Idiot celui qui ne tire pas les leçons des crises, et il n'y a pas plus dur, plus dangereux et plus dévastateur que cette pandémie de Covid-19. Les plus intelligents sont ceux qui savent tirer les enseignements et transformer les menaces d'une crise en une opportunité. Cette crise sera celle qui a bouleversé toutes les idéologies et toutes les analyses et projections économiques. Les enseignements à tirer de cette crise sont surtout au niveau des Etats et des entreprises. 1er enseignement : Le retour de l'état roi et remise en cause du libéralisme : Tous les Etats à travers le monde ont assumé leurs rôles durant la crise, et se sont imposés comme les sauveurs. Chaque pays a présenté un plan de sauvetage économique avec à la clé des milliards de dollars d'investissement. Le système libéral a été frappé de plein fouet, avec un retour massif de l'Etat interventionniste, et surtout l'Etat investisseur. Des pays comme l'Allemagne ont été obligé de nationaliser des compagnies nationales tel que Lufthansa. Les Etats Unis, berceau du libéralisme sauvage ont adopté des mesures proches du communisme en venant à l'aide des grandes multinationales, qui portent leur emblème. Dans presque toutes les économies, l'Etat a repris du terrain avec des interventions massives dans les secteurs les plus sinistrés.
2ème enseignement : Les banques centrales sont des sauveurs : Tous les plans de sauvetage, dans une grande majorité des pays ont impliqué les banques centrales. Au mois de Juin 2020, la Banque Centrale Européenne, a amorcé un programme d'urgence visant à endiguer les effets de la crise sanitaire et doté de 750 milliards d'euros pour racheter des obligations publiques et privées, et qui a été gonflé de 600 milliards d'euros. Ne s'arrêtant pas à ce niveau la BCE a ajouté, au mois de Décembre dernier un financement de 500 milliards d'euros supplémentaires et a rendu possible le financement des Etats à des taux nuls pour plusieurs années. Le cas en Tunisie est plus édifiant. L'intervention de la BCT était saluée au déclenchement de la pandémie avec des baisses du TMM, et des financements pour les banques afin de soutenir les entreprises sinistrées. L'intervention de la BCT était même au débat durant des semaines afin d'aider l'Etat à boucler le budget 2020 et celui de 2021, et il a fallu passer par l'ARP pour institutionnaliser cette intervention. Le rôle des banques centrales était « central » et sauveur pour plusieurs économies. 3ème enseignement : La crise du Covid-19 était un vrai accélérateur de changements. Les changements ont touché surtout la manière de travailler. Avec les confinements et les restrictions de déplacement, le télétravail est devenu pour plusieurs entreprises la règle, et le travail présentiel l'exception. Plusieurs entreprises et administrations ont été obligées de modifier leur fonctionnement et se sont adaptées à cette nouvelle réalité. Plusieurs départements ont continué un fonctionnement normal grâce au télétravail. Avant la crise, le passage au télétravail était une option, mais pas du tout une stratégie d'entreprise ou d'Etat. La pandémie a accéléré ce changement, qui était attendu, mais dans des années futures. Le développement du commerce électronique et l'achat à distance était aussi l'un des changements catégoriques qui a été accéléré par la crise. Le confinement et les limitations de déplacement ont obligé les consommateurs à basculer vers l'e-commerce. Les entreprises de leurs côtés, qui ne misaient pas sur ce canal de distribution ont vite migré vers cette option. Selon certaines sources, La pandémie a fait basculer le commerce électronique en 2020, peut-être plus qu'à tout autre moment de l'histoire. Les ventes au détail traditionnelles ont diminué, mais le commerce électronique a connu une croissance de 129 % en glissement annuel des commandes, avec une croissance impressionnante de 146 % de toutes les commandes de détail en ligne. Selon le site Kinsta, les ventes du commerce électronique atteindrons plus de 3.9 trillions de dollars en 2020, et 4.5 trillions de dollars en 2021. Pour ne citer que les Etats Unis, les ventes de commerce électronique, atteindront, selon les prévisions, 709,78 milliards de dollars en 2020, soit environ 14,5 % du total des ventes au détail américaines, contre 601,65 milliards de dollars, soit environ 11 % du total des ventes au détail, depuis 2019. En Tunisie nous ne détenons pas de chiffres officiels, et il est impossible de le trouver, car plus de 75% des ventes s'effectuent avec un paiement à la livraison. Chose est sûre, selon les professionnels, ils n'ont jamais réalisé des ventes autant que ce qu'ils ont réalisé durant le premier confinement. Le changement, ou l'enseignement le plus important pour les entreprises était surtout, la nécessité de varier les fournisseurs afin de réduire les risques de coupures d'approvisionnement. Les entreprises européennes l'avaient compris en pleine crise, avec un approvisionnement mono-canal avec la Chine. Premier pays à être affecté par la crise, la Chine a dû fermer ces frontières bloquant au passage le fonctionnement de milliers d'entreprises européennes et même tunisienne qui s'approvisionnent exclusivement sur ce marché. Varier ces fournisseurs est incontestablement le meilleur enseignement à tirer de cette crise pour les entreprises. Nous avons essayé de présenter les principaux enseignements à tirer de cette crise. Il est important de pousser la réflexion sur ces questions. Mais il s'avère que selon nos analyses, les tunisiens à travers les think tank ou les études gouvernementales, on s'est penché surtout sur les impacts et non sur les enseignements qui peuvent guider les orientations futures et amorcer les changements réels. ABOU FARAH