(TAP) - Les poches de pauvreté sont concentrées dans l'Ouest de la Tunisie et plus particulièrement dans les zones rurales du Centre-Ouest. Ces inégalités ont freiné la croissance et réduit les effets bénéfiques des programmes de réduction de la pauvreté, outre l'alimentation des sentiments de frustration et les tensions sociales. C'est là les causes profondes du déclenchement de la révolution tunisienne. Un consensus s'est dégagé, à ce propos, d'un cercle d'économistes regroupés dans le cadre de l'initiative "IDEES".
Dans une note de synthèse commentée par ce groupe d'experts, M. Abdelrahmen El Lahga, enseignant d'économie quantitative à l'Institut supérieur de gestion (ISG) et collaborateur du Forum de la recherche économique du Caire (ERFC), a établi un diagnostic du phénomène de la pauvreté et des inégalités sociales en Tunisie.
L'auteur du rapport se base sur les seuils de pauvreté recommandés par la banque mondiale, pour avancer un taux national de pauvreté absolue de l'ordre de 11,3% (soit 1,2 million d'individus). Une forte disparité est avérée entre le milieu rural (24%)et le milieu urbain (4,6%).
Plus précisément, le document révèle que le niveau de la pauvreté de la famille tunisienne est fortement lié au niveau d'instruction du chef du ménage (si ce dernier est diplômé du supérieur, il sera, évidemment, plus aisé que celui ayant le niveau du secondaire).
Les experts estiment que les inégalités excessives sont en mesure de freiner la croissance économique, dans la mesure où elles « accentuent l'exclusion sociale, abaissent la confiance dans le gouvernement et altèrent le fonctionnement de la démocratie ».
Pour le cas de la Tunisie, l'ampleur des inégalités est élevé, et elle a «même augmenté de plus de 9% au cours de ces dernières années», selon le rapport, qui met en cause "l'efficacité des politiques de répartition des richesses menées par les gouvernements précédents".
Selon des classements de spécialistes, la croissance tunisienne pour la période 1990-2005, est qualifiée d'"anti-pauvre", terme qui désigne toute croissance accompagnée d'une hausse du niveau de la pauvreté. « Si la Tunisie avait pu garder la même distribution (des revenus) que celle de 1990, le taux de la pauvreté extrême aurait pu atteindre 3,03% (en 2005) au lieu de 5,83%, soit 315 mille individus de moins, vivant dans l'extrême pauvreté, sur un total de 1,2 million de personnes démunies».
Alternatives et propositions pour une équité sociale
Pour réduire ces inégalités, les experts recommandent la mise en place d'une nouvelle politique sociale axée sur l'évaluation de l'efficacité des programmes actuels d'aide sociale. Il s'agit de revoir leurs modalités de fonctionnement. « Les fonds mobilisés pour ces programmes et leur couverture nécessitent clairement un audit et une réforme de leurs modes de gestion ».
Ils préconisent l'amélioration de l'efficacité de la Caisse générale de compensation, afin de mieux cibler la population la plus démunie et de réduire le gaspillage des ressources.
Il serait indispensable, selon eux, de réformer le système financier en vue de faciliter l'accès aux crédits pour les personnes exerçant, surtout, dans le secteur informel, et partant créer et sécuriser les activités génératrices de revenus, pour une tranche considérable de la population.
L'effort doit être, également, orienté vers la mise en place de réseaux de sécurité sociale (RSS) à même de protéger la population vulnérable, qui vit juste au-dessus du seuil de la pauvreté, des variations conjoncturelles de revenus.
Le rôle de ces RSS consisterait à fournir «des aides ponctuelles et limitées dans le temps» aux familles à faibles revenus et «subvenir à des besoins spécifiques et urgents».
Les experts, plaident, encore, pour une promotion du rôle de la femme dans le contrôle et la gestion des ressources financières du ménage, en s'inspirant des expériences de certains pays asiatiques. "Les femmes possédant un vrai pouvoir de décision au sein du ménage, ont démontré de meilleures aptitudes à assurer un bon statut nutritionnel des enfants et à gérer plus efficacement les ressources limitées" ont-ils conclu.