Economique, politique, diplomatique, sécuritaire. Le menu de la visite d'Etat en France du président Béji Caïd Essebsi, sa première hors Maghreb depuis sa prise de fonctions en janvier, sera copieux. Cette visite, prévue avant l'attentat contre le musée du Bardo à Tunis, sera d'autant plus forte en symboles que François Hollande a été l'un des premiers dirigeants européens à manifester son intention de participer à la « marche contre le terrorisme ». Ce geste fort a été apprécié pour autant, les relations franco-tunisiennes ne sont pas claires. Elles devaient être relancées après la Révolution, on ne voit pas de concret. A titre d'exemple, le président Essebsi, lors d'une récente interview à une radio française, a jugé que les USA acceptaient plus facilement nos enfants, donnaient plus facilement des bourses à nos étudiants tunisiens. La jeunesse serait même de plus en plus anglophone et de moins en moins en moins francophone. Cartes rebattues Personne ne nie les liens forts qui persistent localement, « à la base », notamment par le biais de la culture, par l'histoire, la langue, des relations économiques fortes, les deux pays entretiennent évidemment des relations privilégiées, mais la France est devenue un acteur parmi d'autres. La Tunisie a compris l'intérêt d'élargir des partenariats avec l'Europe, de consolider ses échanges avec l'Allemagne. Depuis le Printemps arabe, les cartes ont été rebattues, les liens entre le milieu politique français et le clan de l'ex-dictateur Ben Ali n'arrangeant rien. Une modification de la hiérarchie entre les pays influents a eu lieu, entre autres avec les pays du Golfe. Pire, dans certains milieux, une certaine forme d'hostilité s'exerce vis-à-vis de l'ancien colon -et même de la langue française- qui n'aurait pas fait œuvre de résilience vis-à-vis du passé. Ces reproches s'amplifient, surtout dans une période d'incertitudes, avec une réaffirmation identitaire. «La Tunisie ne demande rien à personne, mais elle accepte toute sorte de soutien et de solidarité de ses amis et des pays frères (…) afin qu'elle dépasse cette période délicate», a souligné Essebsi. Selon, Taïeb Baccouche, des négociations sont en cours avec la France et les Emirats arabes unis pour l'acquisition d'armes, alors que la Tunisie est confrontée à des djihadistes armés à sa frontière avec l'Algérie et regarde d'un œil inquiet son voisin libyen. L'autre versant de la visite est économique. Il faut qu'il y ait des partenariats économiques concrets. Il faut que la France voie la Tunisie comme un partenaire viable. La France est le premier partenaire commercial de la Tunisie et son premier investisseur extérieur. Au moins 1300 entreprises françaises employant plus de 125.000 personnes sont implantées en Tunisie. Elle est aussi le premier pays pourvoyeur de touristes et le premier bailleur de fonds bilatéral. Au plan politique, des tensions demeurent, même si la relation est beaucoup moins difficile qu'elle ne l'était en 2011, en raison du soutien qu'avait apporté, en pleine révolution, le président Nicolas Sarkozy au régime de Zine El Abidine Ben Ali. «Ce que je dirai, c'est qu'après quatre années de mauvaise gestion et de mauvaise gouvernance, la Tunisie a besoin d'être soutenue», a dit Caïd Essebsi à Paris Match. Il est vrai que notre relation avec la France n'est pas encore stable, les Tunisiens n'ont rien vu de concret de la part de la France qui montre réellement son soutien, il n'y a eu que des promesses, des paroles seulement.