La Tunisie vient de se libérer, suite à une révolution qui marquera l'histoire de ce début de 21ème siècle. L'euphorie est à la hauteur de la volonté du peuple, qui vient de sortir de la dictature et d'imposer sa volonté. Une joie qui ne doit pas cacher «le prix économique» de cette révolution. Mais tout le monde s'accorde à dire que la liberté et la transparence vont certainement rapporter plus qu'on a perdu. Dans la foulée de cette joie, la Tunisie est aujourd'hui face à des défis importants et d'une première urgence. En effet les prix des denrées alimentaires, des céréales et du pétrole sont en augmentation continue ce qui a un impact important sur les finances publics. Le spectre de la crise de 2008 refait surface. L'euphorie ne doit pas cacher les défis auxquels nous devons faire face.
Le coût de la révolution La révolution tunisienne a un prix économique, qui a été évalué par l'ex ministre de l'intérieur, à 3.000 MD. Une première évaluation, dont le chiffre est appelé à augmenter, une fois les bilans établis. Le ministre du Développement régional Néjib Chebbi a annoncé lundi dernier que les pertes ont atteint 5.000 MD soit 4% du PIB national. Un nouveau chiffre important qui montre l'ampleur des dégâts. Plusieurs établissements publics ont été saccagés et brûlés et qu'il fallait reconstruire et rétablir, et qui auront un impact important sur les finances publics. Les revendications sociales n'ont pas aussi arrangé les affaires, et ont coûté des journées de travail pour certains établissements. Sans oublier au passage les dommages collatéraux pour plusieurs investisseurs, unité de production, et petits commerce. La liste des dégâts et pertes économiques risque donc de s'allonger. La question est de savoir si nos finances auront la capacité de supporter toutes ces dépenses, surtout que le pays traverse déjà une crise économique importante, et qu'il vient d'entamer une légère reprise.
Le poids de la compensation La conjoncture mondiale actuelle ne nous a pas épargnés avec des rebondissements importants dans les cours du pétrole et des denrées alimentaires et produits agricoles, ce qui nous rappelle le spectre de 2008. Les dépenses de la compensation en Tunisie ont atteint des chiffres importants durant les dernières années, atteignant plus de 1600MD. Le montant des dépenses de compensation pour l'exercice 2011 s'élève, selon les estimations, à 1 500 millions de dinars concernant les hydrocarbures, les produits de base et le transport public. Cette compensation couvre les produits pétroliers et les produits agricoles, spécialement l'importation des céréales. Le poids de la compensation dans le PIB dépasse les 2.4%, et a représenté en 2010, 8,8% du budget de l'Etat. Dans un cadre de ressources limitées et de crise économique, il est difficile de supporter un niveau de compensation encore plus important. Espérons que le retour de l'argent volé par la mafia de Ben Ali arrive à redresser la barre et soutenir les finances publiques en ces temps difficiles. Les efforts pour améliorer le système de compensation en Tunisie au niveau des céréales et des huiles végétales, ont porté leurs fruits en 2009, réussissant à faire baisser les dépenses de compensation au titre de l'année 2009 de 31%, soit 800 millions de dinars contre 1.048 millions de dinars en 2008. En 2010, ces dépenses ont été ramenées à 730MD.
Les prix des denrées alimentaires et des céréales enregistrent un nouveau pic Les prix des produits alimentaires et des céréales connaissent une hausse vertigineuse durant les derniers jours pour de multiples raisons. Ainsi, la hausse récente du blé est liée, avant tout, à la forte sécheresse et aux incendies qui ont eu lieu en Russie. Un mouvement renforcé par les restrictions aux exportations décidées par Moscou pour sécuriser l'approvisionnement national. Les intempéries, qui s'amplifient avec le réchauffement planétaire, provoquent aussi des réactions de panique des pouvoirs publics ou des consommateurs, comme ce fut le cas récemment lors des inondations en Australie. En effet, selon le FAO, les prix alimentaires mondiaux ont atteint un nouveau pic historique en janvier, pour le septième mois consécutif, selon l'Indice FAO des prix des produits alimentaires qui surveille l'évolution mensuelle des cours internationaux d'un panier de denrées alimentaires de base. L'Indice s'est établi à 231 points en janvier, en hausse de 3,4 pour cent par rapport à décembre 2010. C'est le plus haut niveau jamais atteint (en termes réels et nominaux) depuis que la FAO a commencé à mesurer les prix alimentaires en 1990. Les prix de l'ensemble des denrées ont accusé de fortes hausses en janvier, à l'exception de celui de la viande qui est resté inchangé. La production céréalière en Tunisie a enregistré une chute importante en 2010 dépassant les 50% de la production habituelle, à cause des conditions climatiques défavorables, et le manque de pluviométrie. La saison dernière on a produit 4,8 millions de quintaux, contre 8,7 millions de quintaux l'année dernière. La collecte des céréales se répartit entre 3,7 millions de quintaux de blé dur, 0,8 million de quintaux de blé tendre, 0,3 millions de quintaux d'orge et 18 mille quintaux de triticale. Même le sucre dont nous importons la totalité de notre consommation, a enregistré une grande flambée. Selon la même source, l'Indice des prix du sucre a gagné 5,4 points en janvier, passant à 420. Les cours du sucre demeurent élevés sous l'effet du resserrement de l'offre mondiale.
La crise égyptienne dope les prix du brut De l'autre côté, les prix du Brut ont connu une grande flambée. La Tunisie étant importateur net de pétrole, et qui est compensé au niveau de la vente. Comme déjà énoncé, et en conséquence directe à la crise Egyptienne, le prix du baril de Brent est passé, pour la première fois depuis octobre 2008, au-dessus de la barre des 100 dollars. Les marchés ont vivement réagi aux émeutes qui agitent l'Egypte et en quelques jours le cours du Brent a gagné 7 dollars pour atteindre 101,73. Malgré l'augmentation récente des prix des hydrocarbures à la pompe appliquée depuis 2 mois, le poids de la compensation demeure important vu que les cours risquent de retourner à leur niveau de Juillet 2008, lorsqu'on a enregistré un baril à 147 dollars. A la lumière de ces éléments, le gouvernement de transition est face à de grands défis, afin de maintenir l'équilibre des finances publiques et de maintenir la confiance acquise dans l'économie nationale. Le nouveau ministre des finances, qui est l'un des plus grands financiers au monde a du pain sur la planche, et fait face à une partition musicale qui contient plusieurs fausses notes. Rappelons que notre ministre des finances est un grand féru de musique classique. Espérons qu'il nous présentera une bonne partition. Les dépenses sociales urgentes qui doivent être engagées pour venir en aide aux personnes nécessiteuses, et qui n'ont pas hésité à envahir le siège du ministère des affaires sociales avant-hier, seront un handicap de plus pour le budget de l'Etat. La solution à notre avis est d'annuler certains projets de développement et de retarder certains pour arriver à équilibrer le budget et faire face à ces dépenses exceptionnelles. Un plan de rigueur budgétaire est aussi envisageable, mais pas dans les conditions actuelles.