On n'y arrivera jamais à en croire les dérobades des uns et des autres, les petites et grandes trahisons. Nous parlons de la Défense européenne, avec de l'armement européen. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui vient d'écraser ses ennemis au Parlement européen, avait fixé le nouveau cap européen en mars dernier. Sauf que son pays, l'Allemagne, est le premier à briser le lien européen. Berlin a tenté de faire cavalier seul sur l'accord avec le Mercusor, au nom de ses intérêts supérieurs et au détriment de la 2e économie de la zone euro, la France. L'Allemagne récidive sur un dossier encore plus sensible : l'achat de 15 F-35 supplémentaires. L'Europe sommeille depuis 1945 et ça continue… Non seulement Berlin signe cette « forfaiture » (ne demandez pas aux Allemands de songer à commander le Rafale français) mais en plus il le fait sur le dos de Paris, en négociant secrètement avec les Etats-Unis. L'information a été révélée par Politico hier jeudi 10 juillet. Il faut imaginer la tête du président français, Emmanuel Macron, en apprenant le énième coup bas du partenaire allemand. Pourtant ce dernier s'est embarqué dans le programme d'avion européen SCAF (Système de combat aérien du futur). L'Europe sommeille depuis la Seconde guerre mondiale et a confié sa sécurité aux USA, les Européens savent maintenant, après les sons très inquiétants émis par la nouvelle administration américaine, qu'ils ne peuvent plus compter sur l'automaticité du soutien de Trump. D'ailleurs il a exposé sa propre lecture de l'article 5 du traité de l'OTAN, lequel pourtant dit clairement que si un membre de l'Alliance est attaqué les autres sont tenus de faire front. Les sorties du républicain ont tellement désarçonné les Européens qu'ils ont oublié toute rationalité dans leurs actions. Si Berlin va au bout de cet achat de 15 chasseurs américains la flotte allemande passerait à 50 appareils, les 35 autres ayant été commandés en 2022. Cette information sort alors que la France, l'Allemagne et l'Espagne ont convenu de tout miser dans le SCAF pour acter la souveraineté technologique européenne et rompre la dépendance des Etats-Unis. Mais voilà, il y a ces sempiternels différends industriels. Partenaires au sein de l'Union européenne mais aussi concurrents, rivaux. Pourtant le 9 juillet 2025 le chancelier allemand Friedrich Merz déclarait lors d'un entretien avec le secrétaire général de l'OTAN, Mark Rutte, qu'il a «décidé de clarifier définitivement cette question au cours des prochains mois». Mais il a vite admis que «les divergences de vues sur la composition de ce consortium n'ont pas encore été résolues». Dassault Aviation insiste toujours pour avoir la main sur 80% des composants centraux du futur avion… Le français en a les moyens techniquement et l'a prouvé avec son fleuron Rafale, que beaucoup d'experts disent meilleur que son concurrent américain F-35. Mais Berlin ne veut pas entendre parler d'une supériorité technologique française. Sans doute une résurgence du vieil antagonisme né des deux Guerres mondiales. Paris comptait sur Merz pour faire mieux qu'Olaf Scholz, mais la reculade du nouveau chancelier sur l'Ukraine (les missiles à longue à portée qu'il avait promis) est la preuve qu'il faut s'en méfier. Macron pédale dans la semoule depuis 2021 Le chef de l'Etat français est annoncé à Berlin à la fin du mois, on verra s'il parviendra à convaincre Merz de renoncer à la route de Washington. Mais ça part mal, le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, rencontrera son homologue américain Pete Hegseth lundi prochain. Paris doit s'attendre au pire. On ne voit pas comment Macron pourrait empêcher les F-35, fabriqués par l'américain Lockheed Martin, de débarquer en Allemagne… Cette dernière est dans l'urgence, en tout cas elle le vit comme tel. Le martyre de l'Ukraine depuis 3 ans et demi, en dépit des menaces récurrentes de Trump, terrifie les Allemands. Ils ne pensent qu'à muscler très rapidement leur arsenal, eux qui sont convaincus que la Russie leur sautera dessus dans 5 à 8 ans. Les nouveaux F-35 pourraient être déployés d'ici 2027 alors que le SCAF n'entamera pas ses vols d'essai avant 2028 ou 2029. C'est le même Merz qui clamait l'urgence d'une Europe plus autonome, demandant à ses pairs de «s'émanciper progressivement des Etats-Unis» en matière de défense. Pas plus tard que le mois dernier il fustigeait de nouveau la dépendance européenne du parapluie américain. Très vraisemblablement il tournera casaque pour se mettre sous la coupe de l'US Air Force, comme l'ont annoncé il y a peu la Belgique et la Suisse, même si elles payent plus cher les avions. C'est Trump qui se frotte les mains. Il était en terrain conquis en juin dernier au Sommet de l'OTAN, à la Haye (Pays-Bas), après que le secrétaire général de l'Alliance a travaillé au corps les Européens pour faire monter leurs dépenses militaires à 5% de leurs PIB. Prochainement presque tout ce qui sera acheté en Europe pour s'armer sera américain. Macron s'active depuis 2021 pour imposer l'industrie française, Berlin et compagnie lui savonnent systématiquement la planche. Un drame européen attisé par Washington. « Diviser pour mieux régner », pour vendre surtout.
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