Le Département de droit de l'Institut des Hautes Etudes de Tunis (IHE) en partenariat avec le Centre de recherche de Droit international et Européen de Tunis (CDIE), a organisé un important colloque international, à l'hôtel Al Karmel, sur un thème audacieux et original, à savoir «La justice constitutionnelle, les libertés publiques et le politique ». Cette importante manifestation universitaire tenue à l'initiative et sous la direction scientifique du Docteur Mahmoud Zani, Professeur universitaire et directeur du Département de Droit de l'IHE, a vu la participation de nombreux étudiants, juristes et chercheurs intéressés par un sujet qui coïncide avec la mise en place par la Constitution tunisienne du 27 janvier 2014 de la Cour constitutionnelle. Comme le rappelait lors de la cérémonie d'ouverture, le Professeur Mahmoud Zani, publiciste et internationaliste, il s'agit d'une juridiction originale et indépendante (article 118 de la Constitution), chargée exclusivement du contrôle de constitutionnalité des projets de lois, des projets de lois constitutionnelles, des traités internationaux, des lois et du règlement intérieur de l'Assemblée des Représentants du peuple (article 120 de la Constitution). Le débat a été riche et stimulant et a porté essentiellement sur le rôle du juge constitutionnel en matière de libertés publiques, ainsi que sur le rôle régulateur de la Cour constitutionnelle dans le fonctionnement des institutions de la seconde République. Les interventions ont concerné les aspects suivants : -«La Cour constitutionnelle tunisienne : composition et organisation », par Monsieur Taoufik Bouachba, professeur à la Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis ; -«Le juge constitutionnel et l'exécutif sous la IIème République », par Mahmoud ZANI, professeur et directeur du Département de Droit de l'IHE-Tunis ; -«Le Conseil constitutionnel français et la question prioritaire de constitutionnalité », par Monsieur Pascal JAN, professeur à sciences Po Bordeaux et directeur du Centre de préparation au concours de l'Ecole Nationale d'Administration de l'IEP Bordeaux ; -«L'indépendance des membres de la Cour constitutionnelle », par Monsieur Boubaker Haouari, enseignant-chercheur à l'Institut Supérieur des Etudes Juridiques de Gabès. Les compétences de la Cour constitutionnelle à l'égard de l'exécutif ont été analysées de manière précise et détaillée par le Professeur Zani, notamment la question nouvelle des conflits de compétence entre le Président de la République et le Chef du gouvernement et celle de la destitution du Président. Sur le premier point, il a rappelé qu'à l'opposé de la Constitution de 1959, celle de 2014 prévoit dans son article 101, le recours à la Cour constitutionnelle comme arbitre des conflits de compétence pouvant surgir entre le Président de la République et le Chef du gouvernement, sans pour autant fixer les domaines de conflits. Le projet de loi organique relative à la Cour constitutionnelle adoptée par l'ARP, le 20 novembre 2015, aborde cette question dans ses articles 72, 73 et 74. En cas de conflit de compétences entre les deux principaux acteurs de l'exécutif, le Président ou le Premier ministre peut le soumettre au juge constitutionnel par un acte écrit et motivé. La Cour constitutionnelle informe l'autre partie et l'invite à présenter ses remarques par écrit dans un délai de 3 jours à compter de la date du recours et statue sur le cas par décision dans un délai de 7 jours. Les décisions de la Cour sont motivées et s'imposent à tous les pouvoirs publics. La pratique constitutionnelle tunisienne ne connait pas à l'instar de la France la cohabitation. La relation entre les deux têtes de l'exécutif doit reposer sur le principe de confiance. Quant au second point, l'orateur a précisé que la question de la destitution du Président de la République n'était pas envisagée par la Constitution de 1959 ; celle-ci prévoyait dans son article 68 une Haute Cour chargée de juger un membre du gouvernement, en cas de haute trahison. En cas de violation grave de la Constitution par le Président de la République, l'Assemblée des Représentants du Peuple peut en application de l'article 88 de la Constitution de 2014, présenter une motion motivée pour mettre fin à son mandat, à l'initiative de la majorité de ses membres. L'affaire sera tranchée in fine par la Cour constitutionnelle qui peut décider de la révocation, sans exclure d'éventuelles poursuites judiciaires. Le projet de loi organique relative à la Cour constitutionnelle adoptée par l'ARP, le 20 novembre 2015, précise dans ses articles 63 à 65, le processus de destitution du Président de la République. Ainsi, à la suite du transfert du dossier par l'ARP, la Cour constitutionnelle demande au Président de la République ou de son substitut d'y répondre dans un délai n'excédant pas sept jours ; elle prononce un jugement arrêtant la destitution du Président de la République en cas de confirmation de sa condamnation. Le Président de l'ARP applique alors les dispositions de la Constitution relatives à la vacance définitive du poste de Président de la République. A la suite du colloque, une clinique juridique s'est tenue l'après-midi sur le thème pertinent de «Dictature et Démocratie ». Deux groupes d'étudiants en droit ont débattu largement de la question sous forme de cas pratique pour savoir -comment un pays peut se doter d'une constitution stable, élaborée démocratiquement- devant un jury composé des professeurs P. Jan et M. Zani. La tenue de ce genre de manifestations universitaires, surtout, sur un sujet novateur, ne peut que conforter les connaissances théoriques des étudiants (es) et parfaire davantage leur formation académique. L'IHE de Tunis démontre une nouvelle fois qu'il se démarque largement des autres institutions académiques par sa politique dynamique de formation basée sur la rigueur et l'excellence universitaire voulue par son président, le Professeur Slah Hellara.