Lors de son intervention sur les ondes d'Express FM, jeudi 10 juillet 2025 au micro de Myriam Belkadhi dans Midi Express, l'économiste et analyste financier Moez Hadidane a mis en lumière les limites du système actuel de subvention du pain en Tunisie, appelant à une réforme urgente pour une distribution plus équitable et plus efficace des ressources publiques. Chaque année, l'Etat tunisien consacre environ 1300 millions de dinars pour subventionner la consommation de pain, soit près de quatre milliards de baguettes, à raison de 320 millimes par unité. Un chiffre impressionnant, d'autant plus qu'un quart de cette production, soit un milliard de pains, serait gaspillé, selon les données partagées par l'expert. Pour illustrer l'ampleur de cette dépense, Moez Hadidane a comparé ce budget à celui nécessaire pour construire un hôpital universitaire moderne, estimé à 342 millions de dinars. Selon lui, les sommes consacrées à la subvention du pain pourraient financer chaque année la construction de quatre hôpitaux universitaires ou encore l'acquisition de 2200 bus neufs, soulignant ainsi les opportunités manquées en matière d'investissement public. Au-delà des coûts, l'économiste a dénoncé une répartition profondément inégalitaire des subventions. Selon une étude de l'organisation patronale Conect, 20 % des Tunisiens les plus aisés accaparent environ 75 % des aides aux céréales, tandis que les 20% les plus pauvres ne reçoivent que 1% de cette aide. Un déséquilibre qui, pour Moez Hadidane, justifie pleinement une refonte du système en faveur d'une justice sociale réelle. Afin de corriger ces dérives, Moez Hadidane a proposé une hausse de 100 millimes du prix de la baguette, soit une augmentation d'environ 50 %. Une mesure qu'il juge sans impact significatif sur le pouvoir d'achat, mais qui permettrait à l'Etat de dégager des ressources équivalentes à la construction annuelle d'un hôpital universitaire. Il a d'ailleurs relativisé les craintes d'un soulèvement populaire, rappelant que l'émeute du pain de 1984 avait été provoquée par un doublement brutal des prix. La hausse aujourd'hui envisagée serait bien plus modérée et, selon lui, tout à fait soutenable si elle est bien expliquée. L'analyste estime qu'un ajustement du prix du pain pourrait également contribuer à réduire le gaspillage, une augmentation même symbolique étant susceptible d'inciter les consommateurs à adopter une consommation plus responsable. Enfin, Moez Hadidane a insisté sur la nécessité de communiquer et d'expliquer aux citoyens les bienfaits d'une telle réforme, en soulignant que la réallocation des subventions vers des secteurs essentiels comme la santé ou les transports servirait, à terme, l'intérêt général.