SPOT) a annoncé dans communiqué publié samedi dernier le maintien de la suspension du mode de tiers payant figurant dans la convention sectorielle que le lie avec la CNAM alors que la caisse a commencé à verser les sommes dues aux pharmaciens. Quelle sont les dessous de cette décision surprenante? Rached Garaali: Les versements effectués par la CNAM jusqu'à ce jour ne représentent qu'une petite partie des sommes dues aux pharmaciens. Ils ne répondent en rien à nos demandes. En effet, la caisse n'a commencé à s'acquitter de ses impayés que vendredi dernier (le 21 octobres). De plus, ces paiements ne concernent que les arriérés arrêtés à fin août dernier et relatifs aux médicaments utilisés dans le traitement des maladies ordinaires et affections prises en charge intégralement (APCI). Ils ne concernent en aucun cas les médicaments soumis à un accord préalable, qui représentent près de 50% des sommes dues par la CNAM aux pharmaciens. Sur une dette globale de 50 millions de dinars, la CNAM n'a versé que 10 millions aux pharmaciens. D'autre part, rien ne laisse croire que la situation que nous avons connue tout au long de ces derniers mois, ne se reproduise pas vu que les chiffres relatifs aux ressources disponibles et aux dettes de la CNAM sont loin d'être rassurants. Pouvez vous nous donnez une idée sur ces chiffres alarmants? Selon nos informations, la Caisse national de sécurité sociale (CNSS) et la Caisse Nationale de retraite et de prévoyance sociale, qui sont chargées de collecter les cotisations sociales puis d'en reverser une partie à la CNAM, ont accordé récemment une enveloppe de 29 millions de dollars seulement à cette caisse dédiée à la couverture maladie. Or, les dettes globales de la CNAM auprès des prestataires de soins s'élèvent actuellement à 350 millions de dinars. La situation est tellement grave que deux parmi les deux plus grands hôpitaux publics, en l'occurrence le centre hospitalo-universitaire la Rabta et l'hôpital Habib Thameur de Sfax, ont précisé dans des communiqués publiés hier (lundi) que leurs impayés auprès de la CNAM s'élèvent à quelque 140 millions de dinars et qu'ils ont du mal à financer l'acquisition de consommables médicaux essentiels. Qu'est ce qui explique cet assèchement sans précédent des liquidités de la CNAM ? Les prestataires de soins sont aujourd'hui victimes d'un mélange de genres entre le paiement des retraites et la couverture maladie. La CNSS et la CNRPS ont en effet utilisé ces dernières années les fonds qui étaient destinés à la CNAM pour assurer le paiement des pensions de retraite. Conséquence : ces deux caisses sont actuellement redevables de 1640 millions de dinars à la CNAM : 110 millions de dinars pour la CNRPS et 540 millions pour la CNSS. Si elle avait reçu la totalité de son budget, la CNAM aurait réalisé un excédent de 135 millions de dinars en 2016, selon les projections réalisées par le ministère des Affaires sociales. La solution consiste donc à obliger la CNSS et la CNRPS à verser automatiquement à la CNAM la part de 6,75% qui lui revient de droit au titre de cotisations sociales. L'UGTT a considéré récemment la suspension de la convention de tiers payant par les pharmaciens est illégale. Qu'en dites-vous ? Nous déplorons cette position précipitée et partiale de l'UGTT. L'article 90 bis de la convention sectorielle nous accorde le droit de résilier complètement la convention et non seulement la suspension de l'application du tiers payant. Je tiens par ailleurs à souligner que l'UGTT, qui est la structure la mieux représentée aux conseils d'administration de la CNSS et de la CNRPS, n'a rien fait pour empêcher l'utilisation du budget de la CNAM par les deux autres caisses ! Propos recueillis par