Il est devenu l'homme le plus craint de la République. L'ancien Premier ministre et ancien chef de la diplomatie Dominique de Villepin est dans une forme olympique. Presque pas un jour sans qu'il étrille un membre du personnel politique. Il faut dire aussi que le niveau général vole tellement bas (rien à voir avec Valéry Giscard d'Estaing, François Mitterrand, Raymond Barre, Jacques Chirac…) que les cibles sont très faciles à canarder. La dernière fois – le 22 mai 2025 – que de Villepin a tiré c'était en direction du chef de l'Etat et du fils de l'ancien président Nicolas Sarkozy. Cette fois il s'en est pris à celui dont tout le monde parle, enfin celui qui fait tout pour qu'on parle de lui : le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau. Le Premier flic de France est rhabillé pour la présidentielle Il n'est pas rare que l'ancien Premier ministre critique ouvertement le ministre le plus populaire – selon les sondages – du gouvernement. En avril dernier il avait fustigé sa funeste obsession pour l'Algérie et les Algériens. Le 20 mai 2025 il a gâché la fête de Retailleau, qui venait d'écraser Laurent Wauquiez (avec plus de 74% des voix) lors du vote pour la présidence des Républicains (LR, la droite), un score qui n'allait pas de soi. De Villepin avait asséné qu'il ne voyait aucune différence entre le ministre de l'Intérieur et la cheffe de file de l'extrême droite, Marine Le Pen… L'ancien chef de la diplomatie a remis ça hier dimanche 25 mai sur BFMTV. "C'est tellement plus facile quand on est ministre de l'Intérieur d'aller divertir les gens avec l'étranger, l'immigré, plutôt que de faire son boulot (…). Faites votre travail!", a lâché de Villepin. "Dans le désastre qu'est l'économie française, dans la situation de notre République, nous parlons de tout sauf de l'essentiel", a-t-il ajouté. Encore plus cinglant : "On peut devenir rapidement populaire dans notre pays, monsieur Retailleau il y a huit mois qui le connaissait? (…). Personne n'avait jamais entendu parler de Bruno Retailleau (…). Moi, je vous le dis, n'est pas Sarkozy qui veut"… Il est vrai que ce n'est pas avec son statut de chef des sénateurs de la droite, majoritaires dans un Sénat soporifique, qu'il allait déchaîner les passions. Si Retailleau a fait des pieds et des mains pour sortir du quasi anonymat de la Chambre haute c'était pour exister médiatiquement. Mieux encore : il a atterri dans le ministère le plus en vue, celui de l'Intérieur. Le département qui dicte sa loi dans toutes les rues du pays et fait les gros titres quotidiennement. Pour quelqu'un qui n'a jamais été ministre à 64 ans c'est la voie royale. Le nom de Wauquiez avait été cité pour ce poste, il n'en a pas voulu, comme il n'a pas voulu du département de l'Economie et des Finances. Après un accord tacite avec Retailleau Wauquiez a préféré garder son strapontin de président des députés de la droite pour préparer l'élection de 2027. L'ex-patron des sénateurs LR était censé se contenter de la Place Beauvau, in fine il a porté un coup de canif au pacte, il veut le palais de l'Elysée. Macron n'est pas Chirac… Si de Villepin fait le parallèle avec Sarzozy c'est parce qu'il s'était élancé du ministère de l'Intérieur pour triompher à la présidentielle de 2007. L'ancien ministre était tellement pressé d'atteindre le sommet qu'il lui arrivait, comme Retailleau en ce moment, de piétiner le pré-carré de feu le président Jacques Chirac. On se remémore le recadrage public de ce dernier en 2004 (Sarkozy était ministre d'Etat et ministre de l'Economie) : "Je décide et il exécute)…" L'actuel ministre de l'Intérieur veut rééditer l'exploit de Sarkozy 20 ans après, pour cela il a bien préparé ses marottes électorales : l'Algérie (il a tellement oeuvré que les liens avec Paris sont au point mort), la naturalisation des immigrés et maintenant le combat contre l'islamisme, dans lequel il a réussi à embarquer le président Emmanuel Macron. Ce dernier est tellement impressionné par le rapport de Retailleau sur les Frères musulmans qu'il juge que les propositions ne sont pas assez dures. Mais quand on interroge sur les réalisations de Retailleau dans son département, en dehors de la posture électoraliste, il n'y a pas beaucoup de grain à moudre. Ce qui explique le "Faites votre travail" de Villepin. Ce dernier est la personnalité politique préférée des Français, toutes ses sorties indiquent qu'il est tenté par le suffrage universel en 2027 mais il botte en touche quand on le titille sur la question. "J'en ai assez de ces candidats, de ces ambitions, qui sont nourries par les sondages et par des bulles totalement artificielles", rétorque-t-il sur BFMTV. Ce qui est certain c'est s'il y va il croisera sur sa route Retailleau. Les choses ont bougé pour le ministre de l'Intérieur depuis son élection triomphale à la tête du parti LR. Au début du mois son parti était crédité d'à peine 10% des voix pour la prochaine présidentielle. La dernière enquête, publiée le 24 mai 2025 par La Tribune Dimanche, indique que 32% des sondés sont d'avis que le ministre de l'Intérieur serait le mieux outillé pour piloter le pays s'il s'impose en 2027… Ce sondage est suffisamment retentissant pour que Retailleau entre dans le viseur de de Villepin, même s'il n'a pas formellement dévoilé ses intentions pour la présidentielle. Si l'ancien Premier ministre s'active ce n'est certainement pas pour rester spectateur en 2027. On ne sait pas quelle forme ça prendra mais il sera sans doute au premier rang. Mais lui au moins n'a pas forgé sa popularité en clivant, en montant des populations contre d'autres, alors que le ministre de l'Intérieur en a fait son fonds de commerce. Que se passe-t-il en Tunisie? Nous expliquons sur notre chaîne YouTube . Abonnez-vous!