La question est à l'ordre du jour. Au début, elle a été posée avec beaucoup de timidité par quelques personnes qui, en plein effet boomerang de la crise financière mondiale, ont donné l'air d'être à côté de la plaque. Peu de temps après avoir constaté les capacités réelles de résistance du système financier tunisien, la timidité a laissé la place à une bonne dose de confiance et donc d'optimisme. Il est vrai qu'en Tunisie, les pouvoirs publics et l'ensemble des organismes chargés de la finance sous toutes ses formes ont pris les devants en s'activant avec lucidité et beaucoup de professionnalisme et d'anticipation pour analyser le phénomène et ses éventuelles retombées ainsi que pour suivre son évolution et apporter, le cas échéant, les correctifs qui s'imposent aux moments opportuns.
Le branle-bas de combat Il a été constaté avec satisfaction que les mois critiques de septembre-octobre de l'année en cours n'ont donné lieu à aucun comportement de panique. Au contraire, à l'heure où des places financières chancellent à cette période, où des institutions bancaires s'écroulent et où des intérêts financiers colossaux s'évaporent en un temps record, la Tunisie se retrouve épargnée par ce «tsunami» et prépare déjà la parade pour la prochaine phase dont les experts et spécialistes parlent et reparlent. Il s'agit, ni plus ni moins, des difficultés que connaîtra l'économie mondiale et le ralentissement de la croissance en 2009, des suites de la crise. Du champ financier, les enjeux se situeront sur le terrain économique. Pour la Tunisie, la situation en 2009 pourrait être porteuse de certaines satisfactions relatives et tempérer, ainsi, les doutes émis jusque-là notamment en ce qui concerne les performances de certains secteurs d'activité.
1) Le tourisme Les répercussions directes de la crise financière mondiale n'auront pas d'effets notables pour l'année 2009 grâce aux efforts déployés dans le secteur et qui lui ont donné une solidité et une stabilité de bonne facture. Mieux encore, le tourisme tunisien pourrait même se repositionner plus positivement et profiter de la crise pour drainer d'autres touristes étrangers qui sont confrontés à une baisse notable de leur pouvoir d'achat des suites du contexte d'instabilité économique mondiale. Nous enregistrerons, sûrement, de nouvelles demandes à la recherche d'une offre touristique de gamme moyenne où le rapport qualité-prix serait très encourageant. La Tunisie constitue une très bonne destination grâce à sa compétitivité en la matière.
2) Le textile et l'habillement Il faut avouer que, pour ce secteur, les appréhensions et les doutes se sont installés dans l'esprit des chefs d'entreprises du secteur. Il ne s'agissait pas d'un constat de leur part (c'était trop tôt), mais plutôt d'inquiétudes pour l'année prochaine. Mais quelque part, le tableau peut ne pas être aussi pessimiste. M. Elgar Straub, Directeur de l'Association allemande des Technologies de l'Industrie du Textile et du Cuir, exprime de bonnes raisons permettant à un certain optimisme pour les entreprises tunisiennes dans ce secteur. En effet, lors d'une récente visite à Tunis, sur invitation de la Chambre de Commerce Tuniso-Allemande pour présenter la foire du textile de Cologne qui aura lieu du 21 au 24 avril 2009, M. Staub apporte quelques arguments rassurants. Pour lui, il y a lieu de noter que «le secteur se porte bien, du moins pour le moment» et que le comportement des consommateurs dans les pays de l'Union Européenne en est le meilleur témoin. Le marché européen est incontestablement un repaire et une référence de premier ordre du fait qu'il représente le principal marché du textile tunisien.
Si «l'ogre chinois» ralentit… L'invité allemand, en affirmant que le secteur du textile tunisien est bien structuré et développé, ce qui représente à ses yeux un gage d'optimisme sur le devenir de la branche et l'avenir des travailleurs qui y sont occupés, souligne d'autre part que ce secteur devra, quand même, passer à un second palier en termes de flexibilité et de productivité, sans oublier la toute nouvelle niche qui s'offre aux opérateurs tunisiens sous la forme des textiles techniques. 30 à 40% des équipements fabriqués dans le monde sont destinés à ce créneau. A ces considérations structurelles, le marché mondial du textile sera marqué par le net ralentissement des performances chinoises. Plus d'un millier d'entreprises chinoises opérant dans le secteur ont dû cesser leurs activités pour la double cause de la crise mondiale et de l'augmentation des coûts de production suite aux augmentations des salaires, à l'absence de la main-d'œuvre qualifiée et à une politique sociale nouvelle, impliquant des changements dans le plans des entreprises. Entre 2006 et 2007, le géant asiatique a enregistré une baisse des exportations des techniques de couture et de confection de l'ordre de 18,5%. Un ralentissement dans la vitesse du train chinois profiterait à tout le monde dont notamment la Tunisie à côté du Maroc et de la Turquie. Cette dernière, site traditionnel pour l'Europe Centrale, développe son industrie textile et son savoir-faire pour les mettre au service de la fabrication et de la distribution de ses propres marques. En plus, la Turquie semble s'intéresser davantage à la production de vêtements haut de gamme, ce qui ne constitue pas une menace pour l'industrie tunisienne. La Tunisie s'est positionnée sur le créneau milieu de gamme et jouit d'une proximité très avantageuse à l'Europe avec ses 800 millions de consommateurs. Ainsi, l'opportunité du recul chinois, notamment en 2008-2009, constituerait un élément favorable aux industries tunisiennes dans le textile, l'habillement et même le cuir et la chaussure.
3) Les industries électriques et mécaniques Un tout autre volet d'une toute autre nature. Cette branche d'activité à haute contribution s'est développée en Tunisie presqu'intégralement, soit dans un cadre de partenariat, soit dans une politique de délocalisation. Les chances de pérennité ne sont pas négligeables face aux effets indirects de la crise financière mondiale. Mais les risques de dysfonctionnement et de ralentissement sont présents aussi, il ne faut pas se leurrer. Le secteur ne sera probablement pas touché de plein fouet jusqu'à l'effondrement, mais les mesures de correction, d'aide et de soutien seront les bienvenues. Ces mesures n'ont pas tardé à venir sous la forme d'un train de décisions prises par le Chef de l'Etat lors du dernier Conseil des ministres. En confirmant l'orientation stratégique adoptée par la Tunisie de faire de l'exportation un choix de politique économique nationale, la majorité de décisions prises sont orientées vers le soutien des entreprises exportatrices et le renforcement du dispositif du commerce extérieur. Sans entrer dans des détails techniques faits de quotes-parts, ratios et autres taux, l'on peut affirmer qu'il s'agit d'une panoplie de mesures visant directement l'activité des entreprises et leur viabilité dans le but de renforcer leurs capacités de résistance et de préserver l'emploi. De toutes les manières, les jours et les mois à venir constitueront un autre test de la flexibilité de l'économie face aux défis qui se profilent à l'horizon. Cette économie tunisienne, jeune et dynamique, en a vu d'autres et a su sortir son épingle du jeu.