L'Irlande a franchi un pas inédit au sein de l'Union européenne en lançant une initiative législative visant à interdire le commerce avec les entreprises israéliennes opérant dans les colonies situées en Cisjordanie occupée et à Jérusalem-Est. Le projet de loi, approuvé en mai dernier par le Conseil des ministres irlandais, sera présenté devant le parlement au cours de l'été, avec une entrée en vigueur possible d'ici la fin de l'année 2025. Bien que le volume des échanges commerciaux concernés reste très modeste — estimé à environ 685 000 euros sur quatre ans, selon les chiffres officiels —, le gouvernement de Dublin assume le caractère symbolique et politique fort de cette mesure. Il s'agit, selon ses termes, d'un signal clair adressé à Israël contre l'occupation illégale des territoires palestiniens. Un message politique après la reconnaissance de la Palestine Cette initiative s'inscrit dans un contexte diplomatique tendu, quelques mois après que l'Irlande, aux côtés de l'Espagne, la Norvège et la Slovénie, a reconnu officiellement l'Etat de Palestine en mai 2024. Elle intervient également dans un climat de forte indignation publique en Irlande face à la guerre menée par Israël contre Gaza depuis octobre 2023, laquelle a causé des milliers de victimes civiles et des destructions massives. Ce conflit a ravivé la mobilisation populaire et parlementaire, avec une pression croissante sur le gouvernement pour adopter une position plus ferme. Le Premier ministre Simon Harris a notamment dénoncé l'interdiction imposée par Israël à l'UNRWA dans la bande de Gaza, qu'il a qualifiée de « comportement honteux et dégradant ». Une mesure inédite au sein de l'UE Le projet législatif irlandais s'appuie sur un avis de la Cour internationale de justice rendu en 2024, qui stipule que les Etats ont l'obligation de prendre des mesures pour éviter de soutenir économiquement des activités consolidant une situation illégale, comme celle des colonies israéliennes. Connor O'Neill, directeur plaidoyer de l'ONG Christian Aid Ireland et coauteur de la version initiale du projet de loi en 2018, salue une « avancée historique », précisant : « C'est la première fois qu'un pays de l'Union européenne passe des paroles aux actes face aux violations du droit international par Israël. » Même si le commerce extérieur est une compétence relevant de l'Union européenne, l'Irlande invoque des circonstances exceptionnelles qui lui permettent de restreindre certaines importations en raison de violations flagrantes du droit international humanitaire. Un tournant dans les relations euro-israéliennes ? Cette décision pourrait faire école. En effet, le Parlement néerlandais a récemment soumis une proposition similaire, et l'Espagne a formulé des demandes comparables auprès de la Commission européenne. Dans le même temps, l'UE a annoncé en mai 2025 une révision de son accord d'association commerciale de 1995 avec Israël, une première depuis trois décennies. À Dublin, cette initiative est aussi perçue comme une manifestation de solidarité nationale envers le peuple palestinien, profondément ancrée dans l'histoire irlandaise. Beaucoup d'Irlandais établissent un parallèle entre leur propre passé colonial sous domination britannique et la situation actuelle des Palestiniens sous occupation israélienne. En légiférant contre le commerce avec les colonies israéliennes, l'Irlande impose un tournant dans la diplomatie européenne vis-à-vis d'Israël. Le vote à venir au parlement pourrait non seulement renforcer ce positionnement, mais également inspirer d'autres Etats membres à adopter des mesures similaires, à un moment où les violations du droit international en Palestine occupée sont de plus en plus dénoncées sur la scène mondiale. Commentaires Que se passe-t-il en Tunisie? Nous expliquons sur notre chaîne YouTube . Abonnez-vous!