La loi organique n°2004-42 du 13 mai 2004 portant modification et complétant la loi organique du budget n°67-53 du 8 décembre 1967 a prévu un article 11 (nouveau) affirmant : « La loi des finances couvre les crédits par parties et par chapitres pour les dépenses ... La loi des finances peut autoriser l'affectation des crédits selon des programmes et missions. Les programmes comprennent les crédits affectés à une action ou ensemble d'actions homogènes mises à la charge de chaque chef d'administration en vue d'atteindre les objectifs déterminés et des résultats pouvant être évalués. Les missions comprennent un ensemble de programmes concourant à concrétiser une stratégie d'intérêt national. Les programmes et les missions sont fixés par décret ». La loi organique n°2004-42 du 13 mai 2004 portant modification et complétant la loi organique du budget n°67-53 du 8 décembre 1967 a prévu un article 11 (nouveau) affirmant : « La loi de finances couvre les crédits par parties et par chapitres pour les dépenses ... La loi de finances peut autoriser l'affectation des crédits selon des programmes et missions. Les programmes comprennent les crédits affectés à une action ou ensemble d'actions homogènes mises à la charge de chaque chef d'administration en vue d'atteindre les objectifs déterminés et des résultats pouvant être évalués. Les missions comprennent un ensemble de programmes concourant à concrétiser une stratégie d'intérêt national. Les programmes et les missions sont fixés par décret ». De première lecture, tout commentaire de cette disposition ne peut être qu'élogieux. On y trouve tous les critères d'une affectation équitable et transparente des deniers publics. Le chef d'administration a l'obligation d'atteindre des objectifs déterminés (normalement d'une manière participative après traitement scientifique des propositions à la lumière d'une description fiable des exigences de la période et des moyens disponibles). La GBO n'est pas la baguette magique des décideurs : Depuis le traité de Maastricht signé en février 1992 et qui a appelé les Etats européens à garder le déficit de leurs administrations publiques au pire des cas en dessous de 3% du produit intérieur brut (PIB), on ne cesse pas d'avancer la GBO comme axe de modernisation de la gestion du budget de l'Etat ou comme solution pour réduire le déficit budgétaire. Or, ceci n'est pas évident du moment où l'on sait qu'il ne s'agit pas d'une nouvelle nomenclature budgétaire avec de nouvelles stratégies mais d'une nouvelle présentation du budget, plutôt d'une nouvelle démarche d'allocation des ressources humaines et financières à laquelle les parties concernées participent de plus en plus. Donc, les objectifs assignés à la GBO ne peuvent être atteints que si certains préalables sont garantis, notamment la possibilité de se voir changer son équipe suivant le changement des objectifs. C'est une inspiration des modes de gestion du secteur privé afin de pouvoir vérifier les résultats attendus et mesurer l'atteinte des objectifs assignés ainsi que la performance sur un laps de temps.
Les entraves de la mise en place de la GBO
A ce niveau, il faut relever trois obstacles devant l'introduction de ce mode de gestion dans le secteur public : 1/ Les objectifs d'une entreprise économique sont faciles à fixer, vu que l'aspect économique et la logique de rentabilité y priment alors que pour l'Etat la ou les missions dont un responsable s'occupe s'insère(nt) dans une stratégie nationale. C'est à ce niveau que l'option GBO doit être revue, compte tenu de la conjoncture socio-économique. En effet, la stratégie doit justifier le choix des priorités de l'action publique sur un diagnostic d'ensemble de la situation du programme, tenant compte de ses finalités d'intérêt général, de son environnement, de son articulation avec les autres programmes du ministère, des attentes exprimées et des moyens disponibles. Pour cette raison, elle doit être claire afin de permettre aux décideurs de bien identifier et classer les priorités. La définition d'une stratégie pluriannuelle est un préalable à la mise en place d'une GBO. Or, l'Etat tunisien est-il capable de le faire dans le contexte polyvalent actuel ? A priori, la réponse est négative pour au moins deux raisons : a- le contexte social caractérisé par l'instabilité et les fortes contestations ayant pour objectif primordial l'accès à la fonction publique. Les parties prenantes dans l'élaboration des objectifs ne sont plus facteur de gouvernance mais plutôt de déstabilisation des objectifs. b- la préoccupation des décideurs par les dossiers politiques, de sécurité nationale et de protection des frontières et l'octroi de priorité à gérer les différentes pressions sociales et sectorielles ayant un effet pécuniaire sur le budget de l'Etat. La vision des décideurs n'est plus lointaine, ni globale. La réflexion dominante devient celle de répondre aux appels d'instaurer un difficile équilibre régional et de gérer des périodes transitoires. Or, l'élaboration d'une stratégie nécessite le choix d'un horizon logique aux alentours d'une décennie. 2/ le système de carrière caractérisant la fonction publique tunisienne qui ne permet pas une mobilité souple de l'effectif au sein des administrations et entreprises publiques. Le licenciement sous n'importe quel prétexte est catégoriquement refusé par société. La conséquence serait une part non justifiée de la masse salariale à cause des personnels qui ne contribuent pas à l'aboutissement aux objectifs tout en continuant à occuper leurs postes au sein de l'administration. 3/ Ce qui est dit pour les employés est vrai aussi pour les chefs programmes normalement choisis, désignés ou dans les meilleurs cas faisant objet d'une sélection suite à une candidature. Ces derniers sont logiquement responsables vis-à-vis des ministres, des employés et de la communauté de l'atteinte des objectifs prédéterminés. Cette obligation de redevabilité a comme conséquence la sanction du chef programme. La mise fin de ses fonctions est possible, chose dont on n'est pas habitué -sauf cas exceptionnels – dans les administrations tunisiennes où les emplois fonctionnels sont pris à des droits acquis.
Des choix difficiles devant le décideur
Face à cette réalité et surtout à l'engagement de la Tunisie qui voudrait toujours paraitre fidèle à ses engagements, notamment face à l'Union Européenne, il est difficile de reporter un processus déjà lancé. La Tunisie a commencé par un premier flux de quatre ministères pilotes tels que le ministère de l'Enseignement supérieur, le ministère de l'Education et le ministère de l'Agriculture.
Cette option met les responsables sur une seule voie: avancer dans la mise en place de la GBO selon le calendrier élaboré dans le cadre de jumelage en se fixant les objectifs des programmes par un groupe restreint des cadres faisant partie, dans la plupart des cas, de l'administration sociale et subir la conséquence de se voir toujours changer ces objectifs aussi bien sur le plan quantitatif que qualitatif pour répondre à des contraintes dictées par les partenaires sociaux qui auraient dû participer à la première phase. Cet état des lieux conduira, à notre avis, à la déclinaison des effets attendus ou déclarés de la GBO qui se mêle à une culture de participation, de partage de l'information et de responsabilisation de tous les intervenants. Avec un début trébuchant et incertain, la mise en place de la GBO ne produira pas ses effets souhaités ni sur les gestionnaires, ni sur les employés.
Quelle solution envisager ?
Ne pouvant ni renoncer à la mise en place de la GBO, ni l'appliquer dans des conditions pilotes, que devraient faire les responsables ? La réponse n'est pas miraculeuse. Comme le dit le chanteur et interprète de reggae jamaïcain Bob Marley « S'il y a un problème, il y a une solution. S'il n'y a pas de solution, c'est qu'il n'y a pas de problème». Il ne faut pas considérer les contestations sociales comme obstacles à la bonne mise en place de la GBO, ni prendre les budgets annuels successifs de l'Etat à des budgets conjoncturels et trouver dans l'endettement la solution facile pour surmonter les difficultés qui se posent. Il faut, par contre, saisir l'opportunité qui s'offre, pour rassembler tout le monde autour des objectifs communs en élargissant la base des participants à la fixation des objectifs. Dans ce cadre, il n'y a pas lieu à une transparence relative. Le corollaire d'une transparence totale est la simplification du langage pour que le public –toutes catégories confondues- sache les contraintes budgétaires de l'Etat et assument la responsabilité avec les décideurs. Ainsi, la transparence sera l'objectif de la GBO et son outil qui permet la responsabilisation de tous les concernés citoyen contribuant inclus. La question qu'on doit tous se poser est celle de savoir le destin choisi pour le pays : voulons nous vivre, dans les quelques années à venir, dans un Etat qui souffre de la dette publique ou sommes nous prêts à patienter d'une manière collective pour améliorer progressivement la situation en répondant au nécessités selon un ordre de priorité bien établi ? L'option doit être une décision collective. La fixation de l'ordre des priorités le doit aussi.