La tension commerciale monte entre l'Inde et les Etats-Unis, alors que Washington s'apprête à appliquer, d'ici la fin du mois, des droits de douane de 50 % sur une large gamme de produits indiens. Une mesure annoncée par le président américain Donald Trump qui, au-delà des enjeux géopolitiques, cible des secteurs agricoles sensibles — en particulier l'industrie laitière, symbole national et pilier politique pour New Delhi. Le 7 août, lors d'un discours enflammé à New Delhi, le Premier ministre Narendra Modi a réaffirmé que son pays « ne transigera jamais sur le bien-être des agriculteurs, des éleveurs de bovins laitiers et des pêcheurs », marquant son opposition frontale à la décision américaine. L'Inde, géant laitier protégé Première productrice mondiale de lait depuis près de trois décennies, l'Inde fournit environ 25 % de la production globale. Mais ses partenaires commerciaux, notamment les Etats-Unis, dénoncent un secteur inefficace, subventionné, polluant et protégé par des barrières tarifaires et non tarifaires. Les droits de douane atteignent 40 % sur le beurre et le fromage, et jusqu'à 60 % sur le lait en poudre, soit des niveaux proches de ceux que Washington envisage d'imposer aux exportations indiennes. Le modèle indien repose sur des dizaines de millions de petits producteurs : près de 80 millions de foyers possèdent une ou plusieurs vaches ou bufflonnes, avec un cheptel moyen inférieur à quatre têtes, contre environ 390 vaches par ferme aux Etats-Unis. Le pays compte plus de 200 millions de bovins, dont 62 millions de vaches laitières, contre seulement 24.000 exploitations laitières outre-Atlantique. Une « révolution blanche » qui privilégie la quantité Lancée en 1970, la « révolution blanche » visait à augmenter la disponibilité du lait et améliorer la nutrition grâce aux coopératives agricoles, qui garantissaient des prix fixes aux producteurs et des primes en cas de hausse des coûts. L'an dernier, le gouvernement a annoncé la « révolution blanche 2.0 » pour accroître de 50 % les achats de lait par les coopératives d'ici cinq ans, misant sur la croissance de la production plutôt que sur la modernisation du secteur. Pourtant, la productivité reste faible : une vache américaine produit sept fois plus qu'une vache indienne. Selon Shashi Kumar, directeur d'Akshayakalpa, société spécialisée dans le lait biologique, la fin de la protection douanière serait fatale à la majorité des petites fermes. Des règles d'importation strictes Les tensions ne se limitent pas aux tarifs. L'Inde interdit l'importation de la plupart des cultures génétiquement modifiées (hors coton) et impose que le lait importé provienne d'animaux n'ayant pas été nourris avec des produits d'origine animale, comme la farine d'os — une mesure adoptée en 2003 à la suite de la crise de la vache folle, mais désormais critiquée comme un obstacle non tarifaire à connotation nationaliste. Un blocage politique probable Les agriculteurs indiens ont démontré leur capacité à faire reculer le gouvernement, comme en 2021, lorsqu'ils ont contraint Narendra Modi à abandonner trois lois de libéralisation du marché agricole après des mois de manifestations massives. Certains observateurs estiment que la stratégie de Donald Trump, visant à obtenir des concessions via la pression commerciale, pourrait subir le même sort. Pour l'économiste Himanshu, professeur à l'université Jawaharlal Nehru, la difficulté réside dans le fait que « Modi et Trump soutiennent tous deux leurs agriculteurs, mais ces derniers n'ont rien en commun », ce qui complique toute tentative de rapprochement économique. Commentaires Que se passe-t-il en Tunisie? Nous expliquons sur notre chaîne YouTube . Abonnez-vous!