De sa pointe occidentale (le Maghreb) jusqu'à ses frontières orientales (l'Asie du Sud-Est) le monde musulman passe quotidiennement d'un visage austère pendant le jour à un habit constellé d'étoiles et de feux luminescents, le soir. Après avoir rendu grâce au Très-Haut, le croyant, avant la rupture du jeûne, se laisse aller pendant la soirée à toute sorte d'activités qui entremêlent le ludique au spirituel. Ce n'est pas sans raison que l'on utilise l'expression de «rupture du jeûne» tant le contraste est tranchant entre le silence diurne et la jubilation nocturne. En cercles concentriques se déploie en début de soirée la communauté des croyants. Le cercle le plus externe est celui de la rue. Il y a ceux qui se rendent à la mosquée pour la prière des «traouih». Et il y a ceux qui, à peine la dernière bouchée prise, se précipitent vers les cafés pour s'adonner, dans des lieux empestés par la fumée des chichas et des cigarettes, aux séances de jeux de cartes. Des séances qui peuvent se prolonger tard dans la nuit. Dans cette même catégorie investissant la rue, on distingue ceux qui se rendent aux parents et aux amis, pour une atmosphère de convivialité. A l'intérieur de ce cercle s'inscrit un autre, plus petit, celui du salon de la maison. On y zappe à qui mieux mieux entre les chaînes tunisiennes et les chaînes du Machreq. L'élément déterminant y est les femmes, à la recherche de romances à l'eau de rose. Les hommes, à défaut de football, se focalisent sur les émissions drôles et divertissantes. Enfin, tout à fait à l'intérieur de ces cercles, se situe la chambre de l'adolescent qui fait joujou avec l'Internet. Tout cela construit un jeu magique qui nous manque dès que Ramadan nous quitte.