TAV, la compagnie turque, devait construire l'aéroport sur un terrain acquis au dinar symbolique, l'exploiter 40 ans, puis partir Mais Belhassen Trabelsi leur a “donné" l'exploitation de l'Aéroport de Monastir pour une commission de 5% Elle a tout d'abord enlevé «International», mais dans un communiqué rendu public, vendredi dernier, «TAV Tunisie», qui exploite l'aéroport de Monastir, rappelle que la Compagnie a remporté l'appel d'offres international relatif au contrat de concession pour l'exploitation de l'aéroport international de Monastir, à compter du 1er janvier 2008. La compagnie ajoute qu'«elle s'engage, en vertu des clauses de ce contrat conclu avec le gouvernement tunisien représenté par le ministère du Transport et l'Office de l'aviation civile et des aéroports (OACA), à maintenir en état d'exploitation effective et totale de l'aéroport de Monastir durant la période du contrat de concession». Ce communiqué vient après que des «rumeurs» eurent circulé, faisant état d'une «possible décision portant sur la fermeture de l'aéroport international de Monastir, le transfert de l'ensemble de son trafic à l'aéroport d'Enfidha, risquant ainsi de mettre des dizaines, voire même des centaines d'employés au chômage et coupant de la sorte la route devant d'innombrables autres professionnels qui vivent de l'activité autour de cet aéroport». A voir le message véhiculé par le communiqué de l'opérateur turc, on dirait que tout va bien, surtout que «la Compagnie s'engagera, également, à honorer ses obligations contractuelles vis-à-vis de l'Etat tunisien, dont l'engagement à ne pas suspendre les activités de cet aéroport ni dans le présent ni dans l'avenir». «Contrairement aux affirmations de la compagnie turque qui exploite l'aéroport, la correspondante de l'agence TAP a constaté, sur place, que le personnel de l'aéroport veille à fournir les meilleurs services aux passagers et à assurer la sécurité de tous». Le personnel de l'Aéroport avait organisé un Sit-in pour «dénoncer la main-mise de la compagnie turque sur les marchés traditionnels de l'aéroport de Monastir pour les orienter vers l'aéroport d'Enfidha, alors qu'elle s'était engagée à lui apporter de nouveaux marchés». Nizar Arbi, huissier notaire, a affirmé avoir rédigé, samedi, deux procès verbaux constatant “l'inexistence de toute trace de destruction à l'aéroport international de Monastir” et “la tentative de la partie turque de déloger les citernes de carburant de l'aéroport international de Monastir”. «Béchir Korbi, secrétaire général du syndicat de l'Office de l'Aviation Civile et des Aéroports (OACA) a affirmé que la compagnie turque a dépêché une équipe, samedi et dimanche matin, pour transférer les citernes de carburant vers l'aéroport d'Enfidha, ce que les sit-inneurs ont tenté à deux reprises d'empêcher», rapporte encore TAP. Mais avant d'en arriver là, comment se fait-il que TAV avait, contre toute attente, mis la main sur l'aéroport de Monastir, alors que son accès en Tunisie se limitait, en principe, à la construction et à l'exploitation de l'Aéroport d'Enfidha ? Il est intéressant de noter que certains officiels, ayant accès à certains détails de ce dossier, affirment que l'entrée même de la compagnie turque TAV en Tunisie est quelque peu suspecte, surtout avec le «non-besoin» d'un nouvel aéroport en Tunisie. L'emplacement de l'Aéroport d'Enfidha ainsi que le long retard du démarrage, officiel, de ses activités laissent planer beaucoup de doutes quant à la clarté de certains points de cette affaire ! Selon les documents échangés entre les cadres de certaines directions relavant du ministère des Transports «un sous-directeur de ce ministère s'était occupé du dossier d'études et des statistiques nécessaires. Il n'est pas tout seul, puisqu'il avait à ses côtés 12 autres personnes, notamment représentatives de l'ensemble des intervenants concernés». Une commission, qui, à la base des éléments présentés par l'administration, avait pour tâche de valider la nécessité de prévoir à terme un nouvel aéroport. C'est-à-dire trancher si la Tunisie, en fonction de la croissance de son économie, avait besoin d'un nouvel aéroport, en 2020, en 2016, en 2014 ou simplement en 2010 ? La même commission, présidée par le même cadre, devenu directeur, s'est renforcée de représentants venant de plusieurs ministères (près de 25 personnes). Elle est régulièrement alimentée par les chiffres communiqués par l'administration avec des conclusions d'études présentées, elle élimine l'option d'extension de l'aéroport de Monastir, mais recommande et souligne « l'urgence d'un nouvel et imposant aéroport ». Les conclusions de l'étude devaient être approuvées lors d'un conseil ministériel restreint et par la suite transmises aux cabinets des directions des études des ministères concernés, qui valident, à l'unanimité, le projet ! Ils ne sont pas moins de cinq ministères et une cinquantaine de cadres l'ayant signé ! Après avoir dopé le tout d'une certaine rationalité, on choisit de recourir au conseil d'une banque d'affaires française. La même institution bancaire qui a été chargée d'élaborer l'étude de la fusion-acquisition croisée de deux compagnies aériennes locales pour le compte de Belhassen Trabelsi. Les choses sérieuses ? Ce sont le cahier des charges et l'appel d'offres, sans omettre bien évidemment le mode de financement ! Il ne s'agit pas d'un simple et gigantesque contrat de BTP, il s'agit de 300 millions d'euros, avec des commissions qui s'élèvent à 5%. Cerise sur le gâteau : il s'agit d'un BOT : Build, Operate and Transfer. Un concept lucide : en tant qu'opérateur, je construis, je me paye en exploitant l'aéroport pendant quarante ans, avant de laisser une infrastructure usée et démodée et partir ! L'Etat, dans ce cas, ne débourse ni participe à cet investissement colossal. L'idée profite à certains, surtout avec une partition écrite par un sous-directeur, devenu directeur, promu directeur général et surtout Président de la Commission de Dépouillement de l'appel d'offres pour la sélection d'un opérateur aéroportuaire. Une vingtaine de membres de divers ministères ainsi que la commission supérieure des marchés, se joignent à la messe et souscrivent ! Ils n'étaient que deux principaux soumissionnaires : ADP (aéroports de Paris), et TAV (Turkish Airports) qui ont manifesté leur intérêt, cinq autres auraient très vite renoncé, l'affaire paraissait à leurs yeux « louche ». Les deux soumissionnaires, indiquent certains officiels ayant accès au dossier «avaient posé des questions sur la pertinence des chiffres, et avaient mis carrément en doute les prévisions de trafic avancés». La Tunisie n'aura pas besoin d'une nouvelle plateforme pour absorber la croissance avant 2016, dans le meilleur des cas ! «C'est-à-dire qu'il n'y aura pas de Grande Réalisation du siècle à baptiser au nom du président déchu (c'était d'ailleurs l'une des raisons permettant l'adhésion de l'ex- présidence), comme il n'y aurait pas de conséquents subsides à récupérer, côté belle famille, et surtout pas une promotion hiérarchique pour le Directeur Général». Afin de donner encore plus de charme à cette transaction trouble, l'aéroport de Monastir ne dépend plus de la souveraineté de l'Etat et est offert, dans la foulée, avec ses 3.5 millions de passagers et ses 50 millions d'euros de revenus annuels. Une première mondiale : tu me construis un aéroport, je te donne DEUX aéroports ! En théorie, les Turcs ont investi 500 millions d'euros. Il s'agit, dans la majorité, d'emprunts, notamment de banques de développement telles que la BAD (Banque Africaine de Développement), la BEI (Banque Européenne d'Investissement), outre le Fonds de l'Opep pour le développement international. Des montants faramineux, faut-il dire, puisqu'ils seront crédités sur le compte du développement des infrastructures en Tunisie et sur lesquels l'Etat ne peut plus compter ! Ils sont remboursables sur 25 ans ! De son côté, TAV s'est vu garantir un revenu annuel, presque affirmé, de 50 millions d'euros par an. Un tiers à peine servira à payer l'échéance bancaire annuelle. Ceci sans compter le déluge de revenus résultant de la machine à sou qu'est l'aéroport d'Enfidha. Il ne faut pas cependant s'acharner sur les Turcs, qui, comme tout autre homme, ou groupe comme le leur, d'affaires n'ont pas laissé filer une opportunité pour gagner encore plus. Mais il faudra surtout poser des questions précises aux responsables tunisiens de ministères en relation notamment celui des Transports, des différentes commissions, notamment celle des Grands projets, l'office des ports (OACA), la CAREP, la commission d'Assainissement et de Restructuration des Entreprises Publiques, ainsi que l'UGTT dont certains de ses responsables ont béni cette opération en donnant l'approbation des syndicalistes ! Ils sont près de 200 co-responsables, à degrés divers, ayant « béni » ce drame économique pour la Tunisie. A leur tête, le Directeur général du ministère qui a accompagné la finalisation de ce “deal”, lequel responsable occupe actuellement un autre poste ! Plusieurs experts internationaux y avaient vu “anguille sous roche” et le bradage au détriment de l'Etat. Pour certains d'entre eux, les turcs auraient amorti leur mise en moins de dix ans et empocheront, au moins, 2,1 milliards d'euros de gain sur les quarante ans de concession. Tout ceci sans oublier l'acquisition de ce terrain, pas très loin d'ailleurs de la plage, fort probablement au dinar symbolique. L'affaire est appelée à connaitre encore plus de développements dans les jours à venir. La situation des employés ne doit pas être tributaire de n'importe quelle envie de tel ou tel autre opérateur ou partie. L'activité de l'aéroport de Monastir doit se poursuivre et normalement. La compagnie turque se trouve peut être dans une situation tout à fait légale dans cette affaire de l'aéroport de Monastir, mais elle est contrainte de montrer et de rendre public tout document prouvant la légitimité de son activité à Monastir, quelque chose que le directeur de la communication de TAV Tunisie n'a pas réellement promis, lors de son apparition sur l'écran d'une station de télévision panarabe !