Toute cette agitation pour finir par une solution de facilité, enfin, en apparence. Après avoir longtemps lambiné, louvoyé, consulté à gauche, à droite, organisé des réunions avec les partenaires sociaux et fait mine d'écouter tout le monde, le Premier ministre François Bayrou a choisi le statu quo pour, pense-t-il, ne fâcher personne. Pour faire les économies qu'aucun Français ne veut faire et qui urgent il a choisi le gel de toutes les dépenses pour le budget 2026. « L'année blanche », rien ne bougera, on prend le Budget de 2025 et on recommence… Certains commentateurs le croyaient plus téméraire, avec des arbitrages qui taillent dans le vif, et advienne que pourra (motion de censure, dissolution du Parlement, etc.). Bayrou préfère en rester à la diète pour tout le monde, pas un euro de plus, aussi bien pour les dépenses de l'Etat, pour les salaires des agents de la fonction publique que pour les prestations sociales. C'est la principale annonce du plan budgétaire dévoilé ce mardi 15 juillet. Il a fallu attendre 30 minutes pour que le Professeur Bayrou (il est agrégé de Lettres classiques) livre la portion amère à tous les Français. Balle au centre. Le risque c'est que personne ne soit content, évidemment et que le Premier ministre le paye cher après les vacances. Le chef du gouvernement a fait un exposé laborieux sur la situation des finances publiques – qu'on connaissait déjà dans les moindres détails -, agitant l'épouvantail de la Grèce de 2009. Il a argué que la dette de la France gonfle de «5 000 euros par seconde» et qu'il faut un plan sur 4 ans, avec pour ambition un déficit à 4,6% en 2026 et 2,8% en 2029… Les dépenses de l'Etat sur l'année 2026 seront les premières à trinquer, hors charge de la dette et hors financements de la Défense. Le président Emmanuel Macron a exigé une hausse du budget de l'armée, la Russie oblige. «L'Etat se fixe comme première règle de ne pas dépenser davantage à l'euro près en 2026 qu'en 2025, à l'exception de l'augmentation de la charge de la dette et des dépenses supplémentaires pour le budget des armées», a indiqué Bayrou devant la presse. «Tous les ministères seront solidaires de cet effort collectif», a-t-il ajouté. Des projets de loi de programmations risquent d'être rangés dans les tiroirs, pour «quelques mois» au moins. Mais la décision la plus spectaculaire est le gel de l'«ensemble des prestations sociales» en 2026, «sans exception». On en restera au niveau de 2025. Bayrou est d'avis que la frappe est politiquement «acceptable» grâce à «la baisse rapide de l'inflation observée ces derniers mois». Fini les bruits lâchés sur les ajustements sur l'inflation des pensions de retraite, la contribution sociale généralisée (CSG) ou les barèmes de l'impôt sur le revenu, tout ça c'était du vent. On se contentera « sagement » d'une année blanche, qui rapportera 7,1 milliards d'euros d'après le chef du gouvernement, sur les 43,8 milliards escomptés. C'est le patronat et les ultra riches qui seront contents, ils viennent d'échapper à la taxation des super profits. Evidemment tous les autres seront très remontés. A côté de ça le chef du gouvernement propose «une règle de non-remplacement d'un fonctionnaire sur trois partant à la retraite (…) pour les années qui viennent», saufs pour les futurs enseignants de l'Education nationale. Le patrimoine foncier de l'Etat, «qu'il ne connaît pas toujours en détail et dont il ne fait pour ainsi dire rien», sera également mis à contribution. Le vice-président du Rassemblement national, Sébastien Chenu, disait déjà avant le discours de Bayrou que l'année blanche n'est rien d'autre qu'un « impôt déguisé« . « Cette année blanche touche les plus pauvres, donc c'est une façon tout à fait injuste de commencer ce travail » sur le budget, fustigeait le collaborateur de Marine Le Pen. Si le RN décidait de se joindre à la gauche, comme il l'a fait avec l'ex-Premier ministre Michel Barnier en décembre dernier, le sort de Bayrou sera scellé dès la rentrée. La conséquence immédiate serait une nouvelle dissolution de l'Assemblée nationale et donc les deuxièmes législatives anticipées du second mandat de Macron. Et là Mme Le Pen, du fait de sa condamnation et de son inéligibilité de 5 ans, perdrait automatiquement son siège de députée et de patronne du premier groupe parlementaire. Sans parler du fracas de la condamnation en appel pour la prochaine présidentielle… L'occasion de renverser le gouvernement est belle mais ce sera aussi un vrai casse-tête pour l'extrême droite française. Quant à Bayrou, il a survécu à 4 motions de censure, rendez-vous pour la 5e.
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