La France traverse aujourd'hui une phase de turbulence sociale sans précédent. À l'appel des syndicats, soutenue par des mobilisations citoyennes, une journée de grèves et manifestations ponctue un profond mécontentement autour du projet de budget pour 2026. Entre revendications sociales, défiances politiques, risques de blocages durable et scénarios de compromis, voici un panorama complet de la situation. Les origines du malaise Le point de départ est le budget 2026 proposé sous l'impulsion de l'ancien ministre François Bayrou : près de 43,8 milliards d'euros d'économies envisagées dans les secteurs publics, une suppression de deux jours fériés (le 8 mai et le lundi de Pâques) ainsi que des gels de prestations sociales, des réformes de l'assurance chômage et du droit du travail. Ces mesures, jugées "d'austérité brutale", ont déclenché une vive opposition, d'abord virtuelle, puis dans la rue. Le mouvement "Bloquons tout", né sur les réseaux sociaux en mai-juillet 2025, est devenu l'un des catalyseurs du mécontentement. Sans structure hiérarchique, apartisan, il rassemble classes moyennes, jeunes, retraités et citoyens ordinaires autour de slogans comme « justice sociale », « pouvoir d'achat » et « non au budget du sacrifice ». Revendications principales Les syndicats et les mouvements citoyens énoncent plusieurs demandes claires : * Retrait des réformes les plus controversées : suppression des deux jours fériés, gel des retraites, assouplissement ou abandon des réformes chômage. * Hausse des salaires et revalorisation de la fonction publique. * Restauration du pouvoir d'achat : indexation des aides sociales, révision des prix, maîtrise des factures énergétiques. * Maintien, voire renforcement, des services publics : santé, éducation, transport. * Mesures fiscales visant à imposer davantage les très hauts revenus et restaurer/ou créer une taxe sur la fortune. Positions des partis politiques et des organisations * Le Parti Socialiste (PS), avec Olivier Faure, demande des concessions massives à l'exécutif sur les salaires, les pensions, et la fiscalité. Il menace d'une motion de censure si le gouvernement ne change pas de cap. * La France Insoumise (LFI) et le PCF appuient ouvertement les mobilisations citoyennes et syndicales. Ils revendiquent des changements structurels forts, et proposent des alternatives politiques ambitieuses. * Les écologistes demandent que les enjeux climatiques soient pris en compte dans les mesures fiscales, et dénoncent le gel ou la réduction des investissements vertueux. * Le Rassemblement National (RN) tente de se positionner en empathie avec les "Français mécontents" sans appel formel à manifester, pour ne pas perdre de crédibilité face à ses électeurs. * Le gouvernement, avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, insiste sur la nécessité de redresser les finances publiques — déficit élevé, endettement autour de 114 % du PIB — tout en promettant une "rupture" avec certaines des mesures les plus impopulaires. Mais beaucoup voient ce mot comme un repositionnement verbal plus que comme un changement effectif. Risques identifiés Sur le plan économique, les grèves et manifestations laissent déjà une facture lourde. Les transports ralentis, les écoles fermées, les hôpitaux perturbés génèrent des coûts directs, entre absences, réquisitions et désorganisation générale. L'image du pays en souffre, tandis que le déficit public se creuse davantage et que la confiance des investisseurs s'effrite face à cette instabilité. Politiquement, l'exécutif apparaît fragilisé. Avec une majorité parlementaire déjà étroite, le gouvernement s'expose à une perte de confiance croissante et à la menace récurrente d'une motion de censure. Dans un climat aussi tendu, l'hypothèse d'élections anticipées n'est plus taboue, tant la défiance pourrait s'installer durablement. Sur le terrain social, la colère gronde et peut à tout moment basculer dans la violence. Les blocages, les affrontements ponctuels, les tensions entre manifestants et forces de l'ordre nourrissent un climat explosif. La fracture territoriale, entre métropoles et zones rurales ou périphériques, s'approfondit, accentuant le sentiment d'injustice et d'abandon. Enfin, l'enjeu institutionnel est considérable. La légitimité du pouvoir se retrouve questionnée. Si le nouveau gouvernement ne parvient pas à désamorcer la contestation, il pourrait vite être accusé d'immobilisme, voire d'être soumis aux intérêts financiers et aux élites technocratiques, coupé des réalités vécues par une grande partie de la population. Scénarios probables Un premier scénario serait celui du compromis. Le gouvernement accepterait d'assouplir certaines de ses mesures en annulant ou en révisant la suppression des jours fériés, en prévoyant des soutiens ciblés pour les retraités et les salariés aux revenus modestes, ou encore en corrigeant la réforme du chômage. De telles concessions pourraient calmer une partie de la colère et offrir une respiration au climat social. À l'inverse, le scénario du durcissement se dessinerait si l'exécutif persiste sans modifications majeures, maintenant coupes budgétaires et gels. Dans cette hypothèse, le mécontentement ne ferait que croître, les grèves se multiplieraient, les blocages se durciraient, et certains secteurs vitaux comme les transports, l'énergie ou les hôpitaux risqueraient d'être paralysés. Un scénario plus extrême, à forte portée politique, verrait le gouvernement confronté à une motion de censure ou à un vote de défiance. Si celui-ci venait à être adopté, il pourrait conduire à des élections anticipées ou à un remaniement majeur, bouleversant l'équilibre actuel du pouvoir. Enfin, un scénario plus probable mais moins spectaculaire serait celui d'un statu quo tendu. Le gouvernement maintiendrait l'essentiel de ses réformes, tout en multipliant les dialogues partiels et les promesses, sans véritable abandon des mesures contestées. Le conflit social se prolongerait alors, alimentant une tension constante mais sans rupture institutionnelle immédiate. Commentaires Que se passe-t-il en Tunisie? Nous expliquons sur notre chaîne YouTube . Abonnez-vous!