Berne (awp/ats) – La Suisse est de loin la plus importante plaque tournante du monde pour le commerce de l'or. Un « succès » qui s'explique notamment par la décision de la Confédération, prise en 1981, de ne plus publier l'origine ni la destination des stocks de métal précieux qui transitent sur son territoire. Durant le premier semestre 2013, quelque 1400 tonnes d'or ont été extraites sur la planète, selon les chiffres de l'association faîtière World Gold Council. Si on y ajoute l'or recyclé, le total s'élève à environ 2050 tonnes. Au cours de la même période, les quantités de métal précieux qui sont entrées en et sorties de Suisse se sont élevées à respectivement 1600 et 1500 tonnes, souligne l'Administration fédérale des douanes (AFD). Le prix du kilo d'or avoisinant actuellement les 40'000 CHF, ces quantités correspondent à 64 mrd CHF, respectivement 60 mrd CHF. Entre 75 et 80% de l'or faisant l'objet du commerce mondial a donc transité physiquement par la Confédération. Une part que viennent encore grossir les stocks conservés dans les dépôts francs du pays, qui ne sont pas comptabilisés dans la statistique. Ce que la statistique ne précise pas non plus, ce sont l'origine et la destination de cet or. Depuis janvier 1981, l'AFD se contente de communiquer la masse totale entrant et sortant du pays, sans spécifier les quantités par région. Interrogée par l'ATS sur les raisons de ce changement ordonné il y a plus de 30 ans, l'AFD évoque un différend entre le « Financial Times » et la place financière helvétique. « Le Conseil fédéral a estimé que la préservation des intérêts des banques suisses – et par là ceux de toute la place financière – étaient plus importants que le devoir d'information. » DISCRETION REMISE EN QUESTION
En 1980, le journal londonien s'était basé sur les statistiques helvétiques pour tirer des conclusions polémiques sur les pratiques de l'Union soviétique, de l'Afrique du Sud ou encore de l'Irak. Cette affaire avait fait craindre aux trois grandes banques suisses de l'époque (Crédit Suisse, Union des banques suisses et Société de banque suisse), par ailleurs fondatrices du Zurich Gold Pool, que de gros clients désertent Zurich au profit de sa concurrente Londres. Selon le conseiller national socialiste Cédric Wermuth, les motifs du gouvernement de l'époque étaient clairs comme de l'eau de roche: « Il s'agissait de dissimuler le commerce d'or avec l'Afrique du Sud sous le régime de l'apartheid. » L'an dernier, l'Argovien a déposé une interpellation demandant au Conseil fédéral d'introduire une statistique détaillée et transparente. Suite à cette intervention parlementaire, un groupe de travail – composé de représentants de l'AFD, du Département fédéral des affaires étrangères, ainsi que des Secrétariats d'Etat à l'économie et aux questions financières internationales – a été mis en place. Ses conclusions devraient être examinées par les sept sages le 6 novembre. Si les banques se voyaient à l'avenir obligées de se montrer plus transparentes quant à l'or transitant en Suisse, elles pourraient perdre certaines activités lucratives, estime M. Wermuth. Et le député d'évoquer les transactions liées à « l'or issu de conflits », c'est-à-dire le métal précieux émanant de (ou destiné à des) pays frappés par la corruption ou les conflits armés.